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Quelle stratégie française pour la Zone ?

L’Autorité internationale des fonds marins, organisation internationale sous l’égide des Nations-Unies, évoque depuis peu l’idée d’une exploitation prochaine des ressources minières des grands fonds marins à l’horizon 2016.

« Le défi français est et sera un grand défi maritime. La Mer, source inestimable de richesses, nous permettra de répondre aux enjeux de demain qu’ils soient environnementaux, économiques, sociaux ou humanitaires. Mais elle constitue également un formidable potentiel de croissance économique, de création de richesses et d’emplois dont il nous faut assurer les conditions ». Cette idée, issue du programme de campagne de François Hollande, illustre parfaitement la vision de la France pour ce qui semble être le nouvel « El dorado » : la mer.

Il est souvent fait référence aux espaces maritimes sous souveraineté étatique ou à d’autres étendues symboliques telles que l’Antarctique ou l’Arctique. La France n’est d'ailleurs pas en reste puisqu’elle possède la deuxième zone économique exclusive (ZEE) au monde derrière les États-Unis. Pourtant, il existe d’autres espaces échappant à toute souveraineté recelant mille richesses. Ce sont les grands fonds marins.

Garante de cet espace, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, dite Convention de Montego Bay, le désigne comme étant les fonds des mers et des océans ainsi que leur sous-sol, au-delà des limites de la juridiction nationale.

L’exploitation des ressources minières des fonds marins : du doux rêve à la réalité

L’intérêt progressif des Etats pour les grands fonds marins est né de la curiosité, mais aussi de la crainte des Hommes vis-à-vis du dernier espace terrestre qui restait encore inexploré. Aujourd’hui, il est en passe d’être exploité.

En effet, la demande croissante en ressources minérales due en partie à l’émergence de nouveaux Etats, ainsi que l’épuisement progressif prévisible de ces ressources, conduit nécessairement les Etats à réfléchir à de nouvelles politiques et rend ainsi stratégiques les richesses de la mer.

L’exploitation des ressources présentes dans les grands fonds, les nodules polymétalliques, sulfures hydrothermaux et encroûtements cobaltifères est donc cruciale puisque ces formes de minéraux contiennent des métaux rares mais aussi des métaux « traditionnels » ou « de base » qui deviendront dans un avenir plus ou moins lointain d’intérêt stratégique du fait de leur raréfaction. Ils constitueraient donc une solution inespérée.

Hormis les métaux rares ou plus traditionnels contenus dans les grands fonds marins, ces derniers recèleraient également une dernière ressource : les hydrates de gaz ou hydrates de méthane. Il s’agit des poches de gaz dont la concentration serait bien supérieure à celles présentes sur terre.

C’est à l’Autorité internationale des fonds marins qu’il revient d’assurer une protection juridique suffisamment ambitieuse pour faire face aux convoitises. Or, il n’existe à ce jour aucun code minier d’exploitation des ressources, ce qui rend pour l’instant impossible toute forme d’extraction à des fins commerciales.

Par conséquent, les velléités étatiques s’expriment à ce jour sous la forme de contrats d’exploration délivrés par l’Autorité à ceux qui en font la demande.

Force est de constater que le nombre de contrats d’exploration a doublé et s’est indéniablement accéléré depuis deux ans. Ils s’élèvent aujourd’hui à dix-sept dont neuf d’entre eux ont été approuvés entre 2011 et 2013. Depuis juillet 2012, la France est, avec la Chine, le seul Etat qui bénéficie de deux contrats d’exploration. Notre pays a obtenu, le 23 juillet 2012, un second plan de travail auprès de l’Autorité internationale des fonds marins relatif à l’exploration de sulfures polymétalliques. Le premier contrat d’exploration concernait les nodules polymétalliques.

Or, chaque contrat d’exploration a une durée fixe de quinze ans, à l’issue de laquelle le contractant est en principe prêt à passer à la phase d’exploitation. Les premiers contrats conclus par sept investisseurs pionniers ayant été conclus en 2001, se pose alors la question de l’exploitation à l’horizon de 2016.

Une politique française volontariste

La France semble avoir bien pris conscience des intérêts stratégiques en présence et dès lors, s’est dotée d’une stratégie politique d’exploitation des métaux unique modélisée par de nombreux instruments, qu’ils soient normatifs ou institutionnels.

  • Sur le plan institutionnel, il a été créé le 27 juillet 2011, le comité pour les métaux stratégiques (COMES) chargé de renforcer la sécurité d'approvisionnement de la France. Ce comité a notamment pour mission d’évaluer les ressources mondiales en métaux en présence tout en évaluant les besoins français correspondants. Il est composé de tous les acteurs concernés par la question des métaux stratégique et constitue ainsi qu’un forum de discussion entre organismes publics et privés.
  • Sur le plan normatif, il faut souligner l’existence du Livre bleu : « Stratégie nationale pour la mer et les océans » qui constitue également un outil précieux. Il a été élaboré par le Secrétariat Général de la Mer et achevé le 9 décembre 2009 à la demande du Président de la République, Nicolas Sarkozy. Il définit les axes de la politique maritime de la France.
  • En complément du Livre bleu, l’IFREMER est à l’origine d’un instrument, le  « Plan stratégique » dans lequel il tente de discerner quels seront les enjeux français et mondiaux à l’horizon de 2020. Ce plan a notamment pour mission de favoriser une exploitation durable des ressources minérales et énergétiques principalement en développant la connaissance de l’exploration profonde mais aussi en réfléchissant à des énergies renouvelables. Ce rapport est étroitement lié au « Contrat Quadriennal », contrat passé entre l’Etat et l’IFREMER et pour lequel ce dernier se soumet à des objectifs scientifiques et techniques pour les quatre années à venir. Ce dernier se fixe par exemple comme objectif n°12 de « favoriser une exploitation raisonnée des ressources minérales et énergétiques » notamment en s’obligeant à explorer « les marges et les grands fonds et progresser dans la connaissance ».

Une réelle exploitation en 2016 ?

Il n’existe pour l’heure que les trois règlements relatifs à la prospection et à l’exploration des nodules polymétalliques, des sulfures hydrothermaux et des encroûtements cobaltifères dans la Zone adoptés respectivement en 2000, 2010 et 2012.

Bien que les travaux d’élaboration d’un code minier relatif aux nodules aient débuté depuis deux ans, la « deadline » fixée par le calendrier peut paraître optimiste. Nul doute qu’une fois le code minier d’exploitation adopté, la « course à l’exploitation » des Etats pourra débuter. A cette fin, la France se doit de maintenir et renforcer sa politique industrielle d’exploitation des métaux dans la Zone afin d’en retirer les bénéfices escomptés.

Anaïs Ferradou