Le dernier rapport du CR451 décrypte la stratégie informationnelle déployée autour de la loi française de février 2025 sur les PFAS. Derrière une apparente bataille sanitaire, c’est un conflit narratif structuré qui a opposé ONG, industriels et institutions, dans une configuration typique de guerre cognitive appliquée à l’arène réglementaire.
Un affrontement asymétrique autour de la loi PFAS
Le 20 février 2025, la France adopte la loi n°2025-188 interdisant de nombreux usages des substances perfluoroalkylées (PFAS) dès 2026. Derrière ce texte, un affrontement peu visible a pourtant joué un rôle décisif : une guerre informationnelle menée sur les réseaux sociaux, les médias généralistes, les enceintes militantes et les arènes institutionnelles.
Le CR451, centre de recherche appliquée de l’École de Guerre Économique, a analysé ce conflit informationnel sur 18 mois (janvier 2024 – mai 2025), en s’appuyant sur des outils de veille et de cartographie (Gephi, Visibrain). L’étude distingue deux camps structurés : un front anti-PFAS (ONG, activistes, élus écologistes, journalistes d’investigation) et un camp industriel en position défensive (Arkema, Téfal, Veolia), appuyé par quelques relais médiatiques et scientifiques.
Un triptyque narratif militant : simplification, dramatisation, amplification
L’efficacité du camp anti-PFAS repose sur un triptyque communicationnel :
– Simplification : la formule « polluants éternels » impose une charge lexicale forte, effaçant la complexité chimique des PFAS.
– Dramatisation : le parallèle PFAS/amiante est mobilisé pour provoquer l’émotion et légitimer l’urgence d’une régulation.
– Amplification : les contenus militants, peu visibles en ligne de manière brute, bénéficient d’un fort relai par les médias (France 2, Le Monde, Libération) et les influenceurs écologistes.
Ce cadrage a permis de faire émerger une boucle auto-légitimante : les contenus des ONG ou de collectifs sont repris par la presse, cités par les élus, puis utilisés dans la justification législative.
Le camp industriel piégé par un framing adverse
Face à cette dynamique, les industriels sont restés prisonniers d’une logique technique : communication centrée sur la distinction PFAS/PFOA, langage scientifique peu accessible, absence de récit ou d’émotion. Aucun contre-discours structuré n’a émergé. Certains angles d’attaque – comme le financement opaque de certaines ONG ou l’émergence d’une écoanxiété – ont été totalement délaissés.
L’étude met en évidence un encerclement cognitif : les acteurs industriels ont échoué à imposer une représentation alternative ou à remettre en question la légitimité des narratifs adverses.
Capture institutionnelle et alignement sémantique
L’un des apports majeurs du rapport réside dans l’identification d’une capture institutionnelle. Plusieurs organes publics – ARS, DREAL, ministère de la Transition écologique – ont repris sans réserve les éléments de langage militants. Le terme « polluants éternels » apparaît même dans les documents préparatoires à la loi. Ce glissement sémantique marque une victoire symbolique décisive : celle de la grille d’interprétation imposée par les ONG.
Une guerre cognitive à l’échelle européenne
La dynamique s’étend au niveau européen via le Forever Pollution Project, une initiative transnationale à fort impact médiatique. Déployé dans cinq pays (Allemagne, Belgique, Italie, Espagne, Pologne), ce dispositif alimente les débats en cours sur les restrictions à l’échelle de l’UE.
La France, avec sa loi de février 2025, s’est positionnée comme avant-garde normative dans un contexte où d’autres pays attendent les arbitrages de l’ECHA. Le second acte annoncé par les militants – extension aux ustensiles de cuisine – témoigne de leur stratégie d’étirement progressif du périmètre de la lutte.
Conclusion : le récit avant la norme
Cette étude du CR451 révèle que la régulation des PFAS n’a pas été seulement le produit d’un arbitrage technique. Elle est le fruit d’un rapport de force symbolique et narratif. La loi est venue entériner un récit déjà solidement ancré dans l’opinion publique. Ce cas d’école illustre une réalité plus large : en matière de régulation, le vainqueur informationnel précède souvent le vainqueur juridique.
CR451, centre de recherche appliquée de l’École de Guerre Économique
Pour aller plus loin :