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La diplomatie lusophone de l’éthanol : l’exemple du Mozambique

Le Brésil entend implanter pour longtemps son savoir faire dans la production de biocarburants. Avec l’Embrapa (Institut de recherche agronomique du Brésil) et ses entreprises pour fer de lance, le Brésil étend peu à peu son influence en Afrique, ciblant en premier lieu les pays lusophone comme le Mozambique.

La création d’un marché mondial de l'éthanol, façonné aux normes brésiliennes, structuré autour de certains pays africains est l’objectif affiché par le Brésil. Ce dernier allie alors implantation de ses entreprises et achat de terres dans les pays propices à la culture de la canne à sucre, produit de base du bioéthanol. Cette politique de diversification par l'achat de terres lui permet également de rendre moins sensible aux aléas climatiques sa production de canne à sucre et ainsi de bioéthanol.

Afin de pénétrer le marché africain, le Brésil s'appuie en premier lieu sur les anciennes colonies portugaises, lusophones, et plus particulièrement sur le Mozambique. Dès 2006, le Brésil et le Mozambique ont signé un accord de six milliards d’euros d'investissements dans le secteur du bioéthanol à base de canne à sucre.

A noter que l'entreprise publique brésilienne, Petrobras, collabore déjà avec la Guarani dans l'exploitation d'une usine de production de sucre. Petrobras profite de cette implantation et construit en 2011 avec sa filiale Biocombustivel, sa première usine d'éthanol. La construction de cette seconde usine, la première dédiée à la production d’éthanol, précède un achat important de terres par de grands propriétaires brésiliens dans le pays, représentant en superficie l'équivalent des deux tiers du Portugal.

Cette stratégie d’implantation s’est accompagnée dès 2009 de l’installation à Maputo de l’Institut de recherche agronomique du Brésil, l’Embrapa, vecteur premier de l'influence brésilienne et de la promotion du bioéthanol en Afrique. L’Embrapa est alors chargé de transmettre le savoir faire et la technologie brésilienne et permet ainsi au Mozambique de bâtir sa première usine de raffinage d’éthanol. La politique brésilienne, déjà très active, ne s’arrête pas là. En mai 2011, l'Embrapa et la société minière brésilienne Vale ont annoncé un investissement conjoint dans la production de Biodiesel, espérant produire 7 000 litres par hectares en 2014.

Là encore le projet prévoit dans un premier temps un achat de 10 000 hectares de terres pour arriver à 30 000 hectares en 2019 avec une production qui avoisinerait 500 000 tonnes de biodiesel. 31 projets de bioéthanol ont demandé l'approbation du gouvernement du Mozambique, ce qui équivaut à 323 983 hectares de terres. Ces projets ont de grandes chances de voir le jour notamment grâce à la promotion des biocarburants faite par le gouvernement du Mozambique. En juin 2011, il adoptait une loi rendant obligatoire les mélanges éthanol/essence et biodiesel/diesel pour l'année 2012. La loi impose un carburant essence constitué de 10% d'éthanol et 90% d'essence et un carburant diesel constitué de 3% de biodiesel et 97% de diesel. Le gouvernement précisait alors que ces programmes n'étaient qu'une première étape vers une plus grande autonomie énergétique. Avec cette mesure le Mozambique diminue de 22 millions de dollars sa facture d'importation de pétrole.

Enfin, l'implantation du Brésil en Afrique s'insère dans une stratégie plus globale. En aidant technologiquement plusieurs pays africains à devenir des exportateurs, le Brésil structure le marché international du bioéthanol et rend dépendant ces pays aux technologies brésiliennes. Il n'hésite d'ailleurs pas à négocier des accords triangulaires avec les Etats africains et l’Union européenne ou encore le Japon. L’accord de 2010 entre l’Union européenne, le Mozambique et le Brésil permet ainsi à ce dernier d’obtenir des droits de douanes extrêmement bas pour l'importation d'éthanol par l'Union européenne, idéal pour lui assurer des débouchés. Le Brésil promeut ainsi le Mozambique comme nouveau débouché de l'éthanol brésilien, et profite de la position stratégique de ce dernier, point d'export privilégié vers l'océan indien et les pays d'Asie. En effet, la forte croissance asiatique et la volonté de diversification énergétique du Japon après Fukushima font du Mozambique une plateforme d'exportation de premier plan et assure ainsi de beaux jours au bioéthanol brésilien.

Mathieu Dupressoir