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La chronique d’une crise alimentaire annoncée

« Nous traversons une période de volatilité extraordinaire des prix des denrées alimentaires, qui pourrait véritablement porter u n préjudice irréparable à la plupart des pays et des populations les plus vulnérables (…) Le niveau élevé, l’incertitude et la volatilité des prix représentent la plus grave menace qui pèse sur les plus vulnérables dans le monde en développement.» Robert Zoellick, Président du Groupe de la Banque mondiale.

Les pays du G20 agricole réunis à Paris, du 22 au 23 juin 2011, pourront-ils enrayer la flambée des prix de matières agricoles observée depuis 2010 et qui frappe les plus pauvres? Pas sûr, si l’on analyse le jeu des spéculateurs, les aléas climatiques, la croissance démographique, les égoïsmes nationaux et le déficit d’informations.Chronique d’une crise alimentaire annoncée.

Explosion des prix des denrées alimentaires
Dans de nombreux pays africains, l’explosion des prix de nombreuses denrées a alimenté de fortes hausses des prix intérieurs capables de provoquer des troubles sociaux. Philippe Chalmin fait très bien l’analogie entre les conséquences de la faim de 1848 et les récentes révolutions arabes. L’augmentation des prix du sucre, du maïs, du riz, des haricots et des huiles, a contribué à accroître le coût de divers types de produits alimentaires. « Au second semestre de 2010, le prix des haricots s’est envolé au Burundi (48 %), au Cameroun (43 %), au Kenya (38 %) et en Ouganda (22 %) ». Le maïs, par exemple, au augmenté de 73 % contre 50 % pour le blé au cours des derniers mois. Les hausses enregistrées entre le dernier trimestre 2010 et le premier trimestre 2011 ont fragilisé la situation macroéconomique des Etats dont le poids des importations alimentaires est élevé. Plusieurs pays agricoles d’Afrique sont aujourd’hui dans une situation quasi identique au Mozambique qui génère 23 000 tonnes de blé et en importe 460 000 ; qui produit 250 000 tonnes de riz et en importe 350 000 tonnes. Tous ces pays vivent pratiquement sous perfusion des doses alimentaires internationales.

Le risque de perdre toute une génération
Dans une interview réalisée le 11 février 2011, Robert Zoellick, président de la Banque mondiale, déclarait avec gravité: « sans une bonne nutrition, nous risquons de perdre toute une génération. » Il faut dire que l’accroissement de la pauvreté découlant de la flambée des prix alimentaires génère un surcroît de malnutrition. Car les populations pauvres qui se nourrissent moins se tournent naturellement vers des denrées qui sont moins coûteuses mais aussi moins nutritives. C’est l’une des raisons qui ont fait dire à Zoellick que « la hausse des prix alimentaires a des graves conséquences sur les populations. » Aussi, à l’approche du G20 agricole prévu les 22 et 23 juin 2011 à Paris, l’ONG Oxfam a-t-elle lancé un vibrant appel à «enrayer la spéculation sur les denrées agricoles et alimentaires et relever le défi alimentaire mondial », rappelant – pour bien frapper les esprits – que la quantité de céréales nécessaires pour faire le plein d’éthanol d’un véhicule 4×4 peut nourrir une personne pendant un an [5]. En 2010, année de grandes hausses des prix des matières premières agricoles, s’il en est, 1/3 de la production étatsunienne de maïs a été transformé en biocarburant.

La fausse bonne idée de Bretton Woods
Les analystes de Knowdys plaident auprès des dirigeants africains pour qu’ils s’attaquent à certains aspects de la volatilité des prix alimentaires qu’ils sont en mesure d’impacter. Ils militent pour que les pays ciblés anticipent en identifiant par exemple les couches les plus vulnérables et adoptent les bonnes stratégies pour réagir aux menaces. Les résultats d’analyses montrent, en effet, que certaines restrictions sur les exportations aggravent l’incertitude sur des marchés déjà tendus et augmentent la volatilité des prix. L’idée proposée par Bretton Woods d’un code de conduite permettant aux organisations humanitaires d’acheter des aliments en priorité est, à notre avis, une fausse bonne idée pour une raison simple : en l’absence de dispositif contraignant, rien ne peut être garanti sur un marché aussi juteux. Les analystes de Knowdys estiment que la vraie réforme tant attendue passe davantage par la lutte contre les diverses formes de gaspillage et la diminution progressive des subventions à la production de biocarburants dans les pays développés ; par plus d’investissements dans l’agriculture paysanne et un accès plus équitable aux marchés pour les producteurs africains

Percer les secrets du ciel
Comment se fait-il que certaines holdings bénéficient de prévisions météorologiques sur des durées supérieures à celles que reçoivent les Etats subsahariens menacés? Quelle est la responsabilité de l’Organisation météorologique mondiale lorsqu’on sait que la fréquence des variations météorologiques (allant d’un extrême à l’autre au cours d’une année) et leur impact sur le prix des denrées alimentaires accentuent la vulnérabilité des populations pauvres face aux changements climatiques depuis de nombreuses années ? D’après Zoellick, « le changement climatique pourrait faire baisser la production de 16 % dans le monde et de 28 % dans le seul continent africain au cours des 50 années à venir. » D’où l’urgence de percer les secrets du ciel sur des périodes plus longues que celles disponibles actuellement dans des pays où les ravages écologiques sont importants et la démographie en croissance. A l’heure qu’il est, le nombre de personnes sous-alimentées sur la planète frôle le milliard d’individus et un enfant de moins de dix ans meurt de faim toutes les cinq secondes.

Attention aux achats de panique !
Les cartographies des stocks alimentaires détenus par de gros exportateurs sur des produits de base tels que le riz, le blé ou le maïs font encore largement défaut à de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. Les autorités peinent, en effet, à collecter et à partager des informations fiables. Conséquences : même avec de bonnes récoltes, « les achats de panique » de ces denrées empêchent aux prix de retrouver leur niveau normal [6] dans un contexte où les produits alimentaires sont devenus des actifs financiers comme les autres [7]. Les analystes de Knowdys conviennent avec la Banque mondiale que « la publication régulière de données facilement disponibles sur les stocks ainsi que l’engagement des principaux pays exportateurs de ne pas imposer de restrictions sur les exportations aideraient à maintenir la stabilité, ce qui est essentiel pour empêcher des aggravations ultérieures de la pauvreté. »

Protéger producteurs et consommateurs ?
Le 21 juin 2011, la Banque mondiale a lancé un nouveau produit de gestion de risques (APRM) visant à accroitre l’accès aux instruments de couverture pour protéger producteurs et consommateurs de denrées agricoles contre la volatilité des prix de denrées telles que le riz, le maïs, le blé, le lait ou le soja. La Banque compte « dégager dans un premier temps jusqu’à 4 milliards de dollars » à destination des pays en développement et d’Afrique en particulier. Les analystes de Knowdys espèrent que cette nouvelle ingénierie financière permettra effectivement d’améliorer la vie des Africains les plus défavorisés. Car comme l’écrivait Chossudsky, en mai 2008, in ‘La famine mondiale’,  «pour la première fois de l’histoire, l’agriculture mondiale a la capacité de satisfaire les besoins alimentaires de toute la planète, mais la nature même du marché mondial de ce système ne permet pas que ça se réalise…»

Guy Gweth, Conseil en intelligence stratégique

www.knowdys.com

http://africadiligence.com