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La stratégie d’influence de la Chine au Moyen-Orient

En mars 2016, le ministre des Affaires étrangères Wang Yi a déclaré que « la politique de la Chine au Moyen-Orient était de faciliter les négociations de paix […] au lieu de rechercher une sphère d’influence ou des relais ». En réalité, il existe plusieurs facteurs qui expliquent la volonté chinoise de devenir un acteur de plus en plus incontournable dans la région.

Les enjeux économiques/commerciaux et stratégiques comme premier facteur

Le Moyen-Orient est une région économiquement importante pour bon nombre de grandes puissances. La Chine n’en déroge pas en raison de ses besoins énergétiques qui ne cessent d’augmenter. À ce titre, elle est devenue le premier importateur de pétrole devant les États-Unis. Dès lors, elle compte profiter comme elle peut de l’effondrement du prix du baril et indirectement de la stratégie de pivot du gouvernement américain. La politique étrangère de la première puissance mondiale étant maintenant tournée davantage vers le continent asiatique.

En fin janvier 2016, le président Xi Jinping avait effectué une tournée diplomatique au Moyen-Orient. Après être passé par l’Arabie Saoudite (et l’Égypte), ce dernier avait rencontré son homologue iranien. Dans ce contexte, la Chine a accéléré les négociations avec les monarchies du Golfe afin de signer avant la fin de l’année un accord de libre-échange. Environ 1/3 de leur pétrole provient de ces dernières. Dans l’optique des discussions, le président chinois a inauguré une raffinerie construite en partenariat avec l’Arabie Saoudite, un des principaux fournisseurs de pétrole dudit pays : En 2014, Ryad représentait 16 % des importations pétrolières chinoises. La Chine est le plus grand partenaire commercial de l’Arabie saoudite et son premier client pétrolier. Plus encore, Pékin compte même allouer une enveloppe de 55 milliards de dollars en prêts et investissements pour le Moyen-Orient. Il s’agit notamment de financer des projets industriels sur place et de favoriser la coopération dans le secteur énergétique. Enfin, le président chinois a évoqué la mise en place d’un fond d’investissements commun de 20 mds USD avec deux pays du Conseil de coopération du Golfe (GCC) : les Émirats Arabes Unis et le Qatar.

De plus, l’Empire du milieu a conclu récemment un partenariat stratégique avec l’Iran dans le but de renforcer leurs relations économiques. Il s’agit de convenir d’un accord nucléaire historique. Mais il ne faut pas oublier une donnée importante : l’Iran détient d’importantes réserves de pétrole brut et de gaz. Or la Chine, comme nous l’avions vu, est très dépendante de l’extérieur pour ce type de ressources naturelles. En 2014, Téhéran fournissait 9 % du pétrole chinois. Aussi le gouvernement a promis de multiplier le volume des échanges commerciaux avec l’Iran par 10 en dix ans.

L’approvisionnement en matières premières ne constitue pas la seule justification économique de ce rapprochement : Non seulement les Chinois souhaite écouler davantage leurs produits manufacturés, mais ils cherchent également à rebâtir une « route de la soie » entre l’Asie et l’Europe, voire plusieurs. Et le Moyen-Orient est un chaînon manquant. En fait, Pékin a initié « la Ceinture et la Route », une forme modernisée de l’ancienne route de la Soie. Celle-ci reflète son « rêve du grand renouveau de la nation chinoise » et va leur assurer « prospérité et force ».

 Des enjeux géopolitiques sous-jacents : un jeu d’influences entre les grandes puissances régionales et mondiales

La diplomatie chinoise est fondée traditionnellement sur le pragmatisme et la non-ingérence dans les affaires des autres pays. Dernièrement, son gouvernement a appelé « au calme et à la retenue » dans le différend qui oppose l’Arabie Saoudite et l’Iran. En fait, cet appel à la retenue est un parti pris en soi : celui des intérêts de la Chine. Le pays cherche à ne pas être vu comme menaçant, ce qui fait de lui un partenaire « pour tous ». Les déclarations des officiels chinois semblent aller dans ce sens sur la question de l’initiative « La Ceinture et la Route ». Néanmoins, dans les faits, la diplomatie chinoise n’est pas aussi neutre que cela : Pékin a renforcé notamment ses relations avec des organisations régionales, comme la Ligue Arabe, et a soutenu la position russe dans le conflit syrien. La Chine a d’ailleurs depuis longtemps appuyé la cause des pays arabes pour leur indépendance nationale et ne fait donc pas qu’œuvrer de manière active « à la paix et la stabilité en Moyen-Orient ».

La tactique diplomatique chinoise s’est vu couronnée de succès dans cette zone géographique : la neutralité chinoise concernant les tensions entre chiites et sunnites s’est démarquée de « l’ancienne » position pro-sunnite américaine. Cette orientation a permis à la Chine d’entretenir des bonnes relations et de faire affaires à la fois avec l’Iran et l’Arabie Saoudite.

En quoi une démarche d’intelligence stratégique est utile dans le cadre d’une tournée diplomatique comme celle-ci 

Lors des visites officielles, les chefs d’États et les diplomates sont souvent accompagnés ou soutenus par des entreprises nationales/locales. Comme le disait Charles Wilson, « Ce qui est bon pour General Motors est bon pour l’Amérique » : les gouvernements défendent les intérêts de leurs champions nationaux, de manière assumée ou non, car ses derniers créent de la richesse et des emplois. De plus, ils participent au rayonnement de leur nation.

Derrière le président chinois, il y a donc des entreprises comme la compagnie pétrolière étatique Sinopec. Cette dernière avait signé auparavant un accord-cadre de coopération stratégique avec le saoudien Aramco.

A partir de là, il est fortement conseillé d’effectuer une recherche puis une veille sur les déplacements officiels des délégations ou chefs d’États de pays concurrents et des liens qu’ils entretiennent avec leurs grandes entreprises. L’objectif principal est de mieux anticiper leurs prochains mouvements, en vue de pouvoir adapter  rapidement sa stratégie. Des outils de veille gratuits ou payants sont disponibles sur la toile. Comme Netvibes ou Sindup. Cette démarche pourrait servir dans une logique d’influence et dans le cadre de potentielles négociations. En effet, par exemple, l’identification des liens entre certains politiques et les cadres de sociétés aide à mieux ajuster sa stratégie de lobbying. Une approche culturelle est d’ailleurs très importante : les relations entre le pouvoir économique et le pouvoir politique peuvent diverger selon les pays. Enfin, afin de montrer concrètement ces rapports entre politiques et cadres d’entreprises, il est tout à fait envisageable de faire une cartographie de visualisation relationnelle avec des logiciels idoines, à l’instar de Gephi.

 Nicolas de Turenne