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La filière des munitions de petits calibres Made In France fait long feu

« Si, si Jean-Yves Le Drian va relancer une filière de munitions de petit calibre « made in France » c’est ainsi que titrait La Tribune en mars 2017. L’ancien ministre de la défense Jean-Yves Le Drian laisse alors entendre la possibilité de reconstruire une production de munitions de petit calibre sur le territoire national.

Ce 17 mars 2017, le ministre est accompagné de Richard Ferrand, député PS de la circonscription de Châteaulin-Carhaix qui occupe la position qu’on connait aujourd’hui.

Malgré ces annonces et la présence sur le sujet d’acteurs majeurs de la filière il semble aujourd’hui que cette perspective de filière petit calibre « Made in France » s’éloigne de plus en plus.

Tout avait pourtant plutôt bien commencé avec la volonté de plusieurs leaders dans leur domaine de participer, avec le gouvernement, à la reconstruction d’une filière de munitions de type 5,56mm, 7,62mm et 9 mm sur le territoire national et d’autant en Bretagne, pays cher au cœur du ministre Le Drian. Nobelsport, leader européen sur son marché malgré la concentration de celui-ci,produirait la poudre. Thales, via Thales TDA Armements, et Manurhin seraient, eux, en charge des machines. L’investissement nécessaire à la reconstruction totale de cette filière était estimé à 100 millions d’euros. Une rentabilité était possible sur 4 ans, à condition d’avoir un niveau de commande constant et une production annuelle de 60 millions de cartouches, « étant entendu qu’une même ligne de production est en mesure de produire des munitions de plusieurs calibres différents » estimations fournies par Nicolas Bays (PS) et Nicolas Dhuicq (LR) rédacteurs du rapport sur les munitions.

Rappelons que la France commande chaque année pour la police et la gendarmerie 28 millions de cartouches de 9mm. De plus, l’allocation annuelle de l’armée de terre était de 237 millions de cartouches en 2014, dernière donnée du rapport. On peut penser que ce volume à tendu à s’augmenter avec les différents engagements que l’on connait. L’opération semble alors possible tant sur les volumes que sur les partenaires, ceci malgré la réticence de Nexter, estimant que l’instabilité du marché des cartouches et la concentration de celui-ci était un risque trop fort pour s’engager sur une opération comme celle-ci sur ses « fonds propres ».

En juin dernier, Manurhin, principal acteur de la reconstruction de la filière, (en effet, comment construire une filière « Made in France » sans machine nationale) voit sa situation financière fortement dégradée.

Malgré une position de leader mondial sur son domaine d’activité et un carnet de commande plein : « Nous pourrions immédiatement signer 100 millions d'euros de commandes supplémentaires », mais les banques ne suivent plus.

Si ce n’est ni la démarche commerciale qui est en cause, ni la santé générale du marché c’est alors la composition et la gestion de l’entreprise qu’il faut interroger. La société alsacienne a en effet de forts problèmes de trésorerie qui bloquent ses capacités à répondre à la demande et à investir. Problème à priori banal de BFR et de trésorerie comme en rencontrent beaucoup d’entreprises. Alors pourquoi les banques, acteurs privés, mais aussi Bpifrance, acteur public, ne soutiennent pas Manurhin ? Il s’agit de regarder la composition de son actionnariat au sein duquel on retrouve un acteur opaque, Delta Defence, d’origine slovaque… Et c’est ici que tout se complique : l’opacité de cette société, actionnaire dans une entreprise que l’on pourrait considérer comme stratégique pour la défense, au vu des déclarations faites par l’ancien ministre, bloque le réinvestissement et le soutient à Manurhin. Pourtant en 2016 une tentative fructueuse de marginaliser Delta Defense au profit d’autres actionnaires permettait eux dirigeants de reprendre le contrôle de 52% du capital. Et ainsi de redonner une confiance relative en la structure. Aujourd’hui il reste deux mois à la manufacture pour trouver une solution : soit l’entreprise dépose le bilan après une procédure de sauvegarde, soit elle se consolide par un partenariat avec un autre groupe ou soit, enfin,  elle est rachetée.

C’est théoriquement toute une filière en reconstruction qui est menacée. Sans sécurité sur les machines et leur maintenance, une filière française des munitions de petits calibres apparaît bancale. En comparaison d’actualité on pourrait citer Alstom avec le rachat des turbines par GE qui décrédibilise la totalité de l’offre française du nucléaire (A ce titre nous recommandons le documentaire très éclairant sur le sujet) … Sans turbines pas de centrale. Sans machine pas de filière. Il s’agit alors de suivre le dossier : aucune déclaration publique n’a été faite à ce jour par le gouvernement depuis l’annonce par Jean-Yves Le Drian et peu d’informations sont disponibles sur ce sujet.

Dans une construction gouvernementale qui semble résolument tournée vers une Europe de la défense, le sujet d’une filière 100% française n’apparait pour le moment pas comme une priorité.

Jean-Baptiste Loriers