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La banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, nouvelle venue sur la scène internationale

Lundi 29 juin, 50 pays, dont la France, ont signé l’accord cadre établissant l’Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB). Evoquée pour la première fois par Xi Jinping en 2013, quels sont les enjeux de cette nouvelle banque multilatérale ?

L’AIIB a été créée dans le cadre du projet chinois de « nouvelle route de la soie », visant à développer les réseaux de commerce et d’infrastructures reliant l’Asie à l’Europe. L’AIIB financera donc des projets en Asie en complément de la Banque Mondiale et de la Banque asiatique de développement. Ainsi, en l’espace de deux ans, la Chine, qui accueille le siège de cette banque, a convaincu 50 pays d’adhérer au projet, et 7 sont en attente de réponse de leur Parlement. Parmi les signataires se trouvent entre autres la Corée du Sud, Singapour, le Népal, la Mongolie, le Cambodge, l’Inde, l’Iran, l’Islande, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie. Sont absents des pays à l’économie trop opaque tels que la Corée du Nord, ou encore des pays en totale opposition avec ce projet : le Japon, le Canada et les Etats-Unis. Ces derniers ont notamment été les plus virulents opposants.

Des changements sur la scène internationale

Il apparait que les Etats-Unis se sentent menacés par la création d’une nouvelle institution multilatérale sur laquelle ils n’ont pas d’influence directe. La Chine a ici revu sa copie et est prête à travailler avec les autres pays et non plus à faire cavalier seul ou bien à nouer des accords bilatéraux dans lesquels elle est la plus forte. Il s’agit d’un renversement diplomatique important puisqu’en plus de l’ouverture du marché financier de la Chine, les Etats-Unis ont été pris à revers par le succès de la banque, et ce malgré leurs tentatives de bloquer la naissance du projet. En effet, ils ont dès le départ mis en avant l’insuffisance des normes de gouvernances, de transparence ou de garanties sociales et gouvernementales au sein de la banque.

Le fait qu’un bon nombre de pays alliés aient adhéré au projet chinois indique clairement le déclin des Etats-Unis et une volonté de la Chine de remettre en cause la domination occidentale. Depuis plusieurs années, celle-ci demandait que la Banque Mondiale et le FMI soient réformés afin de refléter l’influence de la Chine dans l’économie mondiale, qui ne dispose que de droits de vote limités dans les institutions financières existantes. Dans le passé, les USA ont réussi à empêcher la création d’un Fonds monétaire asiatique mais aujourd’hui, la Chine s’est montrée plus persuasive et dispose d’une nouvelle forme de frappe. D’un côté, les pays signataires espèrent profiter de l’ouverture et du développement du marché financier chinois, de l’autre, avoir la France, l’Allemagne ou encore le Royaume-Uni parmi les actionnaires de la banque pourrait rassurer les pays emprunteurs. Bercy a d’ailleurs affirmé dans un communiqué que « La France, l’Italie et l’Allemagne, en étroite collaboration avec leurs partenaires internationaux et européens, veulent participer à la création d’une institution respectueuse des meilleures pratiques en termes de gouvernance, de sécurité, de prêts et de marchés publics ».

Le dirigeant de l’AIIB, qui doit être de nationalité asiatique, sera élu le 30 juillet prochain. Selon les analystes, il est fort probable que l’heureux élu soit le chinois Jin Liqun, ancien ministre des Finances et directeur de  la Banque asiatique de développement pendant cinq ans. Jin Liqun a déjà promis que l’AIIB serait « lean, clean and green » en permettant notamment la mise en place de projets éco-responsables. La Chine a en effet d’énormes progrès à faire en termes de protection de l’environnement et de réduction des gaz à effet de serre. L’AIIB se veut également moins bureaucratique que ses consœurs, ce qui lui permettrait de valider et de commencer plus rapidement les différents projets qu’elle mènera.

De plus, dans le cadre du projet de la « nouvelle route de la soie », la création de la Banque de développement des BRICS qui se veut également une alternative aux institutions financières occidentales, a été ratifiée le 1er juillet. Le premier contributeur est aussi la Chine, qui s’impose pacifiquement auprès de ses nouveaux alliés, à la recherche de financement.

Ainsi, au travers de ce projet et la création de nouvelles institutions financières, la Chine cherche à appliquer le modèle de planification à la chinoise à la coopération économique internationale. De grands changements sont donc en marche. L’Empire du Milieu exprime sa volonté de « contribuer au développement du monde », en injectant une nouvelle dynamique dans le développement de l’Asie. La nouvelle force de frappe de la Chine sur la scène internationale est appelé « the new normal » par les intellectuels et politiques chinois. Avant que la direction d’institutions internationales par la Chine soit « normale », les Etats-Unis attendent avec impatience que l’AIIB fasse ses preuves.

L’AIIB en quelques chiffres

  • La Chine détient une participation de 30,34% dans l’AIIB
  • La Chine possède 26,06% des droits de vote
  • Le capital autorisé de l’AIIB est de 100 milliards de dollars, dont 75% provient d’Asie
  • L’Inde est le deuxième contributeur de l’institution (8,4%), devant la Russie (6,5%). Parmi les Etats non-asiatiques, l’Allemagne est le plus gros contributeur (4,5%), suivi de la France (3,4%)

Elodie Le Gal