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Échec de l’eNaira au Nigeria, l’avenir des MNBC menacé ?

Alors que la banque centrale nigériane a fortement restreint les retraits bancaires de nairas depuis le 9 janvier, le cours du bitcoin connaît une flambée importante dans le pays. Cette hausse du bitcoin met en exergue le désamour des Nigérians pour la monnaie locale ainsi que le rejet de l’eNaira, la Monnaie Numérique de Banque Centrale (MNBC) que tente d’imposer le gouvernement depuis octobre 2021.

Le 6 décembre 2022, la banque centrale du Nigeria a annoncé limiter les retraits à 20 000 nairas par jour et 100 000 nairas par semaine pour les particuliers, soit respectivement environ 45 et 225 dollars. Quant aux entreprises, elles seront contraintes à un retrait hebdomadaire maximal de 500 000 nairas, soit 1 125 dollars. Au-delà de ces limites, les particuliers seront soumis à des frais de 5 % et les entreprises à 10 %. Cette mesure prend pleinement part à la stratégie du gouvernement nigérian de digitaliser son économie tout en forçant l’adoption de sa MNBC, l’eNaira.

Alors que les Nigérians se sont tournés vers les cryptomonnaies, le bitcoin en tête, suite à la forte dépréciation du naira ces dernières années, le gouvernement de Muhammadu Buhari entend s’appuyer sur l’eNaira afin de reprendre le contrôle sur la masse monétaire du pays. Le gouvernement compte également sur sa MNBC pour intégrer la population nigériane au système financier dans un pays où seulement 45 % d'adultes possédaient un compte bancaire au moment du lancement de l’eNaira, à l’automne 2021. L’eNaira permet aussi le contrôle des transferts de fonds de la diaspora nigériane en court-circuitant les Western Union, PayPal et autres entreprises de transfert de fonds à l’échelle internationale. Seulement, un an après son lancement, moins de 0,5 % des Nigérians déclaraient avoir utilisé l’eNaira.

L’augmentation massive que connaît le cours du bitcoin au Nigeria en cette fin janvier s’explique donc par le rejet massif de la population du naira suite aux limitations de retraits venant d’entrer en vigueur et donc, par extension, de l’eNaira qui était pourtant la transition souhaitée par le gouvernement. Actuellement, les Nigérians souhaitent se séparer de leurs nairas quitte à surpayer du bitcoin sur des places d'échanges locales proposant un cours plus élevé que les autres exchanges mondiaux. En effet, il est tout de même plus rentable pour la population locale d’acquérir du bitcoin aux taux des places d'échanges locales plutôt que d'échanger ses nairas contre des dollars afin d’avoir accès aux exchanges mondiaux, la faute à des taux de change hors de contrôle.

Ainsi, le Nigeria fait office de laboratoire à ciel ouvert quant à l’expérimentation des MNBC. Bien que le pays dispose d’une conjoncture économique lui étant propre, l’implantation de l’eNaira semble être un véritable échec bientôt un an et demi après sa mise en circulation. Cet échec pousse massivement la population à adopter les crypto-monnaies, allant totalement à l’encontre de la volonté initiale du gouvernement. Le Nigeria étant la plus importante puissance économique africaine, l’impact d’une telle émancipation de la part de la population pourrait faire écho sur le continent, d’autant plus que des pays comme le Ghana ont eux aussi développé leur propre MNBC. L’échec de la mise en place de MNBC sur le continent africain pourrait alors remettre en cause l’e-yuan chinois ainsi que l’euro numérique européen, pressenti pour 2026.

 

Théo Noël

 

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