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Les dessous de la norme RT 2012

La règlementation thermique 2012 (RT 2012) est née des débats et décisions prises lors du Grenelle de l’environnement.

Longtemps discutée, remaniée, débattue, son application s’est faite attendre. C’est désormais chose faite pour les permis de construire déposés depuis le 1er janvier 2013 pour la construction de logement et depuis le 28 octobre 2011 pour les bâtiments neufs à usage de bureaux ou d’enseignement et les établissements d’accueil de la petite enfance.

Concrètement, l’objectif de cette nouvelle réglementation est simple: diviser par trois la consommation énergétique des bâtiments neufs. C’est un remaniement fondamental des seuils de performance énergétique qui a débouché sur de nombreuses batailles, tant de la part des lobbies écologiques, que des industriels du chauffage électrique ou gazier, ayant tous des intérêts contradictoires.

Pour ce qui est du chauffage électrique, malgré les efforts déployés par les industriels du secteur, le constat est clair. Il y a une baisse significative de l’utilisation de ce moyen de chauffage (1 construction sur 5 aujourd’hui pour plus de 3 sur 4 en 2008). Et pour cause, les promoteurs ont anticipé sur l’application de la norme, améliorant les performances énergétiques de leurs constructions dans le but d’obtenir les précieux labels BBC (Bâtiment Basse Consommation, label de Effinergie), HQE (Haute Qualité Environnementale) ou flamme verte (certification portant sur le chauffage à bois) et faisant ainsi de l’argument écologique l’un de leurs arguments de vente majeurs. Ainsi la fin du tout électrique nous emmène vers de nouveaux modèles, renouvelables ou non. Ceux ayant opté pour le gaz le regrettent peut être déjà à la vue des hausses de prix de ce dernier….

Pourtant, le lobby du chauffage électrique ne s’est pas laissé abattre. En 2011, se crée  l’association équilibre des énergie, regroupant divers industriels (Hora, EDF, Atlantic, Muller, Danfoss, etc.), des associations professionnelles (fédération des grossistes en matériel électrique, association française pour les pompes à chaleur, etc.) et des associations de consommateurs. A la tête de l’association, on retrouve Jean Bergougnoux, ancien directeur général d’EDF et membre du comité d’analyse stratégique du groupe. Leurs objectifs annoncés sont « promouvoir l’efficacité énergétique des bâtiments, maîtriser et réduire la facture énergétique du logement, réduire l’empreinte C02 du bâtiment et enfin conforter et relancer l’indépendance énergétique de la France »

Des objectifs nobles à première vue, mais l’argumentaire sert en réalité des buts bien plus précis. La RT 2005 a introduit la notion de maximum de consommation d’énergie primaire sur les logements avec un maximum par zone climatique, exprimé en kWhep/m2. Le calcul, effectué en énergie primaire, amène donc la notion de taux de conversion. Or, le taux de conversion de l’énergie électrique est fixé par convention depuis les années 70 à 2.58, c’est-à -dire que pour 1KWH en énergie électrique finale, 2,58 KWH d’énergie primaire sont nécessaires. Cependant, ce taux fait débat et serait selon certaines sources plutôt proche de 3.35 dans la mesure où le nucléaire est devenu majoritaire en France, ce dernier disposant d’un rendement énergétique faible (par rapport par rapport à sa base primaire) de l’ordre de 30%. Ce point n’est pas le seul à avoir fait débat. Les énergie fossiles sont elles aussi favorisées, leur bilan énergétique ne prenant pas en compte l’énergie déployée pour l’extraction et le transport. Ainsi, l’association a usé de tous les ressorts dont elle disposait pour tenter d’enrayer le processus normatif et modifier le rapport de force à son avantage. Mediapart révèle ainsi en mai 2012 les intentions réelles et méthodes d’action de l’association, disposant d’un budget annuel de 800 000 euros. Au menu, « lobbying commando », « neutralisation et/ou la modulation de certaines dispositions de la RT 2012 », création d’une « task force 2.58 » et actions à long terme pour peser sur la RT 2020. L’association publiera un démenti en juin 2012. L’argumentaire de l’association sera aussi remis en cause par Effinergie, à l’origine du label BBC, sur le fait que la RT 2012 ne fait pas de discrimination énergétique et est une étape nécessaire pour ne pas rester dans un immobilisme normatif.

Au final, qui sont les gagnants dans l’application de cette nouvelle norme ? L’électrique ne semble pas tirer son épingle du jeu car il pâtit de l’application anticipée de la norme et voit ses ventes de matériel baisser au profit du gaz, qui, selon GRTgaz, fait l’objet de plus de mises en chantiers que l’électricité depuis 2010. Le bois est aussi l’un des gagnant de cette évolution des pratiques et des normes (+5% de ventes d’appareils entre 2004 et 2011, multiplication par 5 des ventes depuis 2000). Entre les crédits d’impôts accordés par l’Etat et les efforts développés par les fabricants pour coller à la nouvelle norme, le bois a représenté une solution simple pour alléger la consommation énergétique des constructions neuves.

Hubert Eveillard