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Ligne coupée entre Huawei et les États-Unis d’Amérique

« Barrières invisibles ». C’est ainsi que le ministre chinois du commerce a qualifié la stratégie des États-Unis d’Amérique visant à empêcher l’alliance entre Huawei et AT&T, opérateur américain de premier plan. L’intérêt et la sécurité de la nation ont été évoqués comme prétexte, car ledit partenariat aurait permis au leader chinois de la téléphonie de conquérir le marché nord-américain des smartphones.

Le cadre est connu, la stratégie récurrente. Le gouvernement américain a pour coutume d’étudier de près les partenariats entre des entreprises nationales et étrangères. Et pour les contraindre, rien de tel que de recourir à leur arsenal juridique et notamment l’extraterritorialité du droit. « Du moment où elles passent par un serveur américain, les données des entreprises ne sont plus considérées comme sécurisées » (DiliTrust, Nadim Baklouti et Gaëtan Fron, pour Challenges).

C’est ainsi que, fin 2017, une lettre émanant du Congrès atterrit sur le bureau du président de la Commission Fédérale des Communications (FCC). Celle-ci vise à l’avertir du risque que représente l’alliance entre AT&T – opérateur majeur aux États-Unis – et Huawei. Quelques semaines plus tard, l’opérateur AT&T se retire soudainement des discussions. La décision n’est pas surprenante : ce qui apparaît comme un simple « échec » des négociations, correspond en arrière-fond à une décision tout à fait classique des services politiques américains. Citons pour autre exemple le refus des autorités américaines de voir MoneyGram racheté par Ant Financial, société financière du chinois Alibaba. Ou encore plus simplement le retrait de l’opérateur américain Verizon du projet de lancement du nouveau Huawei Mate 10 Pro quelques heures seulement après le retrait d’AT&T.

Preuve s’il en fallait de l’application d’un protectionnisme généralisé à l’ensemble de l’économie américaine. Protectionnisme que l’on retrouve par ailleurs aussi en Chine, où il est impossible de créer ou installer une activité qui ne soit pas liée ou venturée avec une entreprise chinoise. La métaphore de la barrière invisible semble alors prendre tout son sens, que ce soit sous la bannière étoilée ou au pays de la Grande Muraille.

Les États-Unis font preuve dans cette affaire d’un protectionnisme stratégique qui dépasse les simples enjeux économiques car, si l’on suit le raisonnement du Congrès, les données issues des télécommunications doivent, de par leur nature, rester de souveraineté américaine pour des raisons de sécurité.

Ces différents éléments d’actualité marquent la position des États-Unis et de la Chine quant aux risques que peut faire peser un acteur économique étranger sur un domaine stratégique. Ces postures sont à contraster avec le renouvellement discret, à l’été 2017, d’un contrat liant le ministère français de la Défense à Microsoft Irlande, de nouveau sans appel d’offre.

Pendant que les États-Unis d’Amérique bloquent un projet commercial sans lien direct avec leurs administrations, la France renouvelle, sans appel d’offre, un contrat entre un département hautement stratégique – la Défense – avec un éditeur américain. Décision qui va à l’encontre de l’esprit de la Loi Lemaire, visant à renforcer l’idée de souveraineté numérique.

Jean-Baptiste Loriers