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Industrie chinoise : du 2.0 au 4.0

Autrefois usine du monde, la Chine a amorcé depuis quelques années sa transition vers une société de l’innovation et de la consommation. Symbole de cette transition : l’industrie 4.0 que la Chine tente maintenant de mettre en place.

Industrie chinoise : du 2.0 au 4.0

Le Made in China 2025, annoncé en 2015, ambitionne de faire du pays la puissance industrielle mondiale. L’époque où la Chine assemblait tous nos smartphones, télévisions et ordinateurs est révolue : le pays veut créer, innover pour des produits de qualité, à haute valeur ajoutée, rivalisant ainsi avec l’occident et notamment les Etats-Unis. Pour cela, la Chine compte sur l’Allemagne, son premier partenaire commercial, qui a initié en 2013 à l’Hannover Messe trade show le concept d’industrie 4.0.

Comment va-t-il accélérer sa transition, et quels sont les enjeux pour l’Occident, notamment l’Allemagne, inspiration de ce mouvement ?

Une transition ambitieuse

Actuellement, le défi majeur de la Chine est de passer d’une industrie 2.0 au modèle … 4.0. Nous pouvons cependant admettre qu’une partie est déjà à l’ère 3.0 notamment avec la fabrication de machines outils et de robots industriels.

Cependant, le niveau technologique du pays reste relativement bas  et le personnel peu qualifié pour gérer de telles avancées. Ainsi, seulement 60% des entreprises utilisent des logiciels industriels tels que les ERP (Enterprise Resource Planning) et les MES (Manufacturing Execution Systems), ce qui explique les difficultés rencontrées en termes de délais de productions, respect des normes contractuelles, etc. Par ailleurs, il y a environ 14 robots pour 10 000 employés d’usines, contre 282 robots pour l’Allemagne.

Qu’est-ce donc que l’industrie 4 .0 ? Selon Wikipédia, il s’agit « d’une nouvelle façon d’organiser les moyens de production : l’objectif est la mise en place d’usines dites « intelligentes » (smart factories) capables d’une plus grande adaptabilité dans la production et d’une allocation plus efficace des ressources, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle révolution industrielle ». Pour la Chine, il s’agit bien d’une révolution qui pourrait lui permettre de faire face au ralentissement de sa croissance et à ses problèmes démographiques. L’industrie 4.0 englobe ainsi les technologies de la communication et de l’information, l’Internet des objets (IoT, Internet of Things) et le big data.

Depuis quelques années, la Chine ambitionne de révolutionner son industrie. Il semble que l’implémentation du Made in China, axés sur 10 secteurs industriels stratégiques, soit un nouveau tournant dans cette politique industrielle. En effet, clairement inspiré de la stratégie allemande, il ambitionne la montée en puissance de l’innovation d’ici à 2025, qui devra permettre au pays de ne s’appuyer que ses créations originales pour le développement de nouveaux produits. Couplé à ce programme, le plan « Internet + » a été annoncé en mars 2015. Il formalise l’adaptation du cloud, du big data, de l’Internet mobile et de l’IoT au domaine industriel. Cela vaut non seulement pour l’industrie mais également pour la finance, le secteur médical ou encore agricole. Actuellement, un fonds de 40 millions de yuans existe déjà pour le soutien en recherche et développement des entreprises chinoises, et une autre rentrée d’argent sera apportée par l’Internet +, selon le 2015 Government Work Report.

Ces deux annonces indiquent la volonté, et le besoin, d’instaurer un nouveau modèle économique et social, face à la baisse de la croissance et l’augmentation du coût de la main d’œuvre. Pour combler leur retard important, de nombreuses entreprises chinoises ont d’ores et déjà mis en place des projets pour le développement de l’industrie 4.0. Ainsi, 58% des industries chinoises sont déjà concentrées sur le développement de systèmes intelligents, et une entreprise sur 10 a mis en place des projets individuels (source : Staufen AG, « China – Industry 4.0 Index 2015 »). Les grandes entreprises nationales chinoises, Huawei et ZTE en tête, sont celles qui bénéficient d’un meilleur niveau de modernisation 4.0. Mais d’autres sont aussi bien avancées, telles que Sany, 6ème plus grand manufacturier du monde, qui dispose de machines connectées et utilise les données collectées pour l’amélioration du processus de production. Changying Precision Technology Company va encore plus loin avec une usine à Dongguan (province du Guangdong) fabricant des composants pour téléphones portables, pilotée uniquement par des robots, allant des lignes de productions aux engins de transports. De 650 employés, l’usine n’en emploie plus que 60, principalement pour la maintenance informatique. Les résultats sont extrêmement satisfaisants : trois fois plus de pièces sont produites (un « bras » robotique étant l’équivalent de 6 à 8 ouvriers) et le niveau de défaut est passé de 25% à 5%. La province du Guangdong, hautement manufacturière, a par ailleurs annoncé un plan de financement sur trois ans afin d’inciter la création d’usines intelligentes. Il prévoit notamment l’achat de robots pour les industriels souhaitant s’installer.

Inspirée par l’Allemagne, les efforts de la Chine sont soutenus. Comment l’Allemagne réagit face à cette montée en puissance de l’innovation ?

L’aide germanique, mais à quel prix ?

En octobre 2014, l’Allemagne et la Chine ont scellés leur accord de coopération autour de l’industrie 4.0. Le partenariat s’appuie sur la mise en place de standards conjoints, mais aussi la formation de chinois dans les entreprises Allemandes. Un assouplissement des règles d’investissements en Allemagne pour les sociétés chinoises a également été évoqué.

Cette alliance ne manque pas d’éveiller les craintes de certains industriels allemands. En effet, la sécurité des données n’est tout simplement pas garantie en Chine. Or, un tel modèle de coopération industrielle nécessite le transfert d’une quantité importante de données, mais aussi de technologies. Aux vues du retard de la Chine, cela peut sembler sans grand risque. Néanmoins, les exemples d’usines automatisées évoquées ci-dessus décrivent bien sa vitesse d’adaptation et d’appropriation, notamment du fait de l’apport des subventions gouvernementales.

Le danger est donc que l’Allemagne soutienne activement son futur grand compétiteur  dans le secteur des machines intelligentes. Des entreprises Allemandes tentent de renforcer leur positionnement dans le pays, à l’instar de Kuka, constructeur de robots, qui a installé une usine à Shanghai en 2013 pour sécuriser sa position sur le marché.

Néanmoins, concernant l’exportation de ses machines et technologies, la Chine a encore un long chemin à parcourir. Bien que le dépôt de brevets dans le domaine de l’industrie 4.0 ait considérablement augmenté en quelques années, seuls 35% de ces derniers respectent les critères pour être officiellement brevetés…  (source : Fraunhofer IAO, « Study on monitoring Chinese industry 4.0 technology and patents »)… quantité n’est pas donc synonyme de qualité dans ce cas précis.

Et la France ?

Les principaux protagonistes de cette prochaine révolution industrielle sont la Chine et l’Allemagne, nous l’avons bien compris. Mais plusieurs industries françaises sont également en route vers la création de systèmes de production intelligents. Ainsi, Dassault Systèmes co-préside l’Alliance pour l’Industrie du Futur, une initiative gouvernementale lancée en mai 2015. Elle a pour objectif de répondre à la seconde phase du programme de modernisation de l’industrie française, notamment la convergence des usines, des objets connectés, du big data et autres avancées technologies qui rendront la production plus autonome et efficace. Dassault Systèmes va élaborer le programme de digitalisation du secteur mais aussi mettre en place des projets de recherche et développement collaboratifs.

Le concept français, désigné par l’appellation « Industrie du Futur » a ainsi pour mission de moderniser l’outil de production du pays, ce qui aurait un impact positif non négligeable sur l’emploi. Cela passe par la création de l’alliance Industrie du Futur mais aussi l’émergence croissante des Fab Labs, qui stimulent l’innovation en milieu ouvert, en-dehors des entreprises. Cela permet la sensibilisation du public aux enjeux du numériques et permettent aux entrepreneurs, actuels ou en devenir, de créer de nouveaux objets.

L’industrie du futur, ou industrie 4.0, apparait indéniablement comme le modèle industriel à venir, nécessaire à la création  de croissance, à une meilleure optimisation des processus de production mais aussi à l’émergence de l’innovation axée principalement sur Internet et les développements liés.

La Chine, consciente des challenges à accomplir pour contrer les pays occidentaux, s’affiche déjà comme une force industrielle autonome, qui ne souhaite que se détacher de la dépendance des technologies étrangères tout en récupérant les points de croissance perdue. Cette impulsion est renforcée par la demande croissante en services et produits haut de gamme. Pour le moment en phase d’apprentissage et d’appropriation des nouveaux procédés et processus, le pays bénéficie du soutien important du gouvernement et notamment du Ministère de l’industrie, qui a subventionné plus de 720 entreprises pilotes entre 2013 et 2014.

Toute relation avec la Chine repose à la fois sur un partenariat mais aussi une compétition, que ce soit l’Allemagne ou la France, tout deux grands partenaires européens du pays, il est important de savoir jusqu’où coopérer, et surtout d’être en mesure de développer des projets concrets qui marqueront cette nouvelle révolution industrielle.

Elodie Le Gal