Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Le portail de l’IE rencontre Xavier Moreau, chef d’entreprise en Russie

Saint-Cyrien et officier parachutiste, Xavier Moreau est titulaire d’un DEA de relations internationales à Paris IV Sorbonne, et est un spécialiste des relations soviéto-yougoslaves pendant la guerre froide. Installé en Russie depuis 15 ans, il dirige la société LinkIT Vostok. Le Portail de l’IE l’a interrogé sur la situation du marché russe et l’intelligence économique

Quelle est la situation de l’économie russe ?

Sans surprise, l’économie russe va se contracter autour de 4% cette année. Cela est dû essentiellement à la baisse des revenus liés aux matières premières, cette baisse étant elle-même liée au ralentissement de l’activité mondiale.

Quel bilan tirez-vous des sanctions économiques contre la Russie ?

La sanction qui a le plus touché l’économie est celle de l’impossibilité de se refinancer à plus de 30 jours sur les marchés internationaux. Cela a eu cependant des effets bénéfiques, en forçant la Russie à se tourner davantage vers l’Asie et à trouver des financements alternatifs pour ses projets, notamment en yuan. L’autre effet positif est lié au redécollage de l’agriculture russe grâce aux contre-sanctions. Jamais les Russes en temps normal n’auraient accepté de consommer des produits de moins bonne qualité et plus chers. C’était pourtant une phase par laquelle il fallait passer pour relancer sérieusement l’agriculture russe, dont le potentiel est énorme et qui est déjà un des principaux exportateurs de blé par exemple. Les sanctions ont été une véritable bénédiction pour le secteur agricole russe, qui craint par-dessus tout leur levée trop rapide. C’est pour cela que la Russie a prolongé ses contre-sanctions jusqu’en juin 2016, alors que l’UE n’avait prolongé les siennes que jusqu’en janvier. Le secteur agricole russe espère que les sanctions seront prolongées au moins jusqu’en juin 2017.

Pensez-vous que la baisse du cours du pétrole depuis plusieurs mois s’apparente à une guerre économique contre la Russie notamment ? Comment la baisse du baril est-elle vécue en Russie ?

Je pense que la baisse des prix du pétrole est avant tout la conséquence d’un déséquilibre entre l’offre et la demande, déséquilibre provoqué par la présence temporaire des hydrocarbures non conventionnels sur le marché. C’est d’ailleurs pour les huiles et gaz de schiste américains que la baisse des prix est le plus catastrophique.

Les élites gouvernementales russes considèrent qu’un prix du pétrole élevé est une calamité pour l’économie russe. Cela induit automatiquement une montée du rouble qui nuit gravement à la compétitivité de l’économie russe. Les résultats sont d’ailleurs là, selon la Banque mondiale, l’industrie russe va connaître un rebond significatif en 2016 grâce à cette dévaluation.

Les entreprises françaises souffrent-elles tant que cela des sanctions de l’économie russe ?

Oui elles souffrent, car elles non plus, ne peuvent se financer sur leur activité en Russie. En outre, la non-livraison des Mistrals complique les négociations sur des gros matériels qui nécessitent un important prépaiement, comme les avions de ligne par exemple. La confiance n’est plus là. De manière générale, les entreprises souffrent du ralentissement économique et espèrent que la reprise sera là en 2016.

Le nombre d’expatriés français en Russie ne cesse de diminuer, est-ce le bon moment pour les Français de travailler avec la Russie ?

Oui, malgré tout en tant qu’entrepreneur indépendant, il y a beaucoup à faire. Ce sont essentiellement les grands groupes qui régressent en raison de la baisse du rouble, sachant que la Russie a des cadres de mieux en mieux formés et capables de remplacer les expatriés. À mon avis l’Extrême Orient russe représente une zone où de jeunes entrepreneurs audacieux peuvent tenter leur chance.

Vous avez fondé une entreprise de sécurité privée et d’intelligence économique en Russie. L’intelligence économique est-elle prise en compte au sein des entreprises et par l’Etat ? Y a t-il des opportunités d’emplois ?

J’ai abandonné cette activité il y a un an et demi, mais elle continue d’être un aspect important dans le développement des activités en Russie. De ce que je vois, les opportunités d’emplois se situent davantage en France qu’en Russie. Les états-majors des entreprises françaises ont besoin de bons spécialistes pour les accompagner dans leur développement en Russie.

 

Propos recueillis par Alexandre MOUSTAFA