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Point de vue: La stratégie dissymétrique des médias français dans le traitement du conflit israélo-palestinien

Vanessa Lahmy, juriste spécialiste des problématiques relatives aux Droits de l’Homme face aux conflits armés, nous livre son point de vue sur les enjeux du contrôle de l’information dans le cadre du conflit israélo-palestinien. Selon elle, si il existe une nette partialité dans le traitement des faits par la presse française sur l’Opération Bordure Protectrice débutée le 7 juillet 2014 opposant l’Etat d’Israël au peuple palestinien.

Certes, il ne s’agit pas ici d’ôter au journaliste la difficulté de son travail d’investigation et de recueillement d’une information juste et objective, de la même manière qu’il ne s’agit pas non plus de nier la possibilité qui lui est offerte de jouer un rôle critique en soulevant un certain nombre de questions. Mais sa fonction première n’est-elle pas justement de relater avec précision, neutralité et véracité le déroulement des faits dans leur intégralité, et ce d’autant plus en temps d’hostilités entre deux nations? La vérité, si elle est le nerf de la guerre, devient aussi sa première victime.

De la fabrication de l’information à la désinformation

Si le silence tue, la désinformation rend complice. A l’origine de cette éthique lacunaire, la position onusienne du « deux poids deux mesures » prise comme postulat. La conception discutable de l’ONU à l’égard du droit international retentit à l’échelle médiatique française, tant les termes juridiques employés, et l’idéologie qui s’y lit en filigranes, sont galvaudés. Ainsi, peut-on véritablement parler d’ « offensive » lorsque sont à l’origine de l’attaque terrestre l’enlèvement puis l’assassinat de soldats appartenant à l’armée ennemie ? Peut-on parler de « territoires occupés » lorsque la version anglo-américaine des Résolutions adoptées par l’AGNU mentionne le terme de « territoires disputés » ?

Le détournement des mots et leur utilisation à des fins politiques n’est pas sans conséquences. Si le droit à l’information existe bien en France, il ne peut s’exercer que par la sélectivité des messages et images véhiculés, faute de quoi ces-derniers deviendront instrumentalisés. Dès lors, a-t-on le droit, d’un point de vue déontologique, de déterminer l’oppresseur et l’opprimé en fonction du nombre de victimes qui ont péri dans un camp ou dans l’autre ? Peut-on délibérément omettre de préciser que des explosifs que l’on croyait déposés par l’armée israélienne dans des lieux protégés par le jus in bello et le jus ad bellum l’étaient en vérité par une faction terroriste du camp adverse ? La réponse est négative, une fois de plus.

La responsabilité médiatique dans l’aggravation de la rupture sociétale

Le constat selon lequel l’importation du conflit Proche-Oriental sur le sol français est une réelle conséquence de l’outrancière dérive médiatique s’impose désormais avec force depuis plusieurs années. Ainsi, l’engouement et la fascination que suscite ce qui n’est à l’origine qu’un « micro-confit » à l’échelle géopolitique justifient-ils la commission d’exactions envers un lieu de culte,  le boycott culturel et économique d’un Etat, voire beaucoup plus inquiétant et grave la perpétration d’attentats terroristes dans un métro parisien ou une école républicaine ?

S’il est heureux que les pouvoirs publics aient enfin intégré dans la conscience collective le danger et la perversité de l’amalgame, il en va désormais plus que jamais de la responsabilité de la machine médiatique, et particulièrement des journalistes « militants », de s’abstenir de toute disproportion et déséquilibre dans le traitement de l’information, et ce face à un conflit quel qu’il soit. Car exacerber le repli communautariste divise la Nation et ne peut aucunement aboutir au vivre-ensemble si cher à tout Etat de droit qui se respecte comme tel, au risque de se métamorphoser en machine de guerre.

Les Hommes ne sont pas les seuls acteurs de la guerre, les mots s’y invitent encore aujourd’hui aussi. L’Histoire ne nous a-elle pas déjà appris que « mal nommer les choses, c’est rajouter du malheur au monde » ?

Vanessa LAHMY

Titulaire d’un Master Droit international et européen d’universités françaises et anglo-saxonne, et diplômée de l’Institut des Hautes Etudes Internationales de Paris, Vanessa LAHMY a exercé plusieurs années en cabinets d’avocats où elle s’est spécialisée dans les problématiques relatives aux Droits de l’Homme et conflits armés.

Elle travaille actuellement en tant que juriste sur le développement des relations entre la Cour Pénale Internationale et l’Etat d’Israël à l’échelle onusienne.