Les États-Unis annoncent un partenariat stratégique de 80 milliards de dollars autour de Westinghouse, visant à redéployer une industrie nucléaire nationale capable d’alimenter l’essor énergétique des data centers et de l’intelligence artificielle. Un tournant assumé vers une planification industrielle fédérale, alors que la France peine à coordonner État, industriels et capitaux privés.
Westinghouse au cœur du grand plan nucléaire américain
Washington annonce un plan nucléaire de 80 milliards de dollars autour de Westinghouse Electric Company, géant américain du nucléaire civil. L’opération est soutenue par ses maisons-mères : le fonds canadien Brookfield Asset Management et Cameco Corporation, leader canadien de l’uranium. L’objectif affiché est de déployer une nouvelle génération de réacteurs, principalement des AP1000. Cet accord, présenté comme « historique » par le secrétaire au commerce américain Howard Lutnick emporte le soutien direct du Département du Commerce et du Département de l’Énergie. Il vise à réindustrialiser la filière nucléaire américaine et à garantir notamment l’alimentation énergétique des data center liés à l’intelligence artificielle. L’administration Trump II inscrit ce projet dans la continuité des politiques nucléaires précédentes, des garanties d’emprunt au GAIN program lancées sous l’ère Obama. Elle franchit cependant un cap en l’intégrant explicitement à la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle.
Le retour d’une planification industrielle fédérale
Derrière cette annonce, se dessine un retour assumé de la planification industrielle fédérale. Ces chantiers devraient générer environ 45 000 emplois directs et plus de 100 000 emplois dans la construction selon le communiqué officiel. Brookfield prévoit dans ce cadre de « doubler ses investissements dans les infrastructures américaines d’ici dix ans », tandis que Cameco sécurisera l’approvisionnement des centrales. Cette articulation public-privé marque une réponse pragmatique aux besoins croissants en énergie induits par l’économie du numérique depuis le développement de l’intelligence artificielle. Le nucléaire redevient ainsi un levier de puissance économique. Il stabilise les réseaux et garantit une compétitivité durable grâce au prix bas d’une électricité décarbonée. Demain, il soutiendra également l’implantation massive de data centers, indispensables au développement de l’intelligence artificielle.
Une stratégie destinée à offrir à Washington l’avantage technologique sur ses rivaux
À court terme, cette relance consolide l’image du nucléaire américain et place à nouveau Westinghouse comme vitrine technologique face à l’EPR 2 européen et au Hualong One chinois. À moyen terme, elle bâti un socle d’exportation du nucléaire civil américain, illustré par des contrats déjà signés en Pologne, Romanie et République Tchèque. À long terme, elle pourrait imposer le standard AP1000 comme référence mondiale, au détriment des modèles concurrents européens. Les États-Unis associent ici trois leviers stratégiques : technologie, énergie et influence, en mobilisant l’État fédéral comme chef d’orchestre d’une reconquête industrielle annoncée depuis l’élection présidentielle américaine de janvier dernier.
Un modèle américain qui pousse la France à clarifier sa stratégie nucléaire
Face à ce tournant, la France apparaît en retrait. Malgré la relance annoncée des EPR 2, l’absence d’un dispositif intégré entre État, industriels et investisseurs la prive d’une dynamique comparable. Le modèle américain combinant politique publique, capital privé et choix technologique clair souligne la nécessité pour Paris de repositionner le nucléaire comme levier de puissance économique et non comme simple choix énergétique.
Gaston Levalois RensIE04
Pour aller plus loin :
- Les États-Unis attaquent la coopération nucléaire Framatome-Rosatom – Portail de l’IE
 - Investissement d’ArcelorMittal dans les nouvelles technologies nucléaires : quelle stratégie française ? – Portail de l’IE
 - [Rapport] États-Unis — Les 100 premiers jours du deuxième mandat de Donald Trump – Portail de l’IE