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Le prix de l’information informelle

En Afrique, traiter une ou plusieurs sources « bien tenues » reste encore le meilleur moyen d’obtenir le renseignement économique qu’on ne trouvera pas de suite sur internet ou dans une banque de données. Même payante. Mais comment fixer le prix d’une marchandise dont la source et les modalités d’acquisition doivent, dans la plupart des cas, rester confidentielles ?

A l’image d’une partie de l’économie locale, le vrai marché de l’intelligence économique en Afrique subsaharienne est encore largement basé sur l’information informelle. Aucun logiciel, aucune page web, à notre connaissance, ne valent la participation à une tontine, à un rassemblement, dimanche après-midi, entre « frères » du même village, de la même loge ou du même secteur d’activités. Ce sont des canaux de circulation privilégiés de l’information publiée mais non largement diffusée par les administrations publiques et certaines entreprises.

La réticence légitime des consultants à dévoiler leurs sources, « les liens souterrains » ou « les petits cadeaux » qui fluidifient les relations entre informateurs et chasseurs d’informations, sans oublier les cas d’arnaques au renseignement, sont autant de freins à l’appréciation de ce marché tropical en croissance ; autant de réalités qu’il convient d’appréhender et de modéliser pour accélérer la reconnaissance d’une authentique intelligence économique africaine.

L’importance des fichiers « QfQ »

Parce que, par delà les organisations, il n’existe de réelle compétition qu’entre individus, une parfaite connaissance des hommes est absolument primordiale pour les acteurs de l’intelligence économique opérant dans ce contexte. Avec des entrées multiples (acteurs,  fonctions, positions dans la hiérarchie de l’organisation visible et invisible, compétences, réseaux, etc.), les fichiers « Qui fait Quoi » (QfQ) ont l’avantage de formaliser les principales caractéristiques des acteurs ciblés et les intérêts qu’ils représentent sur l’échiquier observé.

Mais attention ! Pour éviter l’effet « jus de cerveau d’analyste », une information collectée à N’Djamena, par exemple, doit être interprétée localement, quitte à être ensuite appréciée par des experts basés à New-York avant d’être servie au client final américain. Pourquoi ? Et bien parce que l’interprétation met en lumière des relations entre des faits épars dans un temps et un espace donnés, tandis que l’appréciation relève des évaluations et des estimations stratégiques. A maintes reprises, l’expérience a montré que ces deux phases d’exploitation (non concurrentes) ont besoin l’une de l’autre pour un meilleur service aux décideurs.
La confiance aide à fixer les prix

La nécessité de prendre de l’avance sur les évènements et les concurrents en Afrique pousse de plus en plus de décideurs à recourir aux conseils en intelligence économique et stratégique dont l’expertise et la connaissance du terrain sont reconnues. Dans cette nouvelle vague, un client insatisfait a tendance à en parler autour de lui. Le client satisfait, en revanche, revient discrètement, se transformant quelquefois en apporteur d’affaires. Plus de 60% des nouveaux clients de Knowdys contactent ainsi l’agence sur recommandation des clients plus anciens.

Des complications surviennent parfois lorsque le renseignement demandé ne peut être obtenu de manière éthique et légale au regard des us et coutumes locaux. Exemple : lorsqu’un client important est prêt à tout pour obtenir des informations relevant du dossier médical de son concurrent. Il ne suffit pas de lui opposer une fin de non recevoir en brandissant un code de déontologie. Il vaut mieux engager une discussion à l’africaine, sans lui faire perdre la face.

Seule une relation de confiance entre experts et décideurs permet, à notre avis, de fixer le prix d’une information informelle avec le sentiment que sa valeur est juste pour les deux parties. Lorsque le client sait pouvoir obtenir, dans les meilleurs délais, une information propre et utilisable, il y met le prix nécessaire. Nul besoin d’avoir pratiqué Francis Bacon pour conclure avec lui que « le temps est la mesure des affaires comme l’argent l’est des marchandises. »