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« Notre mission est de redonner à l’événement sa juste proportion » Entretien avec Albéric Guigou de Reputation Squad

Très à la mode, l’e-reputation est devenue une composante à part entière de l’intelligence économique. De nombreux cabinets se sont ainsi spécialisés dans la maîtrise de l’information stratégique liée à l’identité numérique du client, individu ou personne morale

Parmi ceux-ci, il y a Reputation Squad qui propose une vision novatrice du concept. Co-fondateur et Directeur associé de Reputation Squad, Albéric Guigou a accepté de nous présenter sa vision de l'e-reputation et de l'évolution de la sphère numérique. Régulièrement consulté par les médias français et internationaux sur les questions et les enjeux de l’e-réputation et de la communication 2.0, Albéric Guigou supervise notamment les stratégies d’Influence, de Communication Corporate et de Personal Branding des dirigeants et des personnalités publiques pour Reputation Squad.

Сomment définiriez-vous l'e-reputation ?
Notre définition de l'e-reputation est originale. Pour nous, l'e-reputation est l'influence que produisent les informations disponibles sur internet sur la réputation d'un individu ou d'une personne morale. Autrement dit, c'est l'évolution de la perception d'un individu ou d'une marque par l'observateur. L'image n'est donc pas réduite à néant, elle est modifiée. L'e-reputation est bien  indissociable de la reputation, c'est la raison pour laquelle nous gérons les deux. C'est cette définiton particulière de l'e-reputation qui marque la spécificité de notre cabinet et qui nous rend unique sur le marché. Nous avons bien des concurrents par métiers comme les agences de relation presse ou les cabinets de lobbying, mais pas de concurrent direct sur notre modèle. Notre modèle est ainsi spécifique car nous employons des techniciens de la veille, des spécialistes des média-sociaux, des experts en gestion de crise et en propriété intellectuelle et des consultants qui gèrent la réputation du client au sens large. Nous gérons tous les leviers de la réputation du client et de son groupe.

L'e-reputation ne comporte-t'elle pas de risque de dérives ? Choisissez-vous vos clients ?
Pas vraiment, les mauvaises actions sont difficiles à dissimuler. Quand nous y faisons face, nous remontons à la source, nous démontons le dispositif. Certes, les dérives sont des réalités, mais ces réalités ne sont pas pertinentes au vue des risques encourus et de l'efficacité douteuse. Pour notre part, nous misons sur le discours et sur sa diffusion efficace par l'internaute sur le web.

Sinon, oui nous sélectionnons nos clients. Nous n'avons pas vocation à restituer un permis de nuire. En revanche, nous pensons qu'un individu n'a pas non plus à subir ad vitam aeternam un moment de son passé. Notre mission est de redonner à l'événement sa juste proportion. Beaucoup trop de gens sont résumés par les moteurs de recherche et le brouhaha médiatique. L'e-reputation est comme la réputation, elle est complexe. Elle ne doit pas être une simplification d'un individu. En venant nous voir, les personnes peuvent par exemple simplement chercher à pouvoir poursuivre une carrière sans être freinés constamment par le passé. Enfin, si nous redonnons sa juste proportion à l'événement, nous ne le faisons pas nécessairement disparaître.

L'e-reputation a-t'elle aujourd'hui une emprise  sur les politiques ?
Les hommes politiques sont plutôt sensibles au phénomène de l'e-reputation, même s'il y a plusieurs profils. Il y a les députés qui aimeraient y avoir recours, mais qui n'ont pas le budget, les hommes politiques âgés qui n'ont pas conscience des enjeux liés à l'e-reputation. De plus, les grandes figures politiques ont une réputation trop dépendante des médias traditionnels. Ils préfèrent jouer sur ces médias que sur le web. Ils ont tous des lacunes et ne profitent pas pleinement de la sphère numérique. Ils s'occupent à peine de leur e-reputation en français et pas du tout dans les autres langues, alors que cela s'avère essentiel. A l'heure de l'Europe et de la mondialisation, ce choix est une erreur et les politiques n'en ont pas conscience, contrairement aux personnalités du monde des affaires.

Si les hommes politiques sont de plus en plus sensibilisés à ces problématiques, va-t'on vers la création de cellules d'e-reputation au sein de l'Etat ou des collectivités locales ?
Je ne pense pas. La discipline de l'e-reputation ne doit pas être circonscrite à une cellule. Elle est dépendante de l'ensemble des auteurs du groupe de la collectivité locale. Elle doit être gérée par l'ensemble des services en étant coordonnée bien entendu.

Pour accomplir vos missions, vous devez appréhender le web social. Quel est votre rapport aux bloggeurs ? Et à Twitter, ami ou ennemi ?
Le bloggeur et le blogging sont une des pierres angulaires de notre stratégie. Nous les intégrons à notre dispositif d'e-reputation. Ce sont des relais majeurs d'influence. Ils n'ont certes pas les moyens des grands médias traditionnels, mais ils sont, eux, perçus comme objectifs et désintéressés par les internautes. Les bloggeurs profitent de la défiance grandissante vis-à-vis de la presse.

Quant à Twitter, nous nous en servons pour percevoir les signaux faibles par la veille stratégique. L'objectif est de décider ce que l'on doit faire avec le client. On étudie aussi les personnes qui sont derrière les comptes twitter et leur influence. Puis, nous diffusons notre « contre-information », soit sur Twitter, soit par les médias traditionnels, soit par les deux. Nous pouvons aussi choisir l'ignorance. Le principal est la rapidité de la prise de décision, car il est très facile de générer des bad buzz sur internet. Enfin, il est fondamental de comprendre l'écosystème du client et agir en conséquence. Nous avons des humains en face de nous, des gens derrière les comptes. Il faut les comprendre pour pouvoir agir.

Finalement, l'e-reputation n'est-elle pas une privatisation du soft power ?
J'adhère totalement à ce constat. D'ailleurs, nous sommes ambitieux et nous estimons aussi que l'e-reputation est bien un relai du softpower. Nous nous sommes déjà occupés de problématiques étatiques et nous faisons aussi de l'e-reputation pour des projets de très grande envergure. Or, nous sommes à une époque où les projets et le changement font peur. Recourir aux outils sociaux et au soft power est nécessaire pour contre-carrer les discours basés sur la peur.

Pour conclure, vous qui avez fait de l'identité d'un client votre métier, comment voyez-vous l'évolution de l'identité numérique ? Est-elle vouée à se fragmenter dans le cloud ?
Avec l'évolution du web, de plus en plus de données variées vont être distribuées sur le web. Mais la pluralité des données ne va pas fragmenter l'identité numérique. Bien au contraire, nous pensons chez Reputation Squad que cela va la compléter. L'identité numérique sera certes protéiforme, mais elle sera complète et complexe ; à l'image de notre identité réelle.

Interview réalisée par Pierre William Fregonese