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Les enjeux du Crowdfunding pour le secteur français du jeu vidéo

L’émergence du phénomène du Crowdfunding apporte une problématique nouvelle pour les industriels du jeu vidéo qui doivent en appréhender les aspects et les enjeux. Voici un tour d’horizon du marché du Crowdfunding et du jeu vidéo en France.

Le Crowdfunding : qu’est-ce que c’est ?

Le Crowdfunding prend ses racines dans une pratique bien plus ancienne, en lien avec la production culturelle : le mécénat, encore pratiqué aujourd’hui.

Le Crowdfunding (ou finance participative en français) est une forme de financement qui vise à soutenir la production d’un produit par une multitude de subventions faites par des particuliers. Cela passe donc par l’addition de multiples dons de faible importance en vue, le plus souvent, de financer des projets d’ordre culturel (films, musique, jeux vidéos etc…).

Le catalyseur du phénomène du Crowdfunding est bien évidemment Internet. Via la mise en place de plateformes de financement, Internet va permettre l’ouverture du mécénat au plus grand nombre grâce aux nouvelles applications du Web 2.0 et de sa dimension participative (médias citoyens, commentaires, interactivité etc…).

Dans le cadre du Crowdfunding, les investisseurs ont la possibilité de faire trois formes de contributions :

  • Un don modique : cette contribution n’amène aucune rémunération financière.
  • Une participation aux fonds propres (dans le cadre de la création d’une société): ce sont les dividendes ou la plus-value qui rémunèrent l’investisseur.
  • Un prêt : pour les particuliers, il s’agira ici de prêts strictement sans intérêts.

Lending Club (prêt aux particuliers)

Kickstarter (don/pré-achat projets)

  • 190 M$ prêts/mois (aout 2013)
 

  • 788 M$ collectés (cumul sept 2013)
  •  2,5 Md$ encours cumulés
 

  • 4,7 M contributeurs (1,4 M récurrents)
 

  • Croissance : 173%
 

  • 49 000 projets
 

  • 125 M$ investis par Google à 1,6 Md$ de capitalisation (Mai 2013)
 

  • Croissance (estimation pour 2013) : 166%


En 2012, Massolution (organisme de financement participatif) publie une étude consacrée aux évolutions du marché du Crowdfunding, qui révèle une augmentation de l’activité de 100% entre 2012 et 2013.

Cette tendance est encore plus spectaculaire en France avec une augmentation de 160 % entre 2012 (25M EUR récoltés) et 2013 (65M EUR récoltés). Les prévisions de Forbes concernant le Crowdfunding en font un des marchés les plus porteurs dans le futur : estimé à 1000 milliards USD en 2020 et 6 milliards pour la France seule.

Cependant, il faut remarquer que ce dynamisme n’est pas étendu à l’ensemble des types de contribution (don, prêt ou prise de participation dans le capital). Il faut donc s’attendre à un marché du Crowdfunding à plusieurs vitesses.

Quelques chiffres clés du marché du jeu vidéo

Le jeu vidéo, et ce depuis 1997, est la première industrie culturelle en France et dans le monde. Le chiffre d’affaires de l’industrie est passé de 41,9 milliards EUR en 2011 à 66 milliards EUR en 2013, avec des prévisions pour 2014 à 80 milliards EUR (avec l’arrivée des consoles nouvelle génération). L’explosion du jeu vidéo en ligne (17 M EUR en 2013) et sur téléphone mobile (6M EUR en 2013) explique cette croissance. Aujourd’hui, on estime qu’un joueur dépensera en moyenne 40 EUR par mois dans le secteur du jeu vidéo.

La France et le jeu vidéo

Nous sommes à la fin des années 90. La France est un pays leader dans l’industrie du jeu vidéo (derrière les Etats-Unis et le Japon), un secteur qui compte 1 200 entreprises en 25 000 salariés.

Mais en 2002, la bulle internet va redistribuer les cartes. La bourse des valeurs technologiques s’effondre, entrainant une baisse spectaculaire des investissements. La conséquence : plusieurs des plus grands studios français (Kalisto, No Cliché ou encore Lankhor) ferment boutique. Après la crise, l’industrie française ne s’en relève pas et à la fin des années 2000, ce sont près de 80% des studios français qui ont disparu.

A l’heure actuelle, la France est le 7ème producteur mondial de jeux vidéos et dispose de 240 entreprises et 4 800 salariés dans le secteur.

En moyenne, les entreprises françaises sont composées de 20 personnes, soit le même chiffre qu’avant la bulle Internet alors que les coûts de développement sur les plateformes consoles et PC ont explosé. Parmi les entreprises françaises, seules 7% produisent des jeux vidéos physiques. Les autres produisent des jeux pour Smartphones, ou bien des jeux numériques (c’est-à-dire sans support physique, simplement disponible en téléchargement).

D’après le Syndicat National du Jeu Vidéo, au bout de 5 ans d’activité les entreprises françaises périclitent 30% plus souvent que leurs concurrents allemands. Ceci est principalement dû au fait que les structures sont très petites. La taille limitée des entreprises françaises réduit leur opérabilité financière, conséquence directe de la rigidité du droit du travail français, selon Anthony de Oliveira (thèse sur le sujet : «Une histoire de l’industrie des jeux vidéo de 1983 à aujourd’hui »). La France est aujourd’hui le 3ème producteur mondial de jeux vidéos pour plates-formes mobiles (c’est-à-dire les Smartphones), mais la tendance est au ralentissement de la croissance. Aujourd’hui, l’avenir du jeu vidéo se situe dans un retour aux sources : dans le PC et la console, plateformes requérant des investissements beaucoup plus lourds.

L’industrie française du jeu vidéo doit aujourd’hui faire face à une compétition féroce sur les marchés mondiaux, et la classe politique n’en a pris conscience que suite à l’explosion de la bulle internet. On observe une fuite des cerveaux s’opérant vers le Canada – pays qui a fait le choix de miser sur le jeu vidéo – passant d’une filière de 500 employés début 2000 à près de 15 000 employés actuellement. La principale raison est tout simplement celle de la rémunération (48 000 EUR au Canada contre une moyenne de 32 000 EUR en  France). Pour réagir à la compétitivité croissante de ses rivaux, la France a mis en place en 2008 un système de crédit d’impôts qui a permis de stopper la chute, puis de stabiliser le nombre de studiosde production.

Paradoxalement, les jeux français connaissent depuis 2012 un véritable succès – Dishonored du Studio Bethesda fait partie des meilleures ventes 2013 avec 2 millions de copies vendues en 6 mois – au travers de studios majeurs comme Ubisoft (Assassin’s Creed), ou encore inconnus comme Dontnod (Remember Me).

La France reste un pays majeur de l’industrie du jeu vidéo (applications mobiles, jeux consoles/PC) mais est en passe de perdre sa place. Malgré des infrastructures performantes (main d’œuvre qualifiée, crédit d’impôt), l’industrie française du jeu vidéo doit faire face à une compétition toujours plus féroce. Cependant, depuis 2012, la France a su refaire parler d’elle et a montré qu’elle n’avait pas perdu son savoir-faire.

Reste maintenant à savoir si les studios et éditeurs français de jeux vidéos ne rateront pas le virage du Crowdfunding….

Tristan BARBAGELATA

Pour aller plus loin:

– « Le marché actuel du jeu vidéo est une préfiguration d’autre chose » Entretien avec O. Mauco, spécialiste du jeu vidéo.