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Rapport du SIPRI : la France, bientôt le second exportateur d’armement devant la Russie ?

Le lundi 13 mars 2023, le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute) a publié un rapport dédié aux exportations d’armement comparant les périodes 2013-2017 et 2018-2022. Ce dernier démontre la progression française en termes de parts de marché : or, si elle maintient sa troisième position derrière la Russie, la France pourrait profiter du contexte international dégradé pour se hisser en seconde position.

Les chiffres du nouveau rapport du SIPRI sur les « Tendances des Transferts Internationaux d’Armes – 2022 » (Trends in International Arms Transfers) s’avèrent positifs pour les exportations d’armement françaises : entre les périodes 2013-2017 et 2018-2022, la France a maintenu sa troisième place mondiale avec une croissance de 7,1 % à 11 % des parts de marché, distançant ainsi la Chine (passée de 6,3 % à 5,2 %). La donnée centrale concerne cependant l’affaiblissement russe, le pays connaissant une chute de 22 % à 16 % des parts de marché mondiales sur la même période. Cette dynamique comparée à celle des exportations de la BITD hexagonale (qui dispose également d’un carnet de commandes bien rempli) pourrait annoncer à court ou moyen terme une inversion des positions entre Paris et Moscou sur le podium des ventes d’armes internationales. À cet égard, la victoire quasi certaine du Rafale Marine (évaluée à 26 unités) pour l’appel d’offres émis par l’Inde pour sa flotte aéronavale s’avère de bonne augure.

 

Les chars lourds : le point faible français face à l’explosion de la demande européenne ?

En se focalisant sur les ventes des dix principaux exportateurs d’armement par catégorie, on remarque que la France dispose de sérieux atouts face à la Russie, la dépassant même concernant les aéronefs de combat, 210 contre 84, ou encore les navires d’importance majeure, 21 contre 5. Cependant, l’inquiétude concerne le secteur des chars lourds : contrairement aux États-Unis, à la Russie, à la Chine, à l’Allemagne ou encore à la Corée du Sud, la BITD française n'a pas exporté un seul char sur la période 2018-2022. Le Leclerc, dont les clients se sont limités aux Émirats arabes unis (qui en a cédé quelques unités à la Jordanie) n’est aujourd’hui plus produit, et son successeur, le MGCS franco-allemand, est encore à l’étude. Or, l’Europe a justement vu ses acquisitions d’armement augmenter de 47 % entre les deux périodes étudiées, et la demande de chars lourds connaît une croissance exponentielle sur le continent depuis le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne. On voit ainsi les BITD sud-coréenne, américaine et allemande profiter de cette tendance à laquelle la France ne peut aujourd’hui répondre, avec par exemple la signature d’un contrat évalué à 1,4 milliard de dollars pour l’acquisition de 116 chars Abrams américains par la Pologne.

 

Les difficultés de la BITD russe à rassurer ses clients, une chance pour les exportations françaises ? 

Cependant, l’axe de progression des ventes de la France semble se situer ailleurs. En effet, les efforts de la BITD française devraient plutôt se porter sur les marchés traditionnellement acquis aux armes russes. En raison du conflit en Ukraine, Moscou consacre la majeure partie de sa production d’armes à son effort de guerre aux dépens de ses exportations, et l’embargo que lui imposent les Occidentaux sur certaines pièces et matériaux affecte directement son industrie militaire. Aux yeux de ses clients, la Russie ne semble donc plus incarner un partenaire fiable et capable d’honorer de futures livraisons d’armes. Or, la France et la Russie ont deux importateurs en commun parmi leurs trois principaux : l’Inde et l’Égypte. Ces pays ayant accentué leur politique de diversification, notamment depuis le début de la guerre russo-ukrainienne, les exportations d’armes françaises pourraient dès lors grandement bénéficier de la baisse de l’attrait envers le concurrent russe. Charge à la France de s’appuyer sur ses fers de lance à l’export, en l'occurrence navals et aériens, afin d’être en mesure d’incarner l’alternative idoine aux yeux des traditionnels partenaires de la Russie.

 

Léo Godard

 

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