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Le secteur minier en République de Guinée

Avec plus de 40 milliards de tonnes de bauxite (2/3 des réserves mondiales estimées), 10 milliards de tonnes de minerai de fer, 2 000 tonnes d’or et 10 millions de carats de diamants, la République de Guinée fait l’objet d’une bataille des géants miniers mondiaux, de surcroit avec l’apparition ces dernières années d’un certain nombre de mégaprojets, portés par la demande croissante chinoise de matières premières.

La bataille du fer prend une autre direction, avec le retrait de l'australien de BHP Billington ainsi que le départ imminent du brésilien Vale sur fond d'émeutes sur son site de Zagota et de tensions concernant les tracés de la ligne de chemin de fer offerte en contrepartie d'une sortie du minerais du pays via le Libéria voisin. L'entité Vale-BSGR (VBG), qui devait exploiter 2 des blocs du mont Simandou après avoir annoncé en grande pompe le lancement de son projet lors d'une cérémonie réunissant le président guinéen Alpha Condé et l'ancien président Lula se voit donc contrainte de revoir ses positions, la présidence de la République Guinéenne considérant en effet le minerais de fer comme ressource stratégique et ne devant donc pas transiter par les pays voisins. A cela s'ajoute l'objectif du gouvernement d'utiliser à termes les infrastructures ferroviaires des projets d'exploitations de la Zone de Simandou pour créer un réseau ferré transguinéen pour le transport de personnes et d'autres marchandises. Seul l'anglo-australien Rio Tinto tire son épingle du jeu sur le mont Simandou via sa société Simfer, joint venture entre Rio Tinto (50,35%), le chinois Chinalco (44,65%) et la Société Financière Internationale (5%), membre de la Banque Mondiale. Le succès de cette alliance repose à la fois sur l'acceptation par Simfer de faire transiter son minerais uniquement via la Guinée, et donc sur la construction de 650 Km de voie ferrée (construite par des entrepreneurs chinois) ainsi que d'un port en eaux profondes dans la zone de Forécariah (avec notamment la présence de China Dredging International). Le succès annoncé de ce projet, avec un objectif réalisable de premier wagon de minerai dès 2015, comparé à l'échec du brésilien, démontre entre autre la puissance acquise par l'empire du milieu dans le pays et son nouveau rôle d'acteur incontournable tant sa présence ne fait qu'augmenter de manière visible malgré l'habituelle discrétion chinoise (dons de bus à la ville de Conakry, don d'un nouveau stade de 50 000 places à la ville de Conakry, entre autres). Mais cela n'est pas sans créer des tensions localement, comme ce fut le cas dernièrement, lorsque la Banque Mondiale (d'influence américaine) a fait pression pour faire annuler l'attribution du marché de la reconstruction de la route Macenta-N'Zérékoré, partie intégrante du projet Simfer, attribuée à l'origine à une entreprise chinoise.

L'évolution du code minier Guinéen n'est pas étrangère aux mouvements stratégiques des entreprises précédemment citées, en effet, ce dernier, adopté en septembre 2011, renforce le rôle de l'Etat et oblige les entreprises à plus de transparence. Cela a amené le gouvernement à un audit complet de son cadastre minier, ainsi qu'à la réétude complète des permis d'exploration et d'exploitation. Cette refonte législative engendre par exemple l'arrêt du chantier de la base vie de Vale à Damaro, réalisée par le groupe Vinci, où devaient loger 300 géologues pour la prospection de fer et de bauxite, dans le courant de l'été 2012.

La bauxite (et donc la production d'alumine liée) est le deuxième terrain principal d'affrontement des géants miniers en République de Guinée. Tout d'abord, le géant russe Rusal, l'un des exploitant historique du pays, y effectue à l'heure actuelle des mouvements stratégiques. En effet, la baisse du cours lié à la baisse de la demande mondiale en alumine pousse le russe à fermer certaines de ses installations sur ses propres terres et à investir massivement dans les usines d'alumine en Guinée ou les coûts de production sont nettement inférieurs. Mais les Russes ne sont pas seuls sur le front, l'autre acteur principal du secteur est la Compagnie des Bauxites de Guinée, crée en 1963, détenue à 49% par le gouvernement et à 51% par les américains Alcoa et Alcan (Alcan ayant été récemment racheté par Rio Tinto). Mais la quantité de gisements et de permis d'exploitation disponible a permis l’apparition d'autres acteurs pouvant faire de l'ombre aux opérateurs historiques tels que le gouvernement iranien (500 000$ d'investissement dans le projet bauxite/alumine de SBDT) ou bien l'apparition de juniors tels que Alliance Mining Commodities avec son projet au nord ouest du pays, avec une fois de plus, une ligne de chemin de fer et un port en eaux profondes à construire.

Pour ce qui est de l'or (et accessoirement du diamant), la situation n'est pas la même, tant les investissements ne sont pas comparables; la notion de méga projet ne pouvant s'appliquer ici. Le secteur de l'or guinéen a fortement profité des troubles zimbabwéen et congolais du début des années 1980 qui ont dégradé l'image refuge de l'or sud-africain. Cela a donné naissance aux principaux opérateurs suivant: la SAG, contrôlé à 85% par le sud africain Anglogold-Ashanti (8 t/an en moyenne), la DMG, contrôlé à 85% par le canadien Guinor (3t/an en moyenne) et la SEMAFO, détenue à 85% par le marocain ONA-Managem (1,3 t/an en moyenne). Bien que n'étant pas sur la même échelle de projet que pour la bauxite ou le fer, le secteur aurifère reste important pour la Guinée car il assure plus de 100 000 emplois entre les sociétés minières, leurs sous traitants et les exploitations artisanales.

L'état des lieux du secteur ne serait pas complet sans une brève revue de la situation politique, qui reste une variable difficilement maitrisable. Bien qu'une certaine stabilité politique soit apparue au cours des deux dernières années avec la venue du gouvernement de transition du président Alpha Condé, le secteur minier reste vulnérable face aux aléas politiques du pays (changement du code minier, scandales d'attribution des concessions, émeutes sur fond de corruption des élus quand à l'attribution des emplois des locaux comme à Zagota en août 2012, report sine die pour la 3ème fois des élection législatives…). Ce faisant, malgré les sommes colossales investies tous minerais confondus (plus de 18 milliards d'USD d'investissements annoncés en 2010 avant le retrait de certains acteurs), reste à savoir comment évoluera le pays et la sous région.

Hubert Eveillard