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L’Écosse à l’heure du choix

Alors que les élections européennes viennent de se terminer, une nouvelle candidature pourrait bientôt s’imposer aux 28 pays de l’Union Européenne. L’Écosse est désormais à moins de 100 jours d’un référendum crucial sur son indépendance. L’accord d’Edimbourg, signé le 15 octobre 2012 par David Cameron et Alex Salmond, prévoit à cet effet l’organisation le 18 septembre 2014 d’un référendum sur l’indépendance de l’Écosse.

L’Écosse, anciennement dénommée Calédonie, est une nation qui fait officiellement partie du Royaume-Uni depuis 1707, année de l’acte d’union avec le royaume d’Angleterre. Cette union a d’abord donné naissance au royaume de Grande-Bretagne puis, lorsque l’Irlande a rejoint à son tour la Grande-Bretagne en 1800, au Royaume-Uni.

Histoire économique de l’Écosse ayant conduit à cette situation :

L’Écosse, autrefois prospère, a vu son économie décliner à partir des années 60: ses mines, ses aciéries et ses chantiers navals ont progressivement fermé.

C’est probablement le tournant économique des années 70, avec la découverte du pétrole en mer du Nord, qui a donné un véritable souffle au nationalisme écossais. Le boom économique, accentué par l’explosion du prix du pétrole ces dernières années, a véritablement réveillé les velléités indépendantistes. Cela s’illustre dès 2007 par l’arrivée au pouvoir en Écosse du parti national écossais (SNP), dirigé par Alex Salmond.

Au niveau politique, l’acte de dévolution mis en place par Tony Blair en 1997 a instauré un parlement écossais avec certaines attributions législatives, et ainsi un gouvernement régional, aujourd’hui entre les mains du SNP.

Paradoxalement, cette poussée nationaliste a coïncidé avec la crise économique de 2008 qui a  impacté fortement l’Écosse, à l’image de son fleuron bancaire – la Royale Bank of Scotland – renflouée par Londres. Les experts s’accordent en même temps sur le déclin irrémédiable des revenus issus des exploitations pétrolières de mer du Nord.

La particularité des liens Franco-Ecossais :

Les relations singulières entre la France et l’Écosse ont été qualifiées par le Général De Gaulle de « plus vieille alliance du monde ». La « Auld Alliance » signée entre ces deux nations existe en effet depuis 1295. Malgré sa fin officielle – en particulier sur le plan militaire en 1560 – elle a perduré dans les esprits.

Cette alliance, principalement dirigée contre l’Angleterre – notamment pendant la période de la guerre de 100 ans – a apporté des influences réciproques entre les deux nations. De nombreux écossais se sont par exemple mis au service de la France au fil des siècles. En outre, jusqu’en 1903 tous les écossais pouvaient se faire reconnaitre comme des citoyens français.

Les conséquences possibles en cas de vote favorable pour l’Écosse elle-même et pour l’Europe :

Une Écosse indépendante – selon l’actuel Premier Ministre – ferait partie du Commonwealth en ayant la reine Elisabeth II comme chef de l’Etat, garderait la livre sterling comme monnaie et la banque d’Angleterre comme banque centrale. Elle aurait sa propre constitution, son armée (tout en étant dans l’OTAN), sa diplomatie et ses organes de sécurité. Son objectif premier au niveau international serait alors d’intégrer l’Union Européenne, ce qui ne manquerait pas d’ironie quand on constate que les partisans pour une sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne sont de plus en plus nombreux.

Le camp des indépendantistes se renforce: sur les 5 200 000 écossais, ils seraient près de 45% à dire oui au référendum, et l’écart semble se resserrer.

Les soutiens se mobilisent entre les 2 camps.

Les partisans de l’Indépendance estiment que cela permettrait une plus grande richesse pour les écossais, grâce aux ressources en hydrocarbures (ils considèrent les prévisions sur la baisse des revenus pétroliers trop pessimistes), mais également au tourisme et à l’industrie agroalimentaire. Ils ont une identité nationale très forte avec leur propre église presbytérienne, leur système juridique et leur système éducatif (où l’on observe l’existence d’universités importantes). L’accès à l’indépendance permettrait également de mettre fin aux politiques des conservateurs britanniques – de Thatcher à Cameron – l’Écosse étant politiquement une terre travailliste.

Les détracteurs utilisent des arguments économiques, diplomatiques et militaires. Ils estiment que l’unité du Royaume est primordiale: une indépendance affaiblirait tous les territoires, à commencer par l’Écosse. L’appartenance à l’Union bénéficie fortement à l’Écosse, qui y a un vrai poids. Les économistes estiment que l’indépendance serait fortement défavorable à l’Écosse au niveau économique: entre une chute annoncée des revenus pétroliers, une hausse du taux d’intérêt face à la dette publique (qui représente aujourd’hui 74% du PIB) et un vieillissement de la population. Le taux de chômage y est d’ailleurs plus élevé que dans le reste du Royaume-Uni.

La campagne électorale autour de ce futur vote est un bon cas de guerre de l’information et de stratégie du faible au fort.

Les partisans du maintien de l’Union, qui étaient à la base largement majoritaires, ont multiplié les maladresses (comme l’usage de menaces) qui n’ont fait que renforcer le nationalisme et la prononciation de discours négatifs, perçus comme donnant des leçons qui ont heurté la fierté écossaise. En face, les indépendantistes, dont certains arguments sont pourtant discutables, ont usé de manœuvres déstabilisantes (utilisation de l’humour, incarnations de l’optimisme) poussant leurs adversaires à commettre certaines erreurs.

Au niveau Européen, un vote favorable à l’indépendance de l’Écosse fournirait un appui important à d’autres foyers nationalistes prêts à lui emboîter le pas. On pense directement à la Catalogne, aux flamands, et au risque d’ouvrir une boîte de Pandore pour de nombreuses minorités présentes dans différents états européens.

Les conséquences pourraient donc être considérables pour l’Union Européenne, alors que le débat sur ses difficultés de gouvernance avec 28 membres est aujourd’hui central.

Enfin, de manière beaucoup plus anecdotique, si cette indépendance était votée, il serait intéressant de se pencher sur le sort du drapeau du Royaume-Uni. Le célèbre « Union Jack » est en effet historiquement issu de la fusion des drapeaux anglais, écossais et irlandais !

Nicolas COISNE.