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La guerre économique étudiée au Japon

L’intelligence économique au Japon est restée pendant longtemps un sujet quelque peu tabou dans la mesure où il était réservé à quelques initiés dans le processus de décision managérial japonais. Le choc qu’a connu le Japon au début des années 90 a bloqué le Japon dans sa politique d’expansion économique.

Le Japon subit encore les effets de la réaction américaine de l’après guerre froide. Le Japan bashing développé par les Etats-Unis a enfermé le Japon dans une dynamique de plus en plus autocentrée. Les entreprises japonaises essaient de contrer ce qu’elles appellent l’effet Galapagos, c’est-à-dire un effet d’isolement traduit pas la formule «vendu seulement au Japon ». Les Japonais sont par exemple très avance en matière de téléphonie mobile mais ils n’arrivent pas à exporter leur innovation.

Pour certains observateurs locaux, le Japon s’est endormi au cours de ces vingt dernières années en vivant sur les acquis du passé. La génération très pugnace des années 50/60/70/80 est en train de sortir de la vie active. La culture orale de ces élites est victime du secret dans lequel elle a été utilisée durant des décennies par les dirigeants de l’économie nipponne. Le transfert des connaissances ne s’est pas opéré et il existe aujourd’hui un vide que les experts japonais les plus avisés cherchent à combler. La filiale japonaise de la Society of Competitive Intelligence a joué ce rôle en important dans un premier temps des éléments de la culture écrite américaine. Le professeur Sugasawa de la Japan University of Economics (JUE) qui est aussi le Président de la SCIP Japon, a traduit l’un des principaux ouvrages américains dans le domaine du competitive intelligence. Cette première étape a amené le professeur Sugasawa à élargir son champ de recherche afin de cibler les approches innovantes au niveau mondial. C’est ainsi qu’il a identifié l’approche française sur l’intelligence économique et a pris contact en juillet 2011 avec l’Ecole de Guerre Economique à Paris.

De cette rencontre est né un dialogue constructif entre les parties française et japonaise. Les 17 et 18 juillet 2012 s’est tenu à Tokyo un colloque organisé par la Japan University of Economics (JUE) sur la question de la guerre économique du temps de paix. Cette manifestation est la première étape du partenariat qui a été signé entre le groupe Tsuzuki et l’Institut de l’IE représenté par Christian Harbulot, directeur de l’Ecole de Guerre Economique et par Frédéric Raynal, intervenant de l’EGE et dirigeant de la société Quarkslab. Le groupe Tsuzuki est le premier groupe d’enseignement privé dont la Japan University of Economics est une de ses entités dans l’enseignement supérieur. Ce groupe puissant est dirigé par Mme Tsuzuki dont la personnalité a joué un rôle majeur dans l’élaboration de ce partenariat. Mme Tsuzuki accorde une attention particulière aux échanges interculturels et est passionnée par l’étude de l’époque napoléonienne. Rappelons à ce propos que la première devise choisie par les créateurs de l’EGE en 1997 est une citation de Napoléon.
Cet évènement est une première au Japon dans la mesure où ce type de question est habituellement abordé dans des cercles très restreints de décideurs et de manière non publique. Le colloque a réuni des représentants d’agnces étatiques dont la National Defense Academy, du monde de l’entreprise ainsi que des professeurs d’université japonais. Le succès de ce premier échange amène la partie japonaise à prévoir l’organisation d’un second colloque en 2013.
Ce dialogue entre Japonais et Français s’inscrit dans la continuité de l’émergence du concept d’intelligence économique en France. Rappelons à ce propos que l’étude Intelligence stratégique de Bernard Nadoulek (publiée en 1989) s’inspirait fortement des apports de la culture japonaise pour construire sa grille de lecture Direct/Indirect/Anticipation. Il en est de même pour l’étude Techniques offensives et guerre économique de Christian Harbulot (publiée en 1990) qui mit en évidence l’originalité de la démarche japonaise en matière de renseignement économique et de management de l’information depuis l’ère Meiji. De son côté, Philippe Baumard avait croisé au début des années 90 des représentants japonais de la SCIP.

Au Japon, le management stratégique de l’information est encore un domaine réservé qui apparait parfois dans les agendas sous le vocable de réunion de planning. En jetant les bases d’une culture écrite, le professeur Sugasawa ouvre un champ de recherche universitaire d’autant plus intéressant qu’il n’est pas refermé sur lui-même. La Japan University of Economics de Tokyo a recruté comme professeur permanent, Eric Romann, diplômé de l’EGE qui parle couramment japonais et a commencé ses cours au printemps dernier. Il jouera aussi le rôle d’interface à Tokyo entre la JUE et l’EGE qui ont entamé une démarche de recherche sur la Chine à partir d’un projet d’étude commun qui sera publié en principe en 2014. Des professeurs d’université, des experts et des doctorants seront associés à la réalisation de cette étude.