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Sanction Américaine contre l’Iran : Les limites de la stratégie de l’épouvantail

Suite à la déclaration de Donald Trump le 8 mai dernier, les États-Unis ont annoncé leur retrait de l’accord sur le nucléaire iranien. Celui-ci s’accompagne d’une volonté de faire peser à nouveau des sanctions économiques américaines sur l’Iran. Déjà lourdes à l’époque, elles pourraient atteindre des niveaux historiques selon la récente déclaration de Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine.

En toute logique, étant imposées par les États-Unis, ces dernières n’auraient donc dû concerner que les entreprises américaines. Néanmoins, c’était sans compter sur une pratique – devenue presque une coutume à force d’usage – d’extraterritorialité autoproclamée du droit américain. Elle s’applique ainsi à toute entreprise possédant une filière aux États-Unis, effectuant des transactions en dollars ou utilisant des fournisseurs d’accès internet américains. Cette pratique, qui n’a par ailleurs aucune base légale internationale, se fonde sur le « Foreign Corrupt Practices Act » de 1977. Les entreprises concernées par ces sanctions ne sont dès lors plus seulement des entreprises américaines mais bien toutes les grandes entreprises qui « seront tenues responsables » de toutes transgressions, toujours d’après la déclaration de Mike Pompeo. Un délai de 6 mois a été accordé par le gouvernement américain pour leur permettre de se retirer d’Iran. Passé ce délai, de « sévères conséquences » pourraient être appliquées.

Ainsi des groupes tels que Total ou ENGIE ont déjà annoncé leur retrait d’Iran, tandis qu’Airbus se voit retirer son autorisation de vente d’une centaine d’appareils, dont le montant s’élevait à 20,8 milliards de dollars.

Face à ces attaques économiques, la France et l’Union européenne déclarent avoir une réponse adéquate. Jean-Yves Le Drian a ainsi déclaré son intention d’activer un mécanisme financier européen voté le 22 novembre 1996. Ce règlement de protection, déjà adopté lors de la mise en place des sanctions américaines envers Cuba, l’Iran et la Libye, prévoit un processus permettant aux entreprises européennes (entre autres) de se soustraire aux effets négatifs d’une loi étrangère. Ce dispositif réglementaire permet également aux entreprises européennes de demander réparation en cas d’atteintes graves à leurs intérêts. Toutefois, il ne fut jamais appliqué, son vote ayant poussé les États-Unis à renégocier avec l’Union européenne les sanctions économiques envisagées.

Il apparaît donc que le chef de la diplomatie française semble convaincu que la menace d’appliquer ce règlement protègera les entreprises européennes et leur permettra de continuer leurs affaires en Iran.

Cependant, l’article 5 de ce même règlement dispose qu’une entreprise européenne peut être amenée à se conformer à une loi étrangère dans le cas où un refus de conformité « léserait gravement ses intérêts ». Le texte ne comporte donc aucune référence précise, et laisse au juge ou à l’entreprise l’appréciation de ce que représente une atteinte grave à ses intérêts.

Or, l’exemple de la société Alstom, condamnée par le « Department of Justice » à payer une amende de 772 millions de dollars pour une affaire de corruption, donne une bonne idée des conséquences envisageables en cas de transgression des sanctions imposées. De plus, si l’on s’en tient aux pratiques américaines dans ce genre d’affaires, les sanctions pourraient se manifester sous la forme d’une interdiction d’entrer sur leur territoire, d’emprisonnement pour les ressortissants de l’entreprise, d’interdiction de commercer sur le territoire ou encore de sanctions pécuniaires. À l’époque, la société Alstom n’était pas en mesure de payer l’amende sans compromettre gravement son intégrité, et aurait donc rempli les conditions pour ne pas se conformer au règlement européen. Ce cas de figure pourra donc concerner toutes les entreprises européennes qui, comme l’a annoncé Total, ne se risqueront pas à s’exposer à de telles sanctions.

Dès lors se pose la question de l’efficacité de l’instauration d’un tel règlement. En effet, si en 1996 le simple fait de le voter avait entraîné une remise en question du bien-fondé des sanctions américaines, il parait idéaliste de se reposer entièrement sur un règlement n’ayant jamais été appliqué. D’autre part même si ce dernier était adopté et appliqué, l’article 5 exclurait d’office de grandes entreprises telles que Total, Airbus ou encore Renault, qui seraient alors obligées de se conformer à la loi américaine, rendant ainsi le règlement inopérant car vidé de sa substance.

Hugo Contard