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La Chine face à la menace islamique : risque ou opportunité ?

La Chine réalise des investissements croissants dans des pays instables, en prise avec des organisations armées islamiques. Ce danger menace les intérêts économiques chinois, mais encourage la Chine à renforcer sa présence militaire étrangère et légitime la politique de répression menée sur son territoire.

Les conflits d’Irak et d’Afghanistan ont forcé l’ouverture de ces marchés à l’économie mondiale. La Chine en a largement profité en investissant dans le secteur pétrolier irakien. Néanmoins, le développement du terrorisme et notamment l’expansion de l’État Islamique (EI) constitue un danger pour ces investissements. Danger d’autant plus aigü que la Chine subit sur son territoire des attentas commis par des mouvements se réclamant de l’islam. Cette concordance entre les menaces intérieures chinoises et le combat mené par les puissances occidentales contre le terrorisme favorise un accroissement de l’engagement chinois à l’étranger, et ce afin de protéger ses intérêts économiques.

Le cas de l’Irak

L’Irak est d’une importance stratégique pour la sécurité des approvisionnements pétroliers destinés à l’économie chinoise. Depuis 2013, la Chine importe plus de la moitié de la production de brut irakienne. Petrochina, le numéro un chinois de l’extraction pétrolière, contrôle 37% des grands champs de Rumaila et Halfaya dans le sud du pays ainsi que le champ de Taq Taq au Kurdistan irakien. En 2013, le groupe chinois a fait l’acquisition de 25% du champ géant de West Qurna 1, considéré comme le second plus important gisement pétrolier au monde. La production cumulée de ces différents champs pourrait représenter à l’horizon 2020 plus de 10% des approvisionnements pétroliers chinois.

En outre l’Irak a un besoin considérable en termes d’infrastructure et de production d’énergie. Plusieurs groupes chinois ont déjà obtenu d’importants contrats, telle la « China Machinery Engineering Corporation » qui construit plusieurs centrales à travers le pays, notamment à Samarra et Najaf. L’Irak fait aussi partie du projet baptisé « Nouvelle route de la soie ». Le gouvernement chinois a débloqué 40 milliards d’euros afin de financer la construction d’infrastructures routières et ferroviaires supposées relier la Chine à la Turquie en traversant le nord de l’Irak.

Aujourd’hui le renforcement de la présence chinoise en Irak est directement menacé par l’avancée de l’EI. Ainsi, 1200 ouvriers chinois ont du être évacués de la ville de Samara et de nombreux projets ont été suspendus.

La perception chinoise de la menace islamique

Selon les médias, environ 300 ressortissants chinois combattent dans les rangs de l’EI, et de l’avis des autorités chinoises, il s’agirait d’Ouïghours, originaire du Xinjiang. Cette province (nord-ouest de la Chine) est une région à la population majoritairement musulmane. Cette région autonome est néanmoins en difficulté face à la Chine, qui tente de « siniser » la population en favorisant l’immigration de chinois de l’ethnie majoritaire (Han) et en étouffant les spécificités culturelles Ouïghours.

Cette politique engendre des tensions entre le peuple ouïgour et le peuple chinois. Ainsi, a été créé le Mouvement Islamiste du Turkestan Oriental (MITO). Cette organisation figure sur la liste officielle des groupes terroristes de la Chine, des USA et du Kazakhstan. En 2002, les Nations Unies ont classé le mouvement comme étant proche d’Al-Qaïda. Cependant, certaines études américaines estiment que la majorité des Ouïghours se désolidarise de ce mouvement, méconnu du grand public.

La Chine considère la population musulmane du Xinjiang comme présentant un risque pour la sécurité du pays. En 2009, de violentes émeutes ont eu lieu entre la population Han et les Ouïghours, conduisant à une répression sévère et à un blocage des communications et d’internet dans la région du Xinjiang. L’attentat de 2013 sur la place Tiananmen a également été imputé au MITO selon des responsables de la sécurité chinoise.

Depuis les attentats de 2001, la Chine a maintes fois essayé d’inscrire sa campagne contre les séparatistes ouïghours dans la guerre contre le terrorisme menée par les USA. Les autorités du pays ont déclaré, en mars dernier, avoir arrêté des Ouïhgours ayant séjournés dans des zones tenues par l’Etat Islamique. Pékin prend très au sérieux la menace de ce « djihad chinois » et a considérablement renforcé ses contrôles aux frontières.

Néanmoins,les spécialistes restent sceptiques quant à d’éventuels liens entre le MITO et l’EI, ce qui n’a pas empêché le gouvernement de Xi Jinping, depuis 2014, de renforcer la répression au Xinjiang, en multipliant la présence des forces armées dans la région autonome. 

L’Empire du milieu soutient le gouvernement central de Bagdad, étant lui-même confronté à une mouvance terroriste. Le mouvement séparatiste au Kurdistan a également un impact sur la répartition des intérêts pétroliers de la Chine, qui est historiquement opposée à une quelconque forme de séparatisme. En mars 2015, le ministre de la défense irakien a déclaré que la Chine lui aurait proposé une aide militaire pour faire face à l’avancée de l’EI. 

L’opportunité d’un renforcement de la présence chinoise à l’étranger

La Chine se veut une puissance pacifique et rétive au conflit. A l’ère de Xi Jinping, le pays reste attaché aux concepts de souveraineté, d’indépendance et de non-intervention dans les affaires intérieures des autres États. Cependant, depuis le début des années 2000, la Chine renforce sa présence militaire et culturelle dans des régions du monde où reposent ses intérêts économiques.

Le pays s’est en effet rapproché du Pakistan et ce pour répondre à deux impératifs, sécuriser ses approvisionnements en pétrole et construire une voie d’acheminement via les ports d’Oman et d’Iran. En outre, la Chine et le Pakistan collaborent dans la lutte contre les « trois fléaux » qui menacent le Xinjiang chinois, à savoir le terrorisme, l’extrémisme et le séparatisme. Ainsi, le Pakistan a acheté des chasseurs J-10 chinois et deux centrales nucléaires.

La Chine a développé un « hard power » afin de défendre sa souveraineté en mer de Chine méridionale et de faire pression sur Taïwan. Elle défend également ses intérêts économiques le long du collier de perles : en Somalie ou en Libye, où elle est intervenue respectivement en 2010 pour lutter contre la piraterie et en 2011 pour évacuer ses ressortissants. Par ailleurs, Pékin poursuit sa collaboration avec les Nations Unies en participant aux actions de maintien de la paix par l’envoi de Casques bleus, principalement en Afrique, où la Chine exerce des activités minières. Le pays est ainsi devenu un des plus grands contributeurs de Casques bleus parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU.

Enfin, le développement de l’armée chinoise laisse apparaître, aujourd’hui plus qu’auparavant, la volonté de la Chine d’être une puissance militaire régionale majeure et de protéger ses routes maritimes et aériennes pour l’approvisionnement des ressources énergétiques et matières premières. La Chine veut être capable de répondre à des attaques et pour cela elle développe fortement l’utilisation des nouvelles technologies, notamment informatiques, dans le domaine militaire.

La Chine utilise ainsi la menace terroriste pour s’imposer aussi bien économiquement que militairement. Dans la mesure où les USA et l’Europe renforcent eux aussi leurs politiques de lutte contre le terrorisme, il lui est aisé de s’imposer sans paraitre aggressive. Le développement de son appareil militaire laisse présager un élargissement de sa présence en dehors de ses zones d’action traditionnelles. 

Maxime Fernandez et Elodie Le Gal