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Mali et écoutes téléphoniques : réalité ou manoeuvre de désinformation ?

L’intervention militaire au Mali n’est pas sans faire couler beaucoup d’encre. Récemment des articles ont pointé du doigt des échanges d’information entre Vivendi et les services de renseignements.

Diffusée par Charlie Hebdo puis relayée sur internet, une rumeur fait état d’une potentielle implication du groupe Vivendi dans des opérations d’écoute et de localisation au Mali pour appuyer les opérations militaires au Mali.

De l’avantage économique au renseignement stratégique

Selon le journal Charlie Hebdo, l’Elysée aurait demandé au groupe Vivendi de retarder la cession de ses parts (53%) du groupe de télécommunication Maroc Telecom, jusqu’à la fin des opérations militaires au Mali. Toujours selon l’article, l’opérateur serait un enjeu stratégique pour les opérations de surveillance.  Il est vrai que Maroc Telecom possède différentes filiales dans le Sahel, qui lui permettent de couvrir une zone stratégique dans différents pays. En dehors des frontières marocaines, Maroc Télécom est présent au Gabon, en Mauritanie, au Mali et au Burkina Faso. Selon le PDG du groupe Maroc Télécom, dans les quatre pays, les résultats annuels tracent la route d’un succès encourageant pour d’autres investissements dans le continent.
 
Au Gabon, Maroc Télécom à travers sa filiale Gabon Télécom détient 32% du marché. En Mauritanie avec sa filiale Mauritel, le groupe possède 62% du parc du marché de Télécommunications. Au Burkina Faso, Onatel détient 46% du marché burkinabé. Finalement au Mali avec sa filiale Sotelma, le groupe possède  41,2% de part de marché.

Dans toute opération militaire, la gestion des réseaux de communication est déterminante. Celle-ci l’est d’autant plus lorsqu’il s’agit de combattre des mouvements insurectionnels tels que les djihadistes d’'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et du Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), dont la plus grande partie de ses membres ne dispose pas de téléphones satellitaires. Pour différents aspects de cette affaire, les suppositions de  coopérations de Vivendi sont réalistes cependant le contexte de leur révelation n’est pas sans susciter des questions.

Une cession de parts controversée

La supposée opposition de l’Elysée à la cession des parts de Vivendi, pour les informations que le groupe pourrait fournir via ses parts dans Maroc Telecom semble pour plusieurs raisons comporter des points d’ombres. L’opérateur Sotelma n’est pas l’unique opérateur présent au Mali. Orange détient une part non négligeable du marché des télécommunications au Mali via sa filiale Ikatel maintenant Orange Mali. Orange Mali est une  filiale de la Société nationale des télécommunications du Sénégal (Sonatel), qui appartient au groupe France Télécom. Selon le démenti officiel de Vivendi, Orange serait le premier opérateur au Mali, avec 60% de part de marché. Par ailleurs, la France entretient une coopération sécuritaire avec le Maroc qui se base sur le partage d’information pour combattre le terrorisme.

Un investisseur dérangeant 

Parmi les candidats potentiels au rachat des parts de Vivendi, sont présents différents investisseurs qui souhaitent investir ou augmenter leurs parts de marché sur le marché africain :

•    KT corp – 2 ème opérateur de Corée du Sud
•    Etisalat – opérateur des Emirats Arabes Unis
•    Qtel – opérateur du Qatar

D’après différentes sources, la société quatari aurait montré un vif intérêt pour Maroc Telecom et aurait même étoffé son offre. La prise de controle de Maroc Telecom par la société Qtel n’est pas sans poser de problèmes. Ceci s’explique notamment par la réticence marquée du Qatar vis à vis de l’engagement français et plus particulièrement sur ses  raids aériens au Mali. Autre supposition soulevée par différents spécialistes, il se pourrait que la diffusion de cette information ne soit qu’une manoeuvre informationnelle visant à déstabiliser Vivendi et Maroc Telecom qui représentent des concurrents de taille dans la zone.

Mythe ou réalité ?  Il apparait compliqué d’obtenir des réponses claires sur cette affaire. Cependant il est une réponse qui ne variera pas en fonctions des scénarios : l’économique est une arme et ceci d’autant plus en temps de guerre. Dans ce contexte la prise de particpation d’une entreprise étrangère dans le capital des entreprises doit s’accompagner d’une analyse poussée des enjeux géostratégiques sous-jacents.

Grégoire Selegny