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Le secteur du conseil en France, un exemple de résilience face à la crise

Comme l’ont révélé le journal le Canard Enchaîné et le site internet Politico.eu, le gouvernement a eu recours au cabinet de conseil américain McKinsey pour l’aider à gérer la crise du Covid-19. Alors que le secteur français du conseil connaît un formidable essor depuis plus de 15 ans, grâce notamment, à sa capacité d’innovation et de résilience, le mépris affiché par le gouvernement français montre que celui-ci n’a pas compris les enjeux de souveraineté économique. Il est d’autant plus inquiétant, que cela envoie un message négatif auprès des entrepreneurs français, qui sont moteurs d’emplois et de croissance pour l’économie française.

La masse salariale a toujours été pour une entreprise une variable d’ajustement permettant de maintenir la rentabilité demandée par les actionnaires. Les cabinets de conseil français ont bâti leur modèle économique sur ce constat. En effet les consultants, souvent très qualifiés, sont positionnés à des postes de cadres, tranche d’employés la mieux rémunérés en entreprise. L’organisation du temps de travail autour de projets d’entreprises a favorisé le développement des sociétés de conseil. Les consultants sont alors recrutés par les clients, pour une durée de projet déterminée à l’avance, ce qui permet à l’entreprise cliente de ne pas s’exposer aux risques de l’embauche. 

Le chiffres d’affaires des cabinets de conseils en France représentait 7,3 milliards d’euros en 2018. Ce chiffre est en croissance depuis 2013 et montre la place de plus en plus importante de ce secteur dans le tissu économique de l’Hexagone. Alors que la production industrielle était à l'arrêt dû au premier confinement, les entreprises actives dans le secteur du conseil ont su rapidement s'adapter pour préparer l’avenir et répondre aux urgences d’une clientèle variée. Pour les entreprises de conseil, la COVID-19 a entraîné, selon Consultor, une diminution de l’activité de 30 à 40% au premier semestre et 95% des cabinets et prestataires de services ont dû avoir recours au chômage partiel. Ils ne sont plus que 10% à le faire aujourd’hui. Selon SynteConseil, le syndicat professionnel représentatif des sociétés de conseil en France, l’impact financier devrait être de -11,4% et le secteur devrait observer une baisse des effectifs de 2% alors que de gros groupes industriels tels que Renault, Airbus, Valeo ou Elior ont d’ores et déjà annoncé des licenciements massif.

La France leader des Entreprise de Services Numériques (ESN)

Plusieurs segments composent le secteur du conseil : on y retrouve le conseil de stratégie ou conseil en Management, dont les leaders mondiaux (et en France) sont tous Anglo-Saxons. Enfin le conseil opérationnel dans lequel on retrouve notamment les ESN (anciennement SSII). Dans ce dernier secteur, des entreprises françaises ont su proposer des prestations de haut niveau pour faire partie aujourd’hui des leaders mondiaux. Capgemini, ATOS ou Sopra Steria sont aujourd’hui leader du marché français. Ils sont suivis par un grand nombre d’entreprises qui se développent de plus en plus à l’international. Si bien que Capgemini est devenu depuis le rachat d’Altran, un des leaders mondial du conseil en transformation digitale, un groupe pesant plus de 17 milliards d’euros de chiffres d’affaires. ATOS, anciennement dirigé par Thierry Breton, nouveau commissaire européen au marché intérieur, s'affirme comme le leader mondial de la transformation digitale. Les deux entreprises n’hésitent plus à apporter leur expertise sur le secteur du conseil en stratégie et ainsi à faire de l’ombre au Big Four

Résilience et innovation, caractéristiques majeures des cabinets de conseil 

En absorbant le risque d’embauche pour leur client ces entreprises représentent une véritable variable d’ajustement. A la fois à la baisse, pour réduire les coûts mais aussi à la hausse pour gagner en efficience. Le secteur, qui est ultra concurrentiel, a donc dû rapidement faire preuve d’innovations pour se développer. 

La baisse d’activité rapportée par Consultor montre que la crise sanitaire a eu un impact sur les prestations commandées par les clients. De nouvelles attentes ont émergé chez les clients, ce qui a obligé les acteurs du secteur à proposer rapidement des innovations afin de poursuivre leur activité économique. 

Parmi les nouvelles demande on retrouve : 

  • Élaborer un plan de retour physique au travail pour les salariés ;

  • Mettre en place un protocole de distanciation ;

  • Identifier et résoudre les problèmes de logistiques liés à la fermeture des frontières

  • Prévoir l’évolution de la demande dans les prochains mois avec l’éventualité de nouveaux confinements.

 

La flexibilité des consultants et de leur entreprises à dû être totale. Ainsi la gestion de la crise a été l’opportunité pour trouver des solutions et préparer l’avenir. Comme nous le confirme un associé de Davidson Consulting, « Le confinement nous a permis d’utiliser nos ressources humaines disponibles pour se former entre elles. Nous avons ainsi créé des formations pour nos consultants, pilotés par d’autres consultants. Ces formations donnent accès aux technologies d’avenir comme la 5G. Grâce à cela nous avons fait monter en compétence nos équipes nous permettant aujourd’hui d’être plus compétitif. Nous avons petit à petit rendu obligatoire toutes ses formations, ce qui nous permet aujourd’hui d’être précurseur sur un ensemble de sujets digitaux». Les consultants qui avaient perdu leur mission sont donc montés en compétences sur des sujets qu’ils ne maîtrisaient pas ce qui leur offre de nouveaux débouchés. 

Un Business model efficace par temps de crise

Résilient par sa nature le secteur du conseil l’a encore démontré depuis le début de l’épidémie de Covid-19. Plusieurs exemples viennent corroborer ce constat. 

Premièrement, la diversité de leur client permet à ces entreprises de basculer les ressources humaines d’un secteur à un autre. Aidé par le fait que les consultants sont par nature flexibles et à la recherche d’une diversité dans les missions. Deuxièmement, l'organisation logistique de ces entreprises est moderne et flexible. Un intervenant de CapGemini, sur ce sujet, explique comment son entreprise s’est adaptée à la crise : « Nos équipes souvent très jeunes sont à l’aise avec les nouvelles technologies. Le télétravail était déjà avant la Covid-19 une pratique courante. La manière dont sont organisées nos équipes chez nos clients, à savoir des projets avec des suivis quotidiens ou hebdomadaires suivant la « méthode AGILE » nous permet de nous adapter très rapidement. Nous avons pu garder une continuité d’activité sans changer l’organisation. »

En effet 73% des missions ont été maintenues et le secteur des nouvelles technologiques et du numérique notamment, est en pleine explosion pour faire face à la nouvelle demande engendrée par les confinements successifs. Cette capacité de résilience est plébiscitée par les clients, comme le confirme l’interlocuteur interrogé : « Notre rôle est de conseiller les clients. Dès le début de la crise nous avons été à même de leur apporter des solutions et de mettre à leur disposition des moyens importants pour la réussite des projets. Car un projet est une affaire de partenariat, sans l’accord de notre client nos consultants ne peuvent pas avancer donc nous avons tout intérêt à proposer des solutions et à s’adapter très rapidement ». Dans ce contexte de crise, les fournisseurs de services contribuent à l’évolution des mentalités et des pratiques du client, alors qu’en temps normal c’est l’inverse qui se produit.

Les entrepreneurs, un modèle pour la France ?

L’obtention par le cabinet McKinsey d’un contrat pour aider le gouvernement français à réaliser la campagne de vaccination contre le Covid-19 est un contrepied à l’innovation réalisée par tous les cabinets français depuis le début de la crise. Cette révélation n’a pas manqué d’interpeller un certain nombre de responsables politiques français. Le cabinet américain n’est pas le seul cabinet étranger à avoir les faveurs du gouvernement français. Accenture a notamment aidé l’État pour le « lancement, de l’enrichissement et de l’accompagnement de la mise en œuvre du SI [système d’information] vaccination» 

Alors que l’économie française subit de plein fouet la crise Covid-19, le choix d’entreprises étrangères pour piloter la stratégie gouvernementale interroge. Dans le contexte de guerre économique mondiale comment envisager qu’un gouvernement puissent être conseiller par des entreprises étrangères ? Alors que les entrepreneurs français doivent faire face à une récession nationale, quel est le message envoyé par le gouvernement ? Alors que les PME représentent un moteur d’emploi, il serait urgent que le gouvernement mette en place une véritable politique d’intelligence économique visant à collecter les bonnes pratiques afin de les redistribuer au niveau national. En favorisant des entreprises françaises le gouvernement français enverrait un message fort auprès des entreprises françaises et leur offrirait une chance dans la guerre économique mondiale.

 

Pierre Gonsolin

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