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Bercy : Michel Sapin revient sur la pratique des groupes d’intérêt au sein du ministère

L’ancien ministre de l’Économie s’exprime sur l’influence des groupes d’intérêts au sein de l’un des plus puissants ministères français. Rappelant la nécessité des échanges pour la bonne pratique de Bercy, Michel Sapin met cependant en garde sur les risques d’influence sur la politique économique française et le besoin de transparence qui en découle.

Dans un article de la revue Pouvoirs consacré à Bercy, Michel Sapin s’exprime sur la pratique des groupes d’intérêt, les lobbies, au sein du ministère de l’Économie, qu’il a dirigé à deux reprises (lors du gouvernement Bérégovoy et du gouvernement Valls). Au-delà des caricatures communes de « forteresse verrouillée », de technocrates aveugles ou de lieu de rencontre des intérêts privés ignorant l’intérêt général, Michel Sapin s’exprime sur la nécessité d’ouvrir le ministère aux « vents extérieurs », mais d’en gérer les risques inhérents.

 

Gérer l’ouverture aux influences extérieures

L’ancien ministre rappelle la position particulière du ministère : institution étatique représentant l’intérêt public, mais devant être ouvert aux intérêts privés qui animent la vie économique et financière du pays, de l’Europe et du monde. De ce fait, Bercy, pour pouvoir agir de manière efficace, ne peut être fermé aux acteurs extérieurs et doit échanger avec tous : grand groupe ou petite entreprise, activité commerciale ou numérique, marché national ou international… Ainsi, le ministère rencontre régulièrement des comités, organisations patronales ou groupes de travail et ONG. Ceux-ci permettent au ministère, lors de la préparation de lois ou du budget, de profiter de leurs connaissances, d’avoir un éclairage particulier dans un domaine et de « prendre le pouls » des parties prenantes.

Afin de s’assurer de bonnes pratiques, l’ancien ministre recommande la transparence des activités, mais également que ce soit le ministère qui initie les contacts avec l’ensemble des acteurs, et non les groupes d’intérêts qui viennent à Bercy, notamment ceux avec les plus puissantes forces de frappe. En effet, selon Michel Sapin, les lobbies efficaces savent gérer l’influence sur plusieurs tableaux : au-delà de capacités d’argumentation face aux décideurs (dans l’administration ou la politique), le « lobbyiste » s’appuie sur des relais de poids pour répandre son argumentaire dans les médias spécialisés : radio, presse ou télévision. Efficace et puissante, cette stratégie permet ainsi d’avoir un appui extérieur lors d’échanges internes avec Bercy.

Prenant comme exemple les acteurs institutionnels français, il recommande également l’établissement d’une « transparence des agendas » pour les rencontres initiées par les lobbies, rendant publics ces échanges.

 

Une grande présence d’anciens parmi les « lobbyistes »

De plus, les groupes d’intérêt peuvent s’appuyer sur la présence d’anciens fonctionnaires en leur sein afin d’améliorer les interactions. L’ancien ministre donne l’exemple de l’Association française des banques dans laquelle ils sont présents en nombre. Citant également l’Afep (Association française des entreprises privées), il rapporte que cette dernière, très présente tout au long du processus de propositions de loi, s’appuie également sur son réseau d’anciens fonctionnaires pour interagir avec efficacité dans les couloirs de Bercy.

L’auteur le reconnait : une telle endogamie fait naturellement craindre le conflit d’intérêts. Cependant, Michel Sapin pense que ce n’est pas vraiment problématique, en ce que cela permet une ouverture sur les réalités du monde économique et un rapprochement des parties prenantes. Il faut en revanche être conscient de cette situation afin de ne pas être instrumentalisé par des stratégies d’intérêts privés. Il rappelle également l’importance de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, mais également la loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, plus connue sous le nom de Loi Sapin 2.

Selon l’ancien ministre, la rencontre entre Bercy et les groupes d’intérêt n’est pas un tort : la nécessité pour comprendre le monde économique et financier réel oblige à cette ouverture aux intérêts privés. Mais celle-ci doit être contrôlée, d’où l’importance pour le ministère de diversifier ses interlocuteurs et d’assumer la transparence de ses rencontres, cela afin de préserver l’intérêt général.

Valentin Maricourt