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Les acteurs en pôle position pour la ruée vers l’espace

Au sein de ce club très fermé des puissances spatiales, les États-Unis d’Amérique ont une nette avance. Premièrement, car, ils héritent d’une stratégie d’accaparement des ressources qui leur a permis d’asseoir une domination sans précédent sur la planète. Deuxièmement, par ce qu’ils possèdent une avance technologique et financière considérable. Cependant, ils devront trouver des partenaires pour les appuyer.

La valeur de l’astéroïde « 16psyché » est estimée comme bien supérieure au PIB mondial. Dès lors, il est aisé de comprendre l’activisme des États-Unis et de la Chine qui lorgnent sur l’infinité des ressources spatiales. Comme pour la ruée vers l’or, la ruée vers l’espace obéi à la règle du « premier arrivé, premier servi ». Dans cette course, Washington possède des années d’avance sur ses partenaires européens, mais également sur ses rivaux russes et chinois.

Les acteurs étatiques de la conquête spatiale

La conquête de l’espace est née de la confrontation entre l’URSS et les États-Unis d’Amérique. Elle est le résultat des apports de la technologie du missile et de la bombe nucléaire. Aujourd’hui, Il existe peu de puissances spatiales autonomes. Les spécialistes en denombrent : Les États-Unis, l’Europe par l’intermédiaire de l’agence spatiale européenne (ASE), la Russie, le Japon, la Chine et l’Inde. Quatre autres pays ont des capacités autonomes segmentaires : Israël, la Corée du Sud, le Brésil et l’Iran. Un bref aperçu des différents budgets indique clairement quelle entité étatique domine sans contestation l’espace exo-atmosphérique. Ainsi le budget de la NASA est trois fois supérieur au second (celui de l’ASE) et sept fois supérieur au troisième, celui de Roscosmos (Russie). Au regard de ces chiffres on comprend l’initiative russo-chinoise devant les Nations-Unies afin de ralentir l’accroissement de l’avance prise par les Américains.

 

En effet, depuis longtemps la conquête spatiale occupe une partie des réflexions stratégiques américaines (« projet Star Wars » administration Reagan, crainte d’un « Pearl Harbor spatial » D. Rumsfeld). Ainsi, dans l’espace comme sur Terre, les rapports de force sont les mêmes. En janvier 2007, la Chine a abattu son vieux satellite météorologique Fengyun-1C prouvant ainsi sa capacité de frappe exo-athmosphérique. En 2008, le Pentagone répliquera par un tir similaire.

La culture de conquête américaine résultat de la collusion entre le public et privé

Dans quelques décennies, un ouvrage semblable à celui de l’« Or noir, la grande histoire du pétrole » pourrait voir le jour. Dans ce livre, le lecteur pourrait découvrir comment les États-Unis ont appliqué leur méthode de conquête, qui avait fait son succès au temps du pétrole, aux ressources extra-terrestres. Cette méthode consiste à laisser le secteur privé opérer pour conquérir des gisements plutôt que la force publique. Ainsi les États-Unis d’Amérique colonisent d’abord par le biais d’entreprises innovantes et conquérantes, que l’appareil d’État américain va ensuite soutenir pour maintenir l’avantage. L’évidente collusion entre la CIA et l’industrie américaine du pétrole, dont la famille Bush est un bel exemple (cf. ouvrage précité), nous donne un aperçu du dévouement de l’appareil d’État et des compagnies américaines pour assurer la réussite de leur mariage.

En ce qui concerne les gisements extraterrestres, les entreprises innovantes et conquérantes sont actuellement en gestation sur le territoire américain au sein du « New Space ». Cet anglicisme désigne l’industrie spatiale d’un nouveau genre née aux États-Unis. Le cadre juridique américain est adapté pour permettre aux activités spatiales commerciales d’accroître l’accessibilité et l’attractivité de l’espace pour les États-Unis. Cela se traduit par la privatisation de l’espace et l’arrivée dans la conquête spatiale des mastodontes américains (notamment les GAFA) et d’entreprises innovantes de la Silicon Valley, Space X en tête. Ainsi, il se trouve que l’appareil d’État américain couve déjà depuis une décennie les futurs « majors » de l’espace. Cependant, des doutes existent quant à la capacité des Américains à pouvoir se passer de partenaires.

La nécessité pour les États-Unis de se trouver des partenaires

Le cadre juridique de l’espace est certes incertain. Pour autant, si les Américains décident de s’arroger les ressources extraterrestres cela porterait atteinte aux principes du droit international selon lesquels ces dernières sont le patrimoine commun de l’humanité. En perte de puissance depuis une dizaine d’années, les États-Unis ne peuvent pas prendre le risque de se mettre à dos la planète en s’accaparant les ressources extraterrestres. Ce d’autant qu’un front sino-russe existe déjà pour contrer l’avance américaine et se tient à l’affût. L’Europe – la France en tête – pourraient  être des alliés essentiels sur ce front. À cet égard, ce serait l’occasion de construire une industrie et d’en faire un fleuron national comme le préconise la commission de la Défense nationale et des forces armées. Dans ce schéma prospectif le couple franco-allemand pourrait de nouveau se positionner en usant des ressources industrielles et techniques d’une Allemagne en avance sur ce terrain.

Indépendamment des risques juridiques, se pose la question du modèle économique. En effet, contrairement à l’exploitation des ressources sur terre ou sur mer, celles des ressources spatiales nécessitent des investissements titanesques. La mobilisation de capitaux privés pour une telle entreprise s’inscrit dans une démarche de spéculation et pas encore d’investissement. En conséquence, seule une entité alliant le public et le privé est capable de lever des fonds hors du système bancaire est aujourd’hui en mesure de financer la conquête spatiale. Pour cela, la NASA et SpaceX se sont associés afin de repérer des ressources et ainsi valider la rentabilité d’une telle entreprise. C’est dans ce cadre que 16Psyché a pu être évalué à 4000 quadrillions de dollars et sera approché dès 2026. Une telle promesse devrait attirer bon nombre d'investisseurs.

 

En outre, depuis décembre 2019 les États-Unis disposent d’une branche militaire spatiale. La nouvelle stratégie de défense spatiale du Pentagone non seulement dévoile que la Russie et la Chine sont surveillées, mais appelle également les partenaires des États-Unis à prendre leurs responsabilités dans la ruée vers l’espace. Si le Luxembourg est déjà prêt à accueillir des entreprises du secteur, aucune stratégie européenne ne se dessine.

 

 

                                                                                                                                                                                            Pierre-Guive Yazdani