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Quelles stratégies industrielles et enjeux pour l’aéronautique sous la présidence de François Hollande ?

François Hollande élu, le gouvernement bientôt nommé, l’industrie en général et l’aéronautique dans une certaine mesure vont être au centre des questions économiques et des politiques de croissance voulues par le nouvel exécutif.

Le « Pacte productif » est exposé depuis mi 2011 par l’ex candidat socialiste puis a été détaillé par son conseiller en charge de l’Industrie, Alain Rousset, Président de la région Aquitaine, et Président de l’Association des Régions de France.

Le nouvel exécutif défend une politique industrielle « basée sur un financement, une stratégie et un accompagnement ».
Les axes retenus sont :  


  1. une banque publique d’investissement pour financer les entreprises
 ;
  2. une fiscalité au service de l’investissement
 ;
  3. une lutte contre les délocalisations.


La mise en œuvre de cette politique passera par la remise à plat du rôle de la Caisse des dépôts, du FSI et d’Oseo. Alain Rousset a évoqué la « mise en réseau des etablissements de taille intermédiaire » (ETI) et le renouveau du statut des entreprises innovantes. Mais il défend surtout des stratégies industrielles régionales. Une nouvelle loi de décentralisation accordera de nouvelles prérogratives aux Régions. L’Etat central via un haut commissariat à l’intelligence économique et à la prospective sera chargé de donner le cap de long terme. Selon la formule de François Hollande, « l’Etat n’a pas à produire mais à prévoir, à promouvoir. » Le financement de cette politique sera assuré par le renforcement du Livret DD et du CIR, par l’orientation de l’épargne des assurances-vies vers l’industrie, voire par l’impôt (versements au profit des Régions). La politique souhaitée par le nouvel exécutif devra composée avec les tendances lourdes à l’œuvre dans l’aéronautique.

L’aéronautique est un pôle d’excellence de l’industrie européenne et la France prend une part essentielle dans le développement de ce secteur stratégique, tourné vers l’international, avec des emplois très variés (cadres, ingénieurs, techniciens, agents de maitrise). Cette industrie, engagée dans une compétition mondiale, se tranformera profondement d’ici 2020 avec la constitution d’une importante offre industrielle asiatique.
Avec l’ouverture de nouveaux marchés géographiques (les émergents), l’aéronautique a adopté un modèle industriel semblable à celui de l’automobile, le lean manufacturing, qui se pense au niveau mondial. Objectifs de ce modèle :


  • relever le défi monétaire en produisant en zone dollar où les marges fiancières sont plus importantes ;
  • 
obtenir de nouveaux contrats via des marchés de compensation.



Ce modèle fait pourtant peser un risque important sur le tissu de sous traitants en France. Comme les grands constructeurs et équipementiers réalisent l’essentiel de leurs ventes hors d’Europe, ils envoient un message limpide aux sous traitants français : adaptez vous rapidement à la nouvelle donne mondiale, ouvrez des unités de recherche et de production en zone off shore… Les donneurs d’ordre travailleront de plus en plus avec des sous traitants produisant en Inde, en Chine, au Mexique, au Maroc, en Roumanie… Vidant de plus en plus le tissu français de sa substance. Que faire face à se phénomène ? Quels sont les types de délocalisations ? Qui doit arbitrer sur ce qui délocalisable et ce qui est stratégique ?


Il est impératif de piloter intelligement la politique de délocalisations actuellement en cours : il s’agit d’accompagner l’ouverture d’unités de production liées à des compensations commerciales et de faire naitre des partenariats à long terme. L’offset détermine régulièrement l’octroi d’un contrat commercial (cf. Rafales en Inde, Airbus Military en Indonésie, Airbus en Chine)! C’est un principe de réalité dans les marchés de l’aéronautique. Il ne sert à rien de l’ignorer. Mais il s’agit aussi de dénoncer les délocalisations purement financières qui viennent sacager le tissu industriel français. L’Etat doit, dans les deux cas, jouer un rôle de première importance.
L’Etat dispose de deux outils complémentaires pour encadrer l’activité productive : 


  • la politique de la concurrence, qui vient aujourd’hui de l’Union Européenne ;
  • 
la politique industrielle, abandonnée depuis de nombreuses années en France.


L’Etat doit pouvoir soutenir les besoins capitalistiques des programmes aéronautiques, soutenir la recherche sur les technologies de rupture et valoriser les formations techniques inhérentes à l’industrie. Enfin l’Etat devrait ouvrir la question de la réciprocité industrielle et celle du statut du dollar comme monnaie de référence dans l’aéronautique. Tous ces points ont une forte teneur politique et ne peuvent pas vraiment être éludés si le nouvel exécutif veut amorçer une relance productive.



Le nouvel exécutif impulsera-t-il une vrai politique industrielle ? Ou uniquement de stratégiques industrielles régionales pour les PME ? Autant les aides aux PME sont indispensables, autant cette politique ne pourra pas se faire sans les grandes d’ordres. Le terrain compte. Mais il faudra que l’Etat central veille à ce que les Régions ne créent pas de doublons de compétences. Quelle est la région légitime pour porter une filière drone ? Aquitaine, IDF ou Midi Pyrénées ?
Pour une politique industrielle complète, le nouvel exécutif aura surtout à se positionner sur plusieurs dossiers aéronautiques français et européens : 


  1. Le changement de l’exécutif du groupe EADS et la gestion de l’actionnariat franco allemand. Essentiel pour faire tourner la matrice aéronautique.
  2. 
La cohérence industrielle entre Thalès, Sagem et Cassidian France. Quid des projets de fusion ? 

  3. L’arbitrage sur le développement des drones pour les forces armées françaises et plus globalement la poursuite (ou      non) du dialogue stratégique avec le Royaume Uni et BAe Systems. 

  4. La cohérence industrielle dans l’aérostructure française aujourd’hui éclatée entre Aérolia, Sogerma, Daher et Latécoère.
  5. 
La structuration des comités stratégiques de filières (peu évoquée par Alain Rousset)

  6. La fixation d’une politique de délocalisations financières et de compensations commerciales. Quel est le transfert de technologies acceptable ?  

  7. Le repositionnement de la recherche étatique en aéronautique avec l’ONERA

.

Alain Rousset aura à cœur de généraliser des projets régionaux, comme celui d’Aetos que sa Région a soutenu : Thales, Dassault, EADS et Safran se sont réunis dans le cluster Service et Systèmes de Drones avec des PME innovantes installées sur le territoire aquitain.


La politique industrielle présentée par le nouvel exécutif se veut donc régionale, tournée vers les PME et les ETI. Pour qu’elle soit un succès, l’équipe Hollande devra associer, convaincre ou contraindre les grands donneurs d’ordre et elle devra peser lourdement sur une rédéfinition de la politique européenne de concurrence, aujourd’hui méfiante à toute idée de relance colbertiste.