Les ambitions Chinoises

Alors que l’Europe a les yeux prioritairement tournés vers les Etats-Unis, la Chine souhaite jouer un rôle plus important sur la scène économique mondiale, prônant notamment l’inclusivité. Tout autant que le TTIP, le projet OBOR est un défi de taille, avec sa part d’opportunités.

Au moment où l’Europe a le regard tourné vers les Etats-Unis et s’interroge sur la future présidence américaine, le forum de Davos accueillait en son sein le leader chinois Xi jin Ping. Les chantres de la mondialisation écoutait le discours du président asiatique appelant à l’ouverture, à la mondialisation et rappelant pour la circonstance  le rôle de premier plan que joue et jouera demain son pays. Au cas où certains observateurs se seraient égarés dans leur analyse. Un rôle clé qui mènerait la Chine, deuxième puissance économique mondiale au rang de leader de la globalisation, tandis que les Etats-Unis se replierait sur un « nationalisme économique ». Une lourde responsabilité à endosser mais pourtant patiemment construite depuis Deng Xiao ping, depuis la conversion au capitalisme d’Etat.  Un retour de premier plan  pour la Chine depuis le ralentissement constaté de son économie dû entre autre à sa surcapacité industrielle.

 

Le projet Obor

Pour parer à cette surchauffe, la Chine s’est lancée  notamment dans le titanesque projet de la nouvelle route de la soie. En 2014, peu de temps après l’avènement de Xi Jinping au pouvoir, l’agence gouvernementale Xinhua news agency, publia la carte de « la new silk road, new dreams », et révela ce projet et cette volonté d’investir l’espace eurasiatique. En cela, elle fait face à la Russie et son intégration de l’eurasie. Des projets concurrents dans un monde multipolaire mais avec des intérêts convergents entre les deux pays comme en témoigne le projet Force de la Sibérie, gazoduc géant. Une initiative russe à ce jour qui complète et s’insère dans le projet OBOR (« one belt, one road »). Une volonté commune d’affirmer une prédominance régionale,  d’affirmer une puissance sur un pré-carré régional. Une volonté mue, pour la Chine, par le constat de trop fortes inégalités à l’intérieur du pays (partie ouest côtière contrairement à la partie centrale et est) et par une réflexion sur un nouveau modèle de développement a définir au lendemain de la crise des subprimes. S’en ai suivie une volonté de la Chine d’internationaliser sa monnaie ; l’inclusion du Yuan dans le panier constitutif des Droits de tirages spéciaux du FMI démontre que la Chine souhaite faire de sa devise une monnaie de réserve internationale pour attirer les capitaux étrangers. La nouvelle route de la soie s’inscrit dans cette nécessité de rééquilibrage au plan interne de la consommation et de la production industrielle. La dimension géopolitique est également perceptible si on entrevoit l’influence que souhaite avoir la Chine sur les pays concernés et traversés. Une façon de renouer avec « l’Empire du Milieu » et retrouver les échanges commerciaux et culturels d’antan. Cette ambition de créer de nouvelles opportunités pour les pays sur la voie de l’OBOR, ouvrirait un «espace de coopération économique» s'étendant du Pacifique occidental à la Mer Baltique. La vision d’une communauté économique et politique interdépendante s'étendant de l'Asie de l'Est à l'Europe occidentale. Dans sa forme terrestre, cela incluerait 65 pays et passerait par des points stratégiques sur tous les continents. Chaque zone peut être divisée en plus petits espaces (Asie Centrale, Russie, Europe, Asie de l’Ouest, Asie du Sud, Afrique du Sud, Pacifique Sud). Toutes ces zones ont un intérêt économique : une ressource rare, un nœud de communication, un port, des consommateurs finaux.

 

La bataille du rail

L’exemple du ferroviaire illustre l’immensité du projet et les partenariats à mettre en place. Pour rallier l’Europe, la Chine envisage au moins sept parcours terrestres majeurs, sur lesquels elle intervient, qu’elle finance et subventionne. Leipzig, Hambourg, Anvers, Duisbourg, Lodz, Lyon et Madrid. A ce jour, huit terminus européen sur neuf de convois ferroviaires chinois de fret passent par la Russie, à travers le « New Eurasian Land Bridge Economic Corridor ». L’ampleur du projet incite la Chine à utiliser l’existant de manière optimum, au moins 80% des voies ferroviaires disponibles sont utilisées, notamment sur la ligne Centre-Nord. A ce stade, la profitabilité du projet est tournée vers la Chine. Mais son ampleur associe étroitement la Russie. Pas moins de 5000 trains mis en service d’ici 2020. La demande en transport ferroviaire de marchandises entre la Chine et l’Europe a augmenté ces dernières années, représentant une alternative au transport maritime plus lent et plus risqué et au transport aérien plus coûteux. Un délai réduit à quatre semaines par rapport au maritime. Selon le plan de développement, le système de trains de marchandises sera composé de trois routes : la route orientale, la route centrale et la route occidentale. Les routes relieront non seulement la Chine à l’Europe, mais aussi à l’Asie de l’Est et à l’Asie du Sud-Est.

Une façon aussi de contourner la puissance navale américaine et de ne plus être dépendant d’un « blocus » éventuel mené par les Etats-Unis.

Toujours à Davos, le président chinois en invoquant le piège de Thucydide à propos du président américain, se pose donc en rival des Etats-Unis souhaitant leur ravir leur puissance et influence. Mais la Chine en a-t-elle la capacité ? Certes, du côté européen, l’UE n’a pas accordé le statut d’économie de marché, risquant par là même des tensions entre les blocs. Désormais les échanges seront placés sous le signe de la réciprocité selon Federica Mogherini.

 

Quelle réciprocité avec l’Europe?

En effet, la Chine multiplie les investissements en Europe : depuis le rachat de près de 70% du port du Pirée, la Chine s’est lancée dans le rachat d’entreprises. Au premier semestre 2016, les acquéreurs chinois ont conclu la moitié des rachats étrangers sur le territoire européen, selon Thomson Reuters, contre 9% en 2015. Parmi les plus puissants fonds chinois on peut citer : HNA, Fosun ou Jinjiang. La réorientation du modèle de développement de l’économie chinoise vers plus de valeur ajoutée et de services et la recherche de savoir faire explique ce phénomène. Des rachats mais pas de gestion directe surtout depuis le cas de Plysorol en 2009 en France : Monsieur Zhang Guohua, un entrepreneur et repreneur, qui, peu de temps après la reprise licenciait 150 personnes du site français, attiré principalement par les forêts de l’Okoumé au Gabon. Cette réciprocité qu’appelle de ses vœux l’UE, pourrait peut être se concrétiser dans ces sept nouvelles zones franches (le Liaoning, le Zhejiang, le Henan, le Sichuan, le Shaanxi, et Chongqing), zones ouvertes au libre échange, au commerce international et aux investissements étrangers. Si jusqu’à présent, elles se situaient sur les côtes orientales et méridionales, ce sont les territoires intérieurs et occidentaux qui sont à présent concernés. Attirer les capitaux et talents étrangers est une façon de répondre à l’UE mais aussi reprendre la main sur un avantage compétitif. Un gage de bonne volonté dans un pays qui compte près de 150 000 normes qu’il est difficile de se procurer et qui recèlent une part d’arbitraire, sept fois plus que l’UE. Dans cette guerre à l’hypercompétition, l’Europe se montre affaiblie et fragile mais peut être commence-t-elle à prendre conscience et s’interroge-t-elle sur les enjeux économiques dont elle doit se saisir urgemment.