En février 2023, la multinationale américaine Flowserve a annoncé racheter l’entreprise québécoise Velan, spécialiste des vannes industrielles de haute technologie dans le domaine de la défense. Problème, cette transaction interroge sur l’avenir de Segault, PME tricolore détenue par le québécois depuis 2007, mais surtout fournisseur critique de Naval Group dans le domaine de la robinetterie nucléaire.
Fondée en 1921, Segault est spécialisée dans la tuyauterie conçue pour une utilisation dans des situations extrêmes depuis 1950. Entreprise stratégique critique pour la France et sa BITD – « clé de notre souveraineté » -, elle équipe les chaufferies nucléaires de l’ensemble des sous-marins lanceurs d’engins (SNLE) et du porte-avions Charles de Gaulle, ainsi que le parc nucléaire français. Elle fournit également, en robinetterie, près d’un quart des centrales nucléaires en service dans le monde. Malgré son rachat en 2007 par Veran, la société demeure encore française. Toujours localisée sur le territoire national, 25 % de son capital est détenu par Frédéric Ségault, l’un des descendants de ses fondateurs.
Si personne ne se préoccupait de la PME jusque-là, alors sous pavillon québécois depuis 16 ans, la récente annonce du rachat de sa maison-mère par Flowserve semble rebattre les cartes. Il s’agit d’une acquisition stratégique pour les États-Unis, qui mettent la main sur un important fournisseur pour les navires, sous-marins et porte-avions nucléaires de leur flotte. Mais alors que la direction de la multinationale a indiqué son souhait de maintenir les activités du siège social de Velan à Montréal, aucune mention n’a été faite concernant Segault, ne manquant pas de soulever quelques inquiétudes du côté de Bercy.
En effet, quid de l’avenir des chaudières nucléaires de la marine française dans le cas d’un rachat américain ? La sénatrice Marie-Noëlle Lienemann s’interrogeait déjà, en octobre 2022, des conséquences de la perte du fleuron Exxelia dans le cas d’une éventuelle détérioration des relations franco-américaines.
Quelques mois plus tard, il semblerait que le douloureux souvenir du passage de l’ETI sous giron américain ait laissé quelques traces au sein de l’État, celui-ci étant actuellement à la recherche de solutions made in France pour conserver Segault sous pavillon tricolore. Un plan serait également envisagé pour « dissuader les entreprises françaises participant à la dissuasion nucléaire de se faire acquérir par des fonds ou des entreprises étrangères ».
Déjà éprouvé lors de l’annonce du rachat de Photonis, l’exécutif a en effet la possibilité de bloquer le rachat des entreprises françaises dès lors qu’elles possèdent un caractère stratégique, par le biais du décret Montebourg. Reste à savoir quels fonds d’investissement seraient intéressés par le fleuron industriel.
En effet, le domaine de la défense connaissant certaines réticences quant à l’investissement, plusieurs fonds publics ont vu le jour afin de pallier ce manque et « soutenir le développement des PME d’intérêt défense », tels que Definvest ou encore Fonds Innovation Défense. Si ce dernier est plus orienté vers les entreprises développant des technologies duales innovantes, Definvest – quant à lui – est destiné en priorité aux entreprises disposant de technologies et de savoir-faire essentiels au système de défense national et serait donc le plus concerné pour soutenir Segault. Côté privé, le fonds de LBO Eiréné, récemment créé et entièrement dédié à la sécurité et la défense, pourrait également se positionner vis-à-vis de l’avenir de la PME.
Il s’agira de voir surtout si les offres proposées seront « à la hauteur » et si le cas Exxelia ne fera pas jurisprudence…
Sixtine de Faletans
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