Attaques contre McDo : derrière ReACT, l’ombre sulfureuse du SEIU

Dans un article paru le 25 janvier, Alternatives Économiques a mis en avant un rapport publié par ReACT dénonçant le modèle économique et social de McDonald’s. Dans un droit de réponse, McDonald’s dénonce un ensemble de « contre-vérités et de fausses affirmations ». Ces méthodes douteuses invitent à s’interroger sur les liens de ReACT avec son principal financeur, le SEIU (Service Employees International Union). Cet important syndicat américain est en effet connu pour ses pratiques discutables.

Derrière ReACT, l’ombre du SEIU

ReACT, Réseaux pour l’Action Collective transnationale, se présente comme un « réseau de militants et de professionnels » né en 2010, soutenant « les personnes affectées par les abus de multinationales via la construction d’organisations locales et d’alliances transnationales ». Sa mission est d’appuyer « l’organisation des personnes affectées par ces abus à travers le monde, afin de construire un pouvoir social à même de défendre les droits et intérêts du plus grand nombre » (source bilan d’activité 2019). Derrière cette présentation se cache une officine spécialisée dans la conception et la conduite de campagnes de mobilisation contre des entreprises, financées en grande partie par des syndicats (64%) ou des fondations privées (32%).

Ce n’est pas la première fois que ReACT s’en prend à McDonald’s France, dans ce qui apparaît désormais comme une tentative de déstabilisation aux méthodes parfois discutables. Depuis 2016, le réseau mène des campagnes de déstabilisation contre la firme de restauration rapide : manifestations de salariés à Marseille, accusations de sexisme, et très récemment la publication du rapport Mc Profit. Pour mener cette « campagne McDonald’s », ReACT s’appuie en particulier sur le SEIU, puissant syndicat américain au budget supérieur à 300 millions de dollars. En 2016, c’est une première dotation de 23 083 euros qui a été versée en appui aux opérations contre McDonald’s. Le bilan d’activité 2018 de ReACT précise qu’à partir de 2019, « le soutien des syndicats va considérablement augmenter grâce au soutien du SEIU ». Le soutien du SEIU aux actions anti-McDonald’s de ReACT s’élevait alors à 45351 euros, au point de permettre au réseau de recruter quatre personnes à temps plein pour mener des actions médiatiques à l’encontre de McDonald’s en France. En 2019, une offre d’emploi précisait l’approche de ReACT: « sous la supervision de la chargée de campagne McDonald’s au ReAct, et en lien avec les autres organisateur.trices de la structure, l’organisatrice a pour mission principale de créer et d’animer un collectif d’équipières sur les questions antisexistes au sein des restaurants McDonald’s. Elle participe au renforcement de ce collectif et à son lien avec les organisations syndicales et se positionne comme support des travailleuses pour les accompagner vers une conduite autonome de leurs actions (source : offre d’emploi). »

Pourquoi un tel soutien de la part d’un des plus puissants syndicats américains ? L’engagement du SEIU contre l’emblème de la restauration rapide n’a pas attendu les campagnes de dénigrement de ReACT. Très engagé contre McDonald’s aux États-Unis, le SEIU a joué un rôle prépondérant dans la campagne orchestrée en 2012 par le mouvement « Fight for 15 », revendication de nombreux groupes, au premier rang desquels le SEIU, en faveur de l’augmentation du salaire minimum à 15$ de l’heure aux États-Unis. Le SEIU aurait ainsi dépensé entre 24 et 57 millions de dollars entre 2012 et 2014 auprès de l’entreprise de relations publiques Berlin Rosen pour laisser penser que le mouvement était issu des travailleurs. Pour le syndicat, l’idée est d’abord d’encourager les travailleurs du secteur de la restauration rapide à s’affilier au SEIU de façon à augmenter le nombre de cotisations. Mais malgré les dépenses engagées, le syndicat n’a pas réussi à augmenter son nombre d’adhérent, au contraire : entre 2012 et 2016, celui-ci aurait perdu environ 34 000 membres, selon Richard Berman, executive director du Center for Union Facts. Est-ce pour cette raison que le SEIU a étendu sa campagne contre McDonald’s outre Atlantique ? Libération évoquait en 2019 les campagnes de lobbying menées par le SEIU auprès de députés européens de La France Insoumise (LFI). ReACT avait alors servi d’intermédiaire. Dans la récente campagne menée contre McDonald’s, occupe-t-il aussi une place intermédiaire entre le SEIU et le géant de la restauration ? Au vu des financements dont bénéficie le réseau, un approfondissement des liens entre ReACT et le SEIU parait nécessaire. D’autant que le puissant syndicat américain est déjà connu en France pour ses méthodes peu scrupuleuses.

 

Le SEIU, un syndicat sulfureux aux méthodes discutables

 

Au-delà du rapport dont Alternatives Économiques s’est fait l’écho, la campagne orchestrée par ReACT contre McDonald’s, appuyée par des recrutements dédiés, s’est manifestée par plusieurs attaques coordonnées : mediatraining de « porte-paroles » dont certaines n’étaient plus salariées de la chaîne de restauration, création de comptes Twitter (comme le collectif « Mc Droits ») ou Facebook, affichage sauvage… Ces méthodes ne sont pas sans rappeler celles adoptées par le SEIU lors de campagnes antérieures. Le syndicat américain avait fait parler de lui il y a une dizaine d’années lors d’un conflit avec l’entreprise française Sodexo. Le SEIU avait alors orchestré une tactique agressive dite de « corporate campaign » visant à faire plier Sodexo, dans un contexte de lutte d’influence syndicale ayant pour but de récupérer l’ensemble de la représentation de l’entreprise. Les méthodes du SEIU avaient alors consisté à « convaincre les employés de crier à l’injustice dans des vidéos Youtube poignantes, créer des sites internet condamnant l’entreprise, (…) mobiliser les étudiants », rappelle Mediapart dans un article au titre évoquateur : « SEIU vs Sodexo : quand la frustration et l’appât du gain mènent à l’acharnement ». Face à ces méthodes d’intimidation, Sodexo avait décidé d’engager des poursuites contre le SEIU, en invoquant la loi RICO « contre les organisations corrompues et influencées par le racket » (Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act). Un accord avait par la suite été trouvé entre les deux entreprises.

 

Plus troublant encore, le SEIU a lui-même théorisé ces pratiques douteuses dans un manuel de 70 pages mis au jour pendant le procès l’opposant à Sodexo. Ce manuel détaille la façon selon laquelle des pressions extérieures peuvent s’exercer pour mettre en « péril les liens entre une entreprise et ses parties prenantes : employés, clients, financiers, politiques, créanciers », quitte à avoir recours pour cela à des « communautés pour atteindre l’image publique de l’entreprise » en l’accusant de « racisme, sexisme, exploitations de travailleurs immigrés ». Des pratiques peu scrupuleuses prônées par le principal financeur de ReACT, dont les récentes attaques contre McDonald’s semblent s’inscrire dans la droite ligne. En 2012, la National Union of Healthcare Workers n’hésitait pas à dénoncer une « culture de la corruption chez SEIU ».

 

SEIU, ReACT et ACORN : de discrètes liaisons dangereuses

 

ReACT serait-il dépendant de l’agenda politique du SEIU ? La similitude du mode opératoire utilisé dans la campagne contre McDonald’s semble l’attester. Mais il existe un autre point commun entre le SEIU et ReACT qui vient renforcer cette thèse. Il faut pour cela se tourner vers les liens qu’entretenait le SEIU avec le groupe ACORN, association internationale « de solidarité, de défense et d‘aide envers les personnes et les familles en situation de précarité ». Un article du Washington Post rappelait ainsi les liens étroits qui unissaient jusqu’en 2009 le SEIU avec ACORN : des liens financiers, mais également organiques. « Le fondateur d’ACORN, Wade Rathke, était membre du bureau du SEIU jusqu’en 2009 et a fondé deux antennes locales du SEIU à Chicago et à La Nouvelle Orléans ». De même, « Andy Stern,le président du SEIU travaillait au sein d’un groupe chargé d’aider ACORN à régler des problèmes financiers, après la découverte d’un détournement de fonds » en 2008… Pourquoi de tels liens entre le SEIU et ACORN ? Un article publié à la même époque sur Breitbart suggère que les méthodes douteuses du SEIU en matière de « corporate campaign » sont en fait inspirées par ACORN depuis les années 1990. « ACORN entraînait les organisateurs de SEIU, et le fondateur d’ACORN Wade Rathke supervisait l’organisation des campagnes nationales du SEIU ».

 

En 2009, face aux critiques, le SEIU avait été contraint de couper les liens l’unissant à ACORN. Affaiblie et discréditée après une série de scandales (notamment de détournement de fonds par le frère du fondateur), l’association avait fini par être dissoute, et ses branches locales se constituer en entités indépendantes. Douze ans après, il se trouve que ReACT lui aussi entretient des liens avec ACORN International, entité née de la dissolution d’ACORN. De quelle nature sont ces liens ? Le site de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme, elle-même donatrice de ReACT comme l’indique le rapport d’activité 2018 du réseau, indique que « Les méthodes du ReAct découlent de l’héritage historique du « community organizing » de Saul Alinsky et de « l’union organizing » développé aux Etats Unis par Cesar Chavez au sein de la National Farm Workers Association (NFWA), ou encore Wade Rathke au sein d’ACORN International. » Quant à ReACT, il reste discret sur ses liens avec l’association au passé sulfureux. La page de présentation en français du réseau évoque la « participation avec ACORN International à la construction d’un réseau panafricain d’organisations populaires ». Sa page anglaise classe sobrement ACORN International parmi « les amis de ReACT ». Il faut aller jusqu’à la page 27/38 du Bilan d’Activités 2019 pour apprendre que « ReACT fait partie du réseau ACORN International, avec lequel il contribue à développer le community organizing dans le monde. Les organisations démocratiques incubées par le ReAct s'affilient à la fédération d'organisations d'ACORN, pour un meilleur partage d'expérience et l'élaboration de campagnes communes. »

 

Dès lors, quel crédit apporter à l’attaque menée contre McDonald’s par ReACT ? Celle-ci s’inscrit dans la droite ligne des pratiques douteuses théorisées par ACORN et appliquées par le SEIU. Au vu des liens étroits unissant le SEIU et ACORN International à ReACT, il est difficile de ne pas mettre en doute le caractère désintéressé de ce dernier, dont les actions sont calquées sur l’agenda politique du syndicat américain. Les liens financiers et organisationnels unissant ReACT au SEIU laissent à penser que derrière celle qui se présente au public comme une ONG, se dissimule en réalité une officine prête à se vendre au plus offrant.

 

Caroline T