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Vols de fret : impact de la pandémie de Covid-19 sur la sécurité du transport de marchandises

Compte tenu de l’augmentation constante de la valeur des flux de marchandises transportées autour du globe, l’accent mis sur la sûreté du transport de marchandises évolue progressivement vers une approche plus globale mais complexe. En 2020, la crise sanitaire de Covid-19 a encore mis davantage à l’épreuve la chaîne d’approvisionnement et a suscité de nouvelles inquiétudes quant aux problématiques sécuritaires des transporteurs de marchandises, notamment en ce qui concerne les vols de fret.

Selon un rapport du service d'information sur les incidents (IIS) de la Transported Asset Protection Association (TAPA) – association mondiale pour la sécurité de la chaîne d'approvisionnement – publié en octobre dernier, plus de 85 millions d'euros de marchandises ont été volées dans les chaînes d'approvisionnement d'Europe, du Moyen-Orient et d'Afrique (EMEA) au cours du premier semestre 2020. Et pour cause, alors que le monde était aux prises avec la pandémie de Covid-19, les réponses complexes et variables de la part des différents gouvernements et organisations ont provoqué des ravages sur la continuité de la chaîne d’approvisionnement. Les entreprises de transport, promesse de gains faciles et rapides, ont de fait été confrontées à une recrudescence des vols de fret. Les malfaiteurs, opérant de façon presque systématique en bande organisée, ont en effet profité de la volatilité de la chaîne d'approvisionnement pour voler du fret dans les ports, les entrepôts et relais routiers du monde entier. 

Ainsi, alors que les besoins en équipements de protection individuelle (EPI) tels que les masques et gels antibactériens étaient considérables, la convoitise pour ces articles rares, en réaction aux forces du marché, s'est également accrue. Parmi ceux-ci, on compte le vol de deux millions de masques de protection dans un entrepôt du nord-ouest de l’Espagne, le vol de millions de masques respiratoires dans une installation aéronautique au Kenya, ou encore le vol de 500 000 masques à la frontière franco-espagnole dans un camion à destination de la France… Soit autant d’incidents survenus malgré les restrictions strictes imposées sur tous les continents dans les premières semaines de la pandémie et qui ont élevé les pertes d’EPI à plusieurs millions d’euros pour le premier semestre de 2020. 

D'autres biens de consommation très demandés ont également été visés. Neuf catégories de produits ont en effet enregistré des pertes colossales selon la base de données IIS de TAPA, qui a enregistré 3 728 incidents de vol de marchandises au cours des 182 premiers jours de l'année 2020 : 

  • Ordinateurs/portables

  • Produits pharmaceutiques

  • Chargements entiers (vol de camion et/ou de remorque)

  • Tabac

  • Vêtements et chaussures

  • Téléphones

  • Nourriture et boissons

  • Cosmétiques et hygiène

  • Equipements de sport. 

A ce titre, Thorsten Neumann, président et directeur général de TAPA EMEA, a déclaré que ces vols, plus élevés qu'à l’accoutumée, suggéraient une forte présence du crime organisé avec des groupes volant « sur commande » des produits très spécifiques pour des clients du marché noir.

Les menaces entourant la distribution des vaccins du Covid-19

Alors que la course au vaccin du COVID-19 se poursuit, les systèmes de santé du monde entier sont désormais confrontés à la tâche complexe de la sécurisation de la distribution de leur vaccin. L’acquisition de quantités suffisantes n'est effectivement qu'un début ; les vaccins doivent ensuite être transportés en toute sécurité vers de multiples destinations et suivis à tout moment pour éviter toute falsification et garantir l'intégrité du produit à sa livraison. Sans un tel réseau en place, même le vaccin le plus efficace et le plus sûr ne sera pas viable.

Et pour cause, les groupes criminels impliqués, tels que la filière dite « jordano-chinoise » transformée en filière « Avastin », ont déjà montré par le passé leur capacité d'adaptation en profitant des faiblesses systémiques exacerbées par les crises pour intégrer leurs produits médicaux de qualité inférieure ou falsifiés sur le marché. De fait, en exploitant la corruption, le relâchement des contrôles et les défaillances des chaînes d’approvisionnement, ces réseaux de grande ampleur constituent une réelle menace. Ainsi, dans un contexte de forte demande et d'offre limitée, ajusté d’une forte médiatisation, les vaccins du Covid-19 n’échappent pas à ce risque et figurent à juste titre en première ligne. Leur livraison en toute sécurité apparaît dès lors comme la mission du siècle pour l'industrie mondiale du fret. Il n’est pas sans savoir que ce type de livraison à grande échelle et quasi simultanée va mettre à rude épreuve la demande de moyens de transport spécialisés, tels que les transporteurs aériens et routiers réfrigérés, qui sont déjà relativement peu nombreux. 

Anticiper et évaluer les risques pour sécuriser de manière proactive 

Les entreprises jouent un rôle de premier plan dans l'exécution de la sécurité de la chaîne d'approvisionnement. En effet, bien qu’aucune chaîne d'approvisionnement ne puisse être sûre à 100 %, la gestion des risques de la chaîne logistique est primordiale. Pour ce faire, les entreprises doivent examiner l'impact financier possible, la vulnérabilité relative de leur modèle économique et leur capacité à réagir face aux risques qui pèsent sur elles. Une approche à plusieurs niveaux intégrant les dernières technologies et des pratiques de base affinées, telles que la formation approfondie du personnel, peut ainsi contribuer à accroître de façon considérable la sécurité et la sûreté du fret. De plus, des investissements bien planifiés sont rentables non seulement en matière de prévention des pertes, mais aussi en termes d’amélioration des performances de la chaîne d’approvisionnement : 

  • Surveillance des sites, des itinéraires, des véhicules et du personnel par le biais d'escortes de sécurité et de caméras de vidéosurveillance

  • Suivi des marchandises par le biais d’étiquettes à fréquence radio (RFID) et codes-barres 

  • Suivi des véhicules par le biais de GPS et télématique

Sécuriser, tracer, optimiser : les entreprises se doivent de trouver la combinaison de mesures préventives et réactives permettant d’atteindre le niveau optimal de sécurité de la chaîne logistique. 

En réaction à cette situation préoccupante et d’ampleur inédite, des normes visant à renforcer la sécurité des marchandises, via une augmentation du nombre d'aires de stationnement sécurisées au sein de l’Union Européenne notamment, ont par ailleurs été établies par les institutions gouvernementales à l’été 2020.

Force est de constater que la pandémie de coronavirus de 2020, qui a apporté son lot de problèmes dans le monde entier, a mis en évidence la fragilité des chaînes d'approvisionnement mondiales, soulignant comment la défaillance d'un maillon de la chaîne peut entraîner des plus grandes menaces pour la sécurité et la résilience de l’intégralité de la chaîne logistique. Cette crise sanitaire a également mis en lumière les défis émergents et risques persistants qui sont susceptibles de jouer un rôle important dans l'année à venir, donnant le ton à un risque continu pour la sécurité de la chaîne logistique en 2021. Dans un contexte où de nombreuses entreprises ne cessent d’augmenter leur production et leurs expéditions à des niveaux jamais atteints auparavant, et où les EPI et vaccins sont des produits rares et très recherchés sur le marché noir, il convient alors d’adopter une approche plus proactive et préventive de la sécurité du fret. Instamment, gouvernements et entreprises de transport se doivent de revoir et réévaluer conjointement les mesures de sécurité des chaînes d’approvisionnement afin que les installations, les dispositifs de sécurité et les processus frontaliers soient prêts pour la tâche gigantesque et complexe qui fait face.

 

Salomé Blandel, pour le Club Sûreté de l’AEGE 

 

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