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[JdR] Ambitions et faiblesses de la nouvelle zone de libre échange africaine : la ZLECA

La Zone de Libre Échange Continentale Africaine (ZLECA) a été symboliquement lancée le 7 juillet à Niamey, au Niger. L’accord vise à dynamiser les échanges en Afrique par la mise en place d’une zone de libre-échange. Cependant, des obstacles nuisent à la mise en place de la ZLECA à l’échelle continentale : les structures régionales et bilatérales entrelacées, les carences infrastructurelles et les 36 monnaies utilisées en Afrique entravent cette initiative.

À l’ouverture du sommet de lancement, Mahamadou Issoufou, président du Niger, a déclaré « l’entrée en vigueur de la ZLECA est l'événement le plus important dans la vie de notre continent depuis la création de l’OUA (Organisation de l’Union Africaine) en 1963 et sa transformation en Union Africaine. »

De fait, la ZLECA est un accord de libre-échange adopté par 54 États africains, l’Érythrée étant encore en négociation, et ratifié par 22 États depuis avril 2019 ; le quorum qu’il fallait atteindre pour que l’entrée en vigueur soit effective.

Alors que le continent enregistre 54% de ses échanges avec l’Amérique du nord, 59% avec l’Asie et 69% avec l’Europe, elle ne totalise que 17% des échanges intra-africains et représente moins de 17% du PIB mondial. C’est fort de ce constat que l’Union Africaine décide de mettre en place une zone de libre-échange continentale. L’objectif est la suppression des barrières douanières et non tarifaires et la libre circulation des personnes et des capitaux.

Ainsi, la mise en place d’une telle zone permet aux parties prenantes d’espérer un apaisement des tensions, et de devenir un des plus grands espaces de libre-échange à l'échelle mondiale. Le continent comptant plus d’1,2 milliard de consommateurs, sa mise en œuvre a pour ambition de stimuler le commerce intra-Africain et l’augmenter à près de 60% d’ici 2022, attirer les investisseurs qui veulent bénéficier du marché unique et d’atteindre un PIB de 2500 milliards de dollars.

Toutefois, la réalisation d’un aussi grand projet doit prendre en compte un certain nombre d’éléments qui risquent soit de le retarder, soit d’empêcher que la libre circulation soit optimale.

 

De l’harmonisation des règles communes 

Le continent Africain compte plus de 14 Communautés Economiques Régionales (CER). Certaines sont avancées et enregistrent un taux élevé d’intégration tandis que d’autres restent à l’état embryonnaire. Pris dans son ensemble, ces CER ne semblent pas avoir eu un réel effet sur le développement du commerce à l’échelle du continent. 

Par ailleurs, l’adhésion et la ratification d’un accord régional astreint au respect préférentiel des termes de cet accord et obligent les États membres à faire des contributions. Cependant, certains d’entre eux sont membres de plusieurs communautés régionales conduisant ainsi les structures régionales et bilatérales à s’entrelacer « comme des spaghettis dans un bol » pour reprendre l’expression de Jadish Bhagwati.

Il devient donc impératif pour le succès de la ZLECA que l’Union Africaine coordonne et harmonise la structure communautaire et économique, qu’elle élabore le droit des affaires commun, qu’elle définisse les règles d’origine et précise le pourcentage d’intrant dans le processus de fabrication qui permet de définir un produit comme étant éligible : si tant est que le principe est de favoriser « le made in Africa. »

 

De la construction et la réhabilitation des infrastructures

Le continent Africain compte moins de 28% de réseau routier bitumé. Les chemins de fer sont peu renouvelés et pour la plupart obsolètes. Pour ce qui est du transport aérien il coûte toujours plus cher de voyager entre pays du continent que de voyager hors du continent.

De fait, selon certains analystes, l’ensemble de ces voies de communication est resté pour la plupart tourné vers l’exportation hors du continent.

Par ailleurs, on constate une crise énergétique flagrante sur l’étendue du continent malgré le fort potentiel qu’il détient. Ainsi, même dans les deux premières économies du continent, à savoir l’Afrique du Sud et le Nigéria, les coupures d’électricité répétées entament fortement le processus d’industrialisation.

L’atteinte des objectifs de la ZLECA exige que l’Union Africaine se penche sur le développement des voies de communication entre les Etats au sein du continent pour que la circulation soit rapide et à moindre coût. Le développement et la construction d’un grand réseau énergétique moderne apparaissent également comme une thématique importante, ainsi que la diminution des fractures numériques. 

 

De l’unité de compte et du développement du marché financier

Le continent Africain compte plus de 36 monnaies distinctes chacune usitée dans sa zone d’acceptation et certaines n'étant pas convertibles avec les autres monnaies du continent. Cet état de fait contribue également à l'augmentation du risque de change et à la multiplication des coûts de couverture.

Toutefois, ce problème peut être résorbé si l’Union Africaine met en place une Unité de Compte Africain (UCA) qui a pour objectif de limiter les fluctuations des cours de change entre les pays membres. De fait, il ne s’agira pas d’une monnaie mais d’un panier de valeur des différentes monnaies.

Par ailleurs, la mise place et l’optimisation de la ZLECA nécessite des fonds importants. La Banque Mondiale relève d’ailleurs que d’ici à 2020, l’Afrique aura un besoin annuel de 90 milliards de dollars par an, nécessitant donc de gros investissements. Même si les banques comme Afreximbank sont très engagées à accorder des financements à l’Afrique, la plupart d’entre elles n’accordent principalement que les crédits à court et moyen termes alors que le besoin de financement porte ici sur le long terme.

A ce titre, le développement de la culture de la finance directe et l'intégration de différents marchés financiers constituent des enjeux importants pour le développement de l'économie africaine. 

Alban Kouakam Wahane