Le Blog ie-lobbying a récemment mis en lumière un phénomène sur lequel il nous semble important de revenir sur ce blog. Aussi je remercie l’auteur, Pierre-Antoine, d’avoir abordé ce sujet.
Google et la eReputation variable du foie gras
La tonalité est, sur Internet, l’appréciation –positive ou négative – dégagée suite à une requête sur un moteur de recherche par exemple. C’est dans notre société un élément essentiel, qui a d’ailleurs donné naissance à une spécialité, la « eReputation », à savoir la réputation en ligne. Celle-ci peut concerner aussi bien des personnes que des marques ou encore des produits.
Il est intéressant d’analyser aussi les différences de perception selon que l’on recherche dans telle ou telle partie du Web.
Visiblement, alors que le foie gras jouit d’une tonalité positive dans le monde francophone, comme le souligne Pierre-Antoine, en revanche c’est loin d’être le cas sur le Web anglophone. L’expérience est simple et pourtant concluante. Il suffit pour cela de rechercher le terme « foie gras » sur google.fr (pour le web francophone), et sur google.com (pour le web anglophone). Le moteur de recherche Google étant de loin le plus utilisé, et la première page étant la plus consultée sur une recherche, on constate alors que des millions d’américains se renseignant sur le foie gras subissent une véritable « guerre de l’information ».
Des résultats largement différents selon l’emplacement de la recherche
Les premiers résultats renvoient principalement à des sites de défense des animaux, qui s’insurgent contre le gavage des oies. C’est le cas du site PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) qui consacre un article au sujet, avançant des chiffres peu appuyés, et proposant même une interview vidéo de Kate Winslet (spécialiste du foie gras, c’est bien connu), et invitant par la suite le lecteur à poursuivre son combat auprès de Roger Moore ! Parmi les autres résultats, on retrouve nofoiegras.org (dont le serveur héberge divers sites tels que « Animals, People and the Earth », « Action for Animals », « Adopt a Turkey » etc…). Côté vidéo, les résultats sont similaires. Sur google.com, la moitié des vidéos proposent aux américains de « découvrir la vérité » sur le foie gras français, mettant en avant ce qui est qualifié de « cruauté » envers les animaux. Du côté francophone, seul un documentaire traite du gavage des oies, les autres sont des recettes de cuisine.
La différence de tonalité est flagrante. On parle cuisine d’un côté, on dénigre de l’autre. Que les résultats ne soient pas exactement les mêmes est tout à fait logique. Ici en l’occurrence ils sont complètement différents, et très orientés, et nuisent assurément à l’image du foie gras tel qu’il est produit à l’heure actuelle. Resterait à savoir s’il ne s’agit pas même d’une attaque informationnelle, et à voir alors quelles groupes de pression, voire quelles industries, sont derrière ces attaques.
La nécessaire défense du foie gras
La réputation du foie gras n’est pas ternie que sur la Toile (dont l’influence est déjà essentielle). Les associations en question apparaissent également dans les journaux américains, et font connaître leurs revendications.
Alors que je rédigeais ce billet, un ami vivant à Atlanta m’a parlé d’une manifestation de protestation dans cette ville, devant un restaurant français. Plus largement, l’objectif affiché de cette manifestation était de soutenir la législation californienne de 2004 (l’association en question est basée à San Diego, Californie), qui doit aboutir à une interdiction de vente et de production – sous certaines conditions – en Californie d’ici à 2012.
D’aucuns peuvent y voir un engagement aux côtés des canards de M. Schwarzenegger, aidé par Paul McCartney qui lui aurait adressé une lettre à ce sujet. Toutefois, comme le souligne ce même article issu de « The Independant », le délai entre le vote de la loi et son entrée en vigueur (8 ans, entre 2004 et 2012) peut aussi être une occasion pour les producteurs locaux de négocier certaines conditions de production des foies gras et de bénéficier d’un avantage sur d’autres concurrents (les producteurs français par exemple) qui eux ne seraient tenus de respecter de nouvelles normes – ou en tout cas pas celles imposées par la Californie.
Il s’agit ici d’une simple hypothèse. Toutefois cela braque à nouveau le projecteur sur la nécessité de défendre l’image de certains produits, appartenant au terroir et qui risqueraient de pâtir d’images et de vidéos consultées dans le monde entier. Le lien entre la propagation de l’information, l’utilisation d’Internet comme vecteur de diffusion massif, et les comportements de la société civile (consommateurs, activistes, etc…) n’est plus à faire. Autant en être conscient.