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Ethiopian Airlines, une arme au service du développement de l’Éthiopie

Avec une population de plus de 109 millions d’habitants et un PIB 84,356 milliards de dollars, l’Éthiopie utilise sa compagnie nationale classée meilleure compagnie africaine, meilleure Business Class et Economy Class d’Afrique selon le classement Skytrax, comme un outil de développement au service de sa croissance.

Avec plus de 81 pays desservis, la compagnie Ethiopian Airlines (ETH) est parvenue à se hisser à la 5ème place des compagnies aériennes ayant le plus de destinations au monde. Présente en Afrique, en Europe, en Amérique, au Moyen-Orient et en Asie, elle dépasse les grandes legacy (Air France, British Airways, Lufthansa), mais aussi les compagnies du golf sur ce point. 

Un lent réveil 

Créée dans les années 1940, Ethiopian Airlines (ETH) est une entreprise publique, propriété du gouvernement éthiopien. La compagnie se développe lentement et se concentre sur la région proche de l’Éthiopie avec des liaisons vers Nairobi et Bombay ainsi que vers La Mecque et Djeddah dans le cadre de pèlerinage. C’est à la fin des années 2000 que la compagnie se développe significativement par la signature d’accords de partages de codes, et les vols long-courriers. En 2012, elle ouvre son deuxième hub à l’aéroport international de Lomé-Tokoin au Togo et y propose depuis peu une liaison vers New-York. Au cours de l’exercice fiscal de l’année 2018 – 2019, ETH a dégagé un bénéfice net de 180 millions de dollars pour un chiffre d’affaires de 4 milliards de dollars.

 

Une vision stratégique 

Située à plus de 6 heures de vol de Dehli, environ 7 heures de Paris et plus de 10 heures de Pékin, ce carrefour est idéalement placé entre l’Asie et l’Europe. Du fait de sa position géographique, l’Éthiopie veut jouer le rôle de nouveau hub mondial. La stratégie d’Ethiopian Airlines vision 2025, fixe comme objectif de « devenir le groupe aéronautique le plus compétitif et leader en Afrique, en fournissant des services de transports de passagers et de fret sûrs, axés sur le marché et axés sur le client, la formation en aviation, la restauration en vol, le MRO (soutien et maintenance des pièces aéronautiques) et les services au sol d’ici 2025 ». Cette vision est atteinte avec près de 5 ans d’avance. 

Cependant, ETH est cliente du Boeing B737 MAX, elle est contrainte de le clouer au sol suite au crash d’un de ses avions ayant causé la mort de 157 personnes le 10 mars 2019, ce qui la pénalise dans son expansion. Le poids d’Ethiopian Airlines en nombre d’appareils est également à relativiser par rapport à ses rivales. La compagnie africaine possède une flotte  aérienne de 104 appareils tandis que Qatar Airways compte un peu plus de 230 appareils, Emirates près de 270 et Turkish Airlines un peu plus de 300.

 

Relié par voie ferré à Djibouti, port très important de cette région, mais n’ayant pas d’accès à la mer, l’Éthiopie se tourne donc vers l’alternative du transport de fret aérien. L’inconvénient du transport de marchandises par voie aérienne est son coût élevé par rapport au transport maritime. C’est donc un moyen de transport privilégié pour les biens de valeurs demandant une disponibilité rapide ou étant périssables rapidement. La première compagnie d’Afrique, est devenue un acteur majeur dans le transport de passagers, mais aussi dans celui du fret. En 2014, elle a signé un accord avec DHL Global Forwarding pour former une coentreprise spécialisée dans la logistique de fret en Afrique, basée en Éthiopie. 

De plus, elle possède un nombre important d’avion-cargo grande capacité. Notamment 10 Boeing B777-200LRF (avion-cargo grande capacité ayant une charge utile avoisinant les 100 000kg) et 2 Boeing B737-800F de plus faible capacité, essentiellement utilisés pour des liaisons continentales de faibles distances. Cette capacité de transport de fret est un atout essentiel face à ses concurrentes africaines et celles du golf. 

 

Une autre volonté de l’Éthiopie est de faire d’Ethiopian Airlines l’acteur incontournable de la MRO (Maintenance, Repair, and Operations). La MRO cible le soutien et la maintenance des pièces aéronautiques. Ethiopian Airlines pourra réparer et effectuer la maintenance de ses propres appareils, mais aussi ceux d’autres compagnies. 

 

Une porte d’entrée devenue trop petite

L’Éthiopie se positionne en alternative de plus en plus crédible face à Doha et Dubaï. Plaque tournante des transferts vers l’Afrique pour les passagers long-courriers, Addis-Abeba a dépassé Dubaï en 2018 comme porte d’entrée du continent africain. La simplification des demandes de visa avec la mise en place par Internet de la procédure d’E-Visa a participé à cette croissance.  Malgré les récents travaux d’expansion qui ont porté sa capacité à 22 millions de passagers par an, la saturation imminente de sa base principale sera inévitable. L’aéroport international d’Addis-Abeba Bole est devenu trop petit pour suivre ses ambitions. 

Pour faire face à cela, l’Éthiopie a annoncé la construction d’un nouvel aéroport d’une capacité de 100 millions de passagers par an. Fortement tourné vers l’international, ce projet en gestation depuis quelques années, sera supérieur à l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle et ses 79 millions de passagers. Mais face à ces annonces, il est important de rappeler que l’Éthiopie est déjà engagée sur de nombreux chantiers d’infrastructures (ligne de chemin de fer, tramways) et accumule déjà les emprunts étrangers. Entre 2006 et 2015, la Chine lui a prêté 13 milliards de dollars, en échange de l’octroi de licences pour des projets d’investissements. En juin 2018, elle a aussi reçu trois milliards de dollars des Émirats arabes unis pour financer des investissements. Avec une dette publique s’élevant à 61 % (selon la Banque mondiale) et son risque de surendettement restant très élevé. 

En outre, Ethiopian Airlines est encore très loin des standards de qualités et de services imposés par les grandes compagnies asiatiques et du Moyen-Orient, n’étant classée qu’à la 44ème place des meilleures compagnies mondiales. 

Camille Ouya