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Projet de loi antitrust en Inde : un nouvel affrontement lobbyiste pour les GAFAM ?

Les géants de la tech Google, Amazon, Meta ou encore Apple voient leur domination de plus en plus remise en cause. Que ce soit aux États-Unis ou dans le monde, des projets de lois pour réduire leur influence sont avancés par plusieurs gouvernements. Face au projet de loi antitrust avancé par l’Inde, les GAFAM répondent et menacent de réduire leurs investissements.

Les lois antitrust

« L’avenir de notre économie va-t-il être défini par le succès des meilleures entreprises avec les meilleures idées, ou simplement les plus grosses sociétés avec les plus gros budgets de lobbying ? » questionnait David Cicilline, le président de la sous-commission sur antitrust et membre du parti démocrate américain. 

Le monde de la technologie et d’Internet sont aujourd’hui incontestablement dominés par les géants Google, Amazon, Facebook (aujourd’hui Meta) et Microsoft, les fameux GAFAM, laissant place à des mouvements contestataires, dans le monde et au sein même des élus américains. En effet, leur trop grand poids et leur budget empêchent tout développement de sociétés concurrentes, contraintes soit de mettre la clef sous la porte, soit de se faire racheter par les leaders mondiaux. Ainsi, accusés de détenir un pouvoir de lobbying trop important et de rendre le marché invivable pour toute concurrence et nuisant aux consommateurs comme à l’innovation, les GAFAM font l’objet de propositions de lois antitrust, c’est-à-dire de loi visant à réduire la concentration économique autour de ces entreprises.

En décembre 2022, le Comité permanent des finances indien à fait parvenir son rapport sur les pratiques anticoncurrentielles des grandes entreprises technologiques qui mettent à mal le développement des entreprises et acteurs locaux. Parmi les propositions défendues par le ce rapport, se retrouvent l’interdiction aux entreprises de mettre en avant leurs propres marques sur les plateformes qu’elles détiennent, le blocage de systèmes de paiement tiers et des rabais trop conséquents. Ces dernières sont vivement critiquées par les entreprises en question, jugées trop proches des lois mises en place par Bruxelles pour l’Union européenne : le Digital Markets Act.

 

Le marché indien : un investissement prometteur

Les grandes entreprises citées et l’Inde devront rapidement trouver un accord permettant à chacun d’y trouver son compte. Le gouvernement indien, trop rigide en matière de données personnelles, est déjà à l’origine du départ des sociétés VPN et d’une condamnation de Google à une amende de 161 millions de dollars. Celui-ci demande notamment l’accès à certaines données des citoyens indiens et un stockage des données sur son territoire. Une telle politique sur le contrôle des données constitue un risque pour l’avenir technologique de l’Inde et son développement car il serait incompatible avec la politique de certaines sociétés, alors même que son marché tend à devenir l’un des principaux au monde. Ce mardi 10 janvier 2023, les GAFAM ont répondu par l’intermédiaire de l’Asia Internet Coalition (AIC), représentant Meta, Amazon, Twitter, Google… et qui a pour but de favoriser le dialogue avec les acteurs publics sur la région Asie-Pacifique et promouvoir le secteur. Par communiqué, l’AIC met en garde : si le projet de loi entre en vigueur, il y aura des répercussions non seulement sur les investissements faits en Inde mais également sur les prix. Pour sa part, le groupe Meta avait déjà menacé le gouvernement indien de réduire ses investissements et le développement de son marché dans le pays  si de telles exigences étaient maintenues, notamment au sujet du stockage et du partage des données.

 

Partage ou stockage des données : la guerre du lobbying est déclarée

Outre le bras de fer engagé entre géant de la tech et le gouvernement indien, une question essentielle subsiste : comment réglementer les datas collectés, alors qu’elles valent de l’or pour les entreprises  ? 

L’AIC, représentant les grandes industries, œuvre naturellement dans une campagne de lobbying en faveur d’un partage libre des données, outre les frontières étatiques. Il y a quelques mois, en août 2022, à l’annonce du projet de loi en Inde, la coalition avait réagi en organisant un webinar sur « l’importance de promouvoir la libre circulation des données en toute confiance »

Après avoir repris certains projets de lois de Bruxelles, le scénario indien semble reproduire les mêmes guerres lobbyistes qu’en Union européenne. En effet, ce ne serait pas moins de 140 lobbyistes actifs des GAFAM qui auraient été engagés ainsi qu’un budget de plusieurs millions d’euros d’après le Corporate Europe Observatory. Cette organisation, accompagnée de l’allemande LobbyControl, ce sont ainsi engagé dans une campagne de contre-lobbying, à l’intention des grands groupes. L’AIC n’étant que le fruit de l’une de ces organisations d’influence parmi d’autres des géants de la tech

L’année 2023 pourrait être une année charnière dans les régulations du secteur de la technologie et de gestion des données. Si les propositions de lois antitrust font leur apparition sur différentes zones géographiques, le Royaume-Uni n’est pas en reste. En effet le Big Tech regulator, l'autorité en charge des Marchés et de la concurrence sur le territoire a annoncé en novembre dernier une investigation sur la duopolisation d’Apple et de Google sur la téléphonie mobile. Le même mois, son homologue allemand, le Federal Cartel Office lançait une enquête sur Amazon. Cependant, les acteurs publics devront trouver de solides arguments pour faire face aux GAFAM et faire adopter leurs projets de lois, un challenge non pas sans difficultés, même les États-Unis ont finalement retiré le budget alloué aux actions à l’encontre des géants de la Silicon Valley, dans le budget présenté de 2023. 

Ainsi, si le gouvernement indien souhaite faire adopter son projet de loi, le marché grandissant, qu’il représente, constitue sans conteste un argument de taille pour négocier avec les GAFAM, rééquilibrant ainsi le rapport de force. La bataille normative est engagée.

 

Alexandra Gomez

 

 

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