[Rapport] Anticiper la désindustrialisation : un indice pour anticiper la désindustrialisation et réarmer l’intelligence économique territoriale

Face à une désindustrialisation persistante, le Centre de recherche appliquée de l’EGE propose un indice multicritère de risque pour détecter en amont les vulnérabilités industrielles. Une approche innovante d’intelligence économique au service de la puissance économique.

Désindustrialisation : un nouvel outil indispensable pour l’anticiper et l’éviter

Depuis trente ans, la France décroche. La part de l’industrie dans le PIB est passée de 17 % à 10 % entre 1995 et 2024, accompagnée de la perte de deux millions d’emplois (source : CR451, 2025). Malgré les signaux de reprise portés par France 2030, la dynamique globale reste fragile. Le CR451, centre de recherche appliquée de l’École de Guerre Économique, estime que les outils d’évaluation actuels, essentiellement descriptifs et « post mortem », sont inadaptés à l’anticipation des décrochages industriels.

Pour remédier à cette cécité stratégique, le CR451 développe un indice de risque de désindustrialisation, combinant neuf critères clé : positionnement stratégique, vulnérabilité technologique, politiques publiques, santé financière, fiscalité, gouvernance, emploi, ancrage territorial et image de marque.

Cette approche systémique vise à identifier les entreprises à risque avant qu’il ne soit trop tard — et à permettre une mobilisation coordonnée des acteurs concernés (État, collectivités, syndicats, investisseurs, experts, citoyens engagés).

Études de cas sur dix entreprises emblématiques représentatives des enjeux industriels actuels

La première phase d’analyse porte sur dix groupes industriels emblématiques : Alstom, Arkema, ArcelorMittal, Danone, Michelin, Renault, Sanofi, Seb, Schneider Electric, Valeo. L’objectif est d’identifier leurs fragilités structurelles sur la base d’un diagnostic multicritère. Ce travail préfigure un projet de mise en place d’un Observatoire national du risque de désindustrialisation, à horizon 2026.

Un indice de vigilance proactive et d’anticipation pour agir

Cet indice, dans sa conception, relève d’un changement de paradigme. Il rompt avec une logique d’intervention a posteriori pour inscrire la réindustrialisation dans une stratégie préventive. L’outil est aussi pensé comme un support d’aide à la décision pour les ministères concernés — Économie, Industrie, Transition écologique, Cohésion des territoires, Recherche. Il permettrait une meilleure allocation des aides publiques et une priorisation des actions en fonction de la criticité des signaux détectés.

Mais l’enjeu dépasse la simple planification industrielle. Il s’agit de réarmer la capacité française d’alerte face aux logiques de « désancrage » territorial, de délocalisation ou de fermeture et de dépendance stratégique. L’indice proposé devient ainsi un instrument d’intelligence économique, capable d’éclairer les rapports de force en amont, de détecter les fragilités d’un tissu productif et d’en informer les parties prenantes.

Le cas de Renault, qui a connu plusieurs vagues de restructuration, ou celui de Sanofi, régulièrement interpellé sur la relocalisation pharmaceutique, illustrent à quel point l’absence d’anticipation peut fragiliser la souveraineté industrielle. Dans ces situations, les signaux faibles — changement d’actionnaire, réduction de la R&D locale, cessions d’usines — étaient souvent visibles, mais n’ont pas déclenché de réponse coordonnée.

En lançant ce projet, le CR451 propose une lecture stratégique du risque industriel, croisant données économiques, signaux d’alerte et analyse des dynamiques territoriales. Il invite à une forme d’« hygiène de l’anticipation stratégique » face à la désindustrialisation, où l’information devient un levier d’action collective.

Malgré les discours volontaristes, la désindustrialisation risque fort de se poursuivre. Nous sommes là pour alerter et fournir des outils d’analyse concrets.

Élargissement de l’analyse à la rentrée 2025

À la rentrée 2025, le panel d’entreprises évaluées sera élargi et l’outil rendu davantage accessible aux acteurs économiques. Il pourrait alors devenir une référence dans les politiques de compétitivité, à l’instar des baromètres technologiques ou ESG. En France comme à Bruxelles, la désindustrialisation ne peut plus être traitée comme un simple symptôme économique : c’est un indicateur de vulnérabilité stratégique.

L’intégralité du rapport est accessible sur le site du CR451. Il est également présenté, avec ses études de cas, dans plusieurs vidéos disponibles sur la chaîne YouTube du CR451.

Arnaud de Morgny, directeur-adjoint du CR451, centre de recherche appliquée de

l’École de Guerre Économique

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