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Election présidentielle en Argentine, vers un tournant historique ?

L’Argentine à un tournant historique ?! Qui est Javier Milei, le candidat autoproclamé libéral-libertaire, au programme électoral à contre-courant ? Quels sont les enjeux géopolitiques de l’élection présidentielle argentine qui se tiendra le 22 octobre prochain ?

 

L’Argentine, un pays traditionnellement de centre gauche, connaît la poussée de l’extrême-droite conduite par Javier Milei lors des primaires à l’élection présidentielle. 

L’élection présidentielle argentine fonctionne sur un système de ticket : elle permet d’élire un président et un vice-président lors d’une élection uninominale à deux tours. Le premier tour de cette élection aura lieu le 22 octobre 2023. Toutefois, tous les candidats, quel que soit leur parti politique, doivent participer à une primaire commune qui permet de donner les noms des candidats de chaque parti. Ayant eu lieu le 13 août 2023, elle a donné les grandes tendances de l’élection présidentielle. Javier Milei, candidat unique de son parti d’extrême droite, est arrivé largement en tête des primaires avec plus 30 % des bulletins de vote. Il a devancé tous les autres partis politiques, y compris ceux avec plusieurs candidats. 

Javier Milei est un ancien économiste et homme politique se décrivant lui-même comme un libéral-libertaire. Il prône un retrait total de l’État des affaires courantes, souhaite supprimer la banque centrale argentine, et veut substituer le peso au dollar. Ce programme politique séduit la population dans un pays frappé par une violente crise politique et économique depuis plus de 20 ans. L’inflation annuelle avoisine les 100 % et la classe politique est gangrénée par les affaires de corruption. Les Argentins souhaitent donner un nouveau souffle à leur pays en renouvelant la classe politique, quitte à voter pour des candidats aux idées très radicales.

Le programme de Javier Milei s’inscrit à contre-courant de toutes les dynamiques mondiales : son programme économique s’inspire de l’École autrichienne : réduction du rôle de l’État avec la suppression de ministères, de la Banque centrale… Son programme social est quant à lui très conservateur : fin des aides sociales, interdiction de l’avortement, légalisation du port d’arme. Quelques propositions sont en dissonance avec le programme comme la légalisation de la vente d’organes. Mais c’est là ce qui fait bel et bien « l’atypicité » de Javier Milei. Dans les faits, c’est la volonté affichée de Javier Milei de remplacer la classe politique et de retrouver une stabilité économique qui séduit majoritairement la population. 

 

D’un point de vue géopolitique, Javier Milei rompt avec la politique de ces prédécesseurs. Dans une interview, il a affirmé qu’il ne prônera pas l’idéologie communiste. Les relations avec la Chine, la Corée du Nord, le Venezuela ou encore Cuba se tiendront au strict minimum. Toutefois, libre au secteur privé de faire ce qu’il veut ! Javier Milei prend souvent, pour exemple, le modèle socio-économique américain. Ceci est à contre-courant total de l’entrée de l’Argentine dans les BRICS en août 2023. En effet, les BRICS défendent la fin de l’hégémonie américaine. Cette politique tenue par les BRICS implique une remise en question de l’ordre monétaire mondial centré sur le dollar. Javier Milei souhaite au contraire substituer le peso argentin par le dollar. Une décision pragmatique, car elle permettrait de limiter les conséquences sociales de la dépréciation du peso face au dollar, sachant qu’une majeure partie de la population utilise des dollars. Mais le signal envoyé au reste du monde est très fort : l’Argentine, nouvellement entrée dans les BRICS, remettrait sa politique monétaire entre les mains de l’oncle Sam. De la même façon, la réduction des fonctions de l’État aux pouvoirs régaliens et la privatisation de la majeure partie de l’économie est antinomique avec la vision des BRICS qui mettent en avant un État fort et souverain. 

La montée en puissance de Javier Milei n’est pas un phénomène national. Depuis quelques années, l’Amérique du Sud se laisse séduire par des candidats qui adoptent un style électoral proche de celui de Trump. Jair Bolsonaro avait fait basculer le Brésil en 2018, Nayib Bukele le El Salvador en 2019… Chacune de ces élections déstabilise la région et les rapports de forces régionaux. Les conséquences de ces jeux d’influence ont aussi des répercussions au niveau international, comme dans le cadre d’accords internationaux (ex : accord UE-Mercosur).

Pour le moment, rien n’est certain. Javier Milei n’est pas encore élu, bien qu’il soit favori dans les sondages. Et si tant est qu’il soit élu, encore faut-il qu’il puisse mener à bien son programme politique. Chose loin d’être gagnée, car en parallèle de l’élection présidentielle se jouent les élections législatives et sénatoriales. L’absence d’une majorité qualifiée dans une des chambres pourrait mettre en difficulté la concrétisation de son projet politique. Même si tout reste à écrire, cette mouvance politique interroge sur les conséquences internationales que peuvent avoir la polarisation de la vie politique argentine. 

L’élection du 22 octobre prochain nous montrera la voie que souhaite suivre le peuple argentin.

Etienne Lombardot

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