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Les bases françaises dans l’Océan Indien, nouveau pilier de la stratégie indienne ?

L’Inde et la France continuent leur rapprochement… À l’issue de la rencontre Macron – Modi, la France a conclu de nombreux accords avec l’Inde. Parmi eux, passée relativement inaperçue parmi les signatures de contrats, l’annonce de la permission pour l’Inde d’utiliser les bases navales françaises dans l’Océan Indien.

L’Inde, premier importateur mondial de matériel militaire, est en train de procéder à une modernisation et un développement de son outil militaire naval. La « Bhāratīya Nau Senā » est aujourd’hui la 6e marine mondiale en termes de tonnage (selon le classement 2016 de Mer et Marine) et rejoindra probablement le top 3 d’ici quelques décennies. Disposant d’une véritable marine océanique, qui multiplie les déploiements dans l’Atlantique et en Méditerranée, l’Inde a donc besoin de points d’appui logistiques pour ses navires.

L’expansion maritime chinoise…

Le développement naval indien fait écho à celui de son voisin chinois : New Delhi ne supporte pas la présence chinoise grandissante dans l’Océan Indien, qu’elle considère comme son arrière-cour. En effet, la Chine a construit un certain nombre d’infrastructures portuaires qui pourraient être utilisées à des fins militaires dans les pays riverains de l’Inde : Pakistan, Myanmar, Sri Lanka, Maldives… au grand dam de cette dernière. Selon plusieurs rapports, le gouvernement chinois chercherait à construire près d’une vingtaine de bases dans l’Océan Indien, en continuation du fameux « collier de perles ».

Ce réseau de bases (voir carte ci-dessous) est l’une des constituantes maritimes du projet chinois de « Belt and Road Initiative » qui vise à désenclaver la partie occidentale du territoire chinois, diversifier et sécuriser les routes d’approvisionnements énergétiques de Pékin ainsi que développer l’influence chinoise jusqu’en Europe, en passant par l’Asie Centrale.

La présence chinoise dans l’Océan Indien provoque, chez New Delhi, un sentiment d’encerclement sur chacune de ses façades maritimes. La Chine dispose en outre d’une base navale au Pakistan, à proximité des routes maritimes par où transitent les approvisionnements énergétiques de l’Inde en provenance du Golfe Persique.

… Et la nécessité de protéger ses routes maritimes…

L’Inde devient une puissance manufacturière et exportatrice dont la prospérité est de plus en plus liée à son commerce extérieur et à son approvisionnement énergétique.

Ceux-ci passant par les voies maritimes, la sécurité économique du pays dépend donc en partie de sa capacité à protéger ces dernières.

Comme sa voisine chinoise, l’Inde investit donc des sommes toujours plus importantes dans le développement de sa capacité de projection océanique et de plusieurs groupes aéronavals crédibles centrés autour de ses porte-aéronefs. Elle a cependant besoin d’acquérir elle aussi des points d’appui navals dans ce qu’elle considère comme sa zone d’influence. L’Inde ne possède pas de bases navales en dehors de ses frontières, uniquement des stations de surveillance radar à Madagascar, aux Maldives et sur l’Ile Maurice. Elle a cependant pour projet de construire une base navale aux Seychelles mais celle-ci ne sera pas opérationnelle avant des années.

… font de la France un partenaire stratégique pour l’Inde

L’utilisation des bases françaises (voir carte) dans l’Océan Indien serait donc particulièrement intéressante pour New Delhi, deux d’entre elles étant particulièrement stratégiques.

La base française présente à Abu Dhabi permettra à New Delhi de disposer d’un point d’appui logistique dans le Golfe Persique, région la plus stratégique pour l’Inde. En effet, plus de sept millions de citoyens indiens vivent et travaillent dans les États du Golfe, premiers partenaires commerciaux de l’Inde (devant la Chine). Ces derniers fournissent également plus de 70% de l’approvisionnement énergétique indien.

La base française de Djibouti permettra à l’Inde d’intervenir plus facilement en Afrique de l’Est où vivent également de nombreux expatriés indiens. De plus, elle commande les approches du détroit de Bab El Manded, soit l’accès à la Mer Rouge puis à la Méditerranée aux marchandises à destination de l’Europe. Elle permettra également à l’Inde d’être présente plus souvent dans une zone connue pour ses risques de piraterie.

Enfin, la base française de Port-aux-Galets sur l’Ile de la Réunion permettrait de coupler les capacités de détection radar des stations de Madagascar et de l’Ile Maurice à une infrastructure capable d’accueillir des capacités d’interventions en cas de crises dans la zone.

 

 

Pierre-Olivier Beyrand