Défis et stratégies pour la protection de la BITD française en 2025 vus par Christophe Plassard.

Le 19 novembre 2025, à l’occasion d’une conférence organisée à l’École militaire sous l’égide de l’ANA SJ, la conférence “Guerre économique”, présidé par Jérôme Bondu, responsable de la commission protection des entreprises et intelligence économique, a dressé un état des lieux détaillé de la guerre économique en France, avec un accent particulier sur la Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD). 

L’invité, Christophe Plassard, député Horizons, rapporteur spécial du budget de la Défense depuis trois ans, a ainsi présenté les menaces qui ciblent les entreprises françaises et les outils mis en place par l’État pour les protéger.

La BITD, composée d’environ 4 000 entreprises, emploie 30% des effectifs industriels français et constitue le troisième exportateur mondial dans ce secteur. Elle se trouve toutefois exposée à de nombreuses menaces, en particulier sur ses maillons les plus fragiles que sont les PME, qui représentent 80% des cibles des attaques selon les chiffres avancés.

Chaque année, entre 500 et 550 atteintes caractérisées visent ces entreprises stratégiques, générant plus de 600 alertes traitées par le Service d’Information Stratégique et de Sécurité Économique (SISSE). Ces attaques sont protéiformes, incluant des pressions capitalistiques, des intrusions informatiques, des actes d’espionnage économique, ainsi que des manipulations humaines et juridiques, visant à déstabiliser la chaîne industrielle et d’exportation des entreprises sensibles. Les acteurs identifiés à l’origine de ces agressions proviennent majoritairement de Russie, de Chine, des États-Unis mais aussi d’Allemagne, illustrant une confrontation économique globale et multi-acteurs. 

Christophe Plassard a rappelé l’importance stratégique de cette lutte. Pour répondre à ces menaces, la France a renforcé ses dispositifs étatiques. Depuis 2024, la Direction de l’Industrie de Défense (DID) a été créée au sein de la Direction Générale de l’Armement (DGA) avec une trentaine de postes supplémentaires, notamment pour renforcer la posture cyberdéfense. Parallèlement, le SISSE compte 24 délégués régionaux et environ 50 à 60 professionnels dédiés à la veille et au traitement des menaces, bien que ces effectifs restent insuffisants face à l’ampleur des agressions. La coordination interministérielle implique également la Direction du Renseignement et de la Sécurité de la Défense (DRSD), dont le budget a doublé depuis 2018, et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), notamment pour la protection des secteurs civils sensibles.

Sur le plan législatif et réglementaire, la France a renforcé son arsenal. Depuis 2023, le seuil à partir duquel tout investissement étranger doit être contrôlé a été abaissé, avec environ 300 examens réalisés chaque année, dont 23% concernent la BITD. 

La loi de blocage de 1968 a été réactivée en 2022 pour empêcher la fuite d’informations sensibles, complétée par une certification obligatoire des entreprises démontrant leur capacité à protéger leurs actifs stratégiques et à alerter les autorités. En cas de non-conformité, des sanctions allant jusqu’à 10% du chiffre d’affaires peuvent être appliquées. Le SISSE joue un rôle facilitateur en accompagnant les entreprises, cherchant souvent des investisseurs alternatifs plutôt que de bloquer systématiquement les opérations. 

Par ailleurs, 16 recommandations prioritaires, dont la mise en place de proxy-boards (conseils d’administration alternatifs composés uniquement de nationaux pour renforcer le contrôle des prises de participation) visent à accroître la souveraineté industrielle.

Le financement des PME de la BITD demeure un enjeu crucial. Un besoin estimé à 15 milliards d’euros pour les fonds propres et 10 milliards pour les investissements a été identifié, avec des initiatives pour mieux mobiliser l’épargne nationale, notamment via des mécanismes innovants tels que l’usage partiel des fonds du Livret A pour soutenir la transition énergétique et la défense. Cependant, des frilosités persistent, notamment du fait des contraintes réglementaires et de la méfiance envers certains investisseurs étrangers, ce qui complique l’accès au financement des PME.

Enfin, la sensibilisation des acteurs économiques reste un défi majeur, notamment face à la perméabilité des entreprises aux attaques via les réseaux sociaux et les applications de messagerie instantanée. L’utilisation recommandée de solutions souveraines de protection de la communication, comme Olvid, illustre cette tendance. Le rapport Plassard insiste sur la nécessité d’inscrire cette lutte dans un cadre plus large d’engagement citoyen, en faisant le lien entre l’armée, la nation et la souveraineté industrielle, comme le démontre l’exemple ukrainien.

Alméria Lefèvre
Co-coordinatrice Portail de l’IE