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L’Allemagne contourne le gaz russe en passant contrat… avec le Qatar

Fin novembre, un accord commercial de transfert de gaz a été conclu entre l’Allemagne et le Qatar. Ce contrat, conclu pour contourner l’exportation du gaz russe, représente une alternative des plus contestées par la sphère occidentale.

Un accord controversé

Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février dernier, les pays européens cherchent des alternatives au gaz russe. C’est ainsi que l’Allemagne tend à  faire cavalier seul, par la signature ce 29 novembre 2022, d’un accord avec Qatar Energy et la compagnie américaine ConocoPhillips. Saad Sherida Al-Kaabi, le ministre qatari de l’énergie, se félicite que ce contrat « participe aux efforts visant à soutenir la sécurité énergétique en Allemagne et en Europe ». Cet accord gazier est l’un des plus importants en Europe : le Qatar fournira jusqu’à 2 millions de tonnes de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) à partir de 2026. Les livraisons s’effectueront sur une période de 15 ans, assurant ipso facto l’Allemagne d’une sécurité énergétique de long terme. 

 

Un choix contestable

Le trajet nécessaire à l’exportation du gaz qatari est considérable : les méthaniers partiront du Qatar et parcourront en effet des milliers de kilomètres, passant par le golfe d’Aden, le Canal de Suez, traversant la mer Méditerranée, Gibraltar, longeant l’Espagne, passant par la Manche avant de rejoindre les côtes allemandes. Il implique un manque de souplesse, inhérent à la lenteur du déplacement des méthaniers. Alors que l’Allemagne, et plus largement l’Europe, craint des ruptures d’approvisionnement en gaz, la solution semble précaire à plus d’un titre.

 

Des chiffres à nuancer

L’entreprise américaine ConocoPhillips injectera en moyenne 2,5 milliards de mètres cubes de gaz qatari chaque année sur le marché allemand. Cette quantité remplacera environ 5 % des importations allemandes qui provenaient auparavant de Russie. En comparaison, le Qatar livre 4 millions de tonnes annuelles de GNL à la Chine, soit le double de l’accord passé avec l’Allemagne. En outre, l’Europe importe en moyenne 21 millions de tonnes de GNL des États Unis, qui d’ailleurs ont augmenté, passant à 27 millions sur la période de janvier à juillet 2022. On comprend ainsi que de nouveaux contrats similaires pourraient émerger dans la période à venir, car selon Saad Sherida Al-Kaabi, d’autres entreprises allemandes sont encore en pourparlers avec le pays du Golfe. Le Qatar souhaite augmenter en parallèle sa production de GNL de plus de 60 % d’ici à 2027 afin d’atteindre 126 millions de tonnes exportées par an. 

De plus, on remarque que l’OPEP+ tend à s’éloigner de plus en plus des recommandations américaines en matière de régulation des prix du pétrole, et ce au profit d’une politique que l’on pourrait juger, à plus d’un titre, concordante avec celle de la Russie. Depuis plusieurs mois, l’OPEP refuse d’augmenter les volumes de production de pétrole à la demande des États-Unis, ce qui maintient le prix du baril relativement haut. 

Cette stagnation du prix du pétrole a pour conséquence directe de favoriser la production et la consommation de gaz, dont ruissellent ces pays, s'associant à la transition énergétique favorable au gaz. Ainsi, en sous-main, la Russie orchestre cette transition en faveur du gaz à des prix qu’elle choisit. Cette pratique a pour effet de renverser le fonctionnement de l’OPEP car la place que prend la Russie dans l’organisation tend à évincer celle des États Unis. 

L’Allemagne passe ainsi d’une dépendance évidente au gaz russe via Northstream, à une dépendance implicite au gaz provenant de pays en adéquation avec la politique gazière du Kremlin. Alors que le discours Allemand annonce vouloir rompre avec leur dépendance énergétique à la Russie, ne pourrait-on pas considérer qu’elle tend à se jeter dans les bras d’alliés énergétiques de cette dernière ?

 

Clémence F.

 

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