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[Conversation] – Interview de Joël Pastre, président et fondateur de Global Risk Profile

Fondé en 2009, Global Risk Profile (GRP) est un cabinet spécialisé dans le domaine de la Due Diligence, implanté en Suisse et en France. Alors qu’une « obligation de transparence » s’impose progressivement dans le monde des affaires, accompagnée d’un « droit de savoir » de la part des entreprises cherchant à contracter dans de nouveaux pays, avec de nouveaux clients, fournisseurs ou partenaires, GRP protège ses clients contre les risques liés aux affaires, en leur fournissant des informations sur le profil des parties tierces, acteurs économiques des secteurs public et privé.

A l’aube de la publication par GRP de ses indices ESG et Corruption, nous avons rencontré son président et fondateur Joël Pastre.

 

Le Portail de l’IE : Global Risk Profile fête ses 10 ans cette année. Vous êtes implantés à Genève et, désormais, également à Paris. Pouvez-vous nous présenter votre société en quelques chiffres ?

 

Joël Pastre : Nos bureaux de Genève et de Paris regroupent une vingtaine d’analystes, pour autant de langues clés maîtrisées en interne. Fait intéressant, le turnover de nos employés est quasi nul, favorisant ainsi une réelle culture d’entreprise orientée sur trois piliers : qualité, goût de l’innovation, service client. 10 ans après sa création, GRP est à l’origine de plus de 3 000 rapports de Due Diligence, basés sur plus de 2 500 sources d’informations. Enfin, nous sommes fiers d’avoir, à ce jour, développé 2 indices : le ESG Index, qui évalue les risques pays selon trois critères (environnement, droits de l’homme et santé & sécurité) et le Global Corruption Index, qui rend compte du niveau de corruption dans les secteurs public et privé de 199 pays.

 

PIE : En France, la loi Sapin II impose la mise en place, au sein des entreprises de plus de 500 salariés réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 100 millions d’euros, de mesures de vigilance destinées à prévenir les comportements relevant de la corruption, du trafic d’influence, de la concussion ou de la prise illégale d’intérêt. Ce profil d’entreprises constitue-t-il votre cœur de cible ?

 

JP : Oui, en effet, ayant l’habitude de traiter cette problématique avec des acteurs faisant partie du CAC40 (70% de nos clients sont quotés sur les bourses européennes) nos principaux clients sont soumis à la loi Sapin II. Cependant, de plus en plus de PME font aussi appel à nous car nous pouvons leur apporter des réponses sur mesure ainsi que des conseils d’experts.

 

PIE : Quels sont les principaux outils que vous mettez à disposition de vos clients ?

 

JP : Nous réalisons des rapports de Due Diligence ciblant des personnes ou entreprises dans le monde entier, mais aussi des prestations de conseil ou encore des indices.

 

PIE : L’innovation technologique semble tenir une place prépondérante au sein de vos activités. Elle y est mise, en dernière instance, au service de l’analyse humaine. Comment ces deux approches s’apportent-elles mutuellement de la valeur ?

 

JP : Il faut vivre avec son temps : l’innovation technologique est au service de l’intelligence humaine, elle permet d’accélérer certains processus, de les optimiser, de traiter un grand volume de données, d’exploiter des nouvelles possibilités (qui auraient été impossibles ou très difficilement réalisables dans les délais impartis) et, ce faisant, de libérer du temps à nos analystes, qui en tirent bon profit : au lieu de se consacrer à des tâches certes utiles mais répétitives et chronophages, terreau propice à l’erreur humaine, ils font le travail qui échappe aux machines. Ils assemblent les pièces du puzzle, établissent des liens difficilement décelables par la machine, font usage de leur expérience et connaissances, suivent certaines pistes (parfois ténues), décèlent des schémas complexes, éliminent homonymes et faux positifs et, in fine, relient tous ces éléments entre eux pour livrer un travail d’une qualité irréprochable.

 

PIE : Vous êtes à l’origine de la publication de l’indice ESG, qui évalue les risques pays selon trois critères : environnement, droits de l’homme et santé & sécurité, en compilant les données issues de 45 sources disponibles en open source. Autant de préoccupations que doivent prendre en compte les multinationales françaises (loi n° 2017-399 du 27 mars 2016). Ces critères sont-ils rigoureusement observés par l’ensemble de nos multinationales ?

 

JP : La loi sur le devoir de vigilance, adoptée par la France en 2017, recouvre des sujets vastes et transversaux. En effet, le droit du travail peut aussi bien se référer au domaine de la santé et de la sécurité qu’à celui des droits de l’homme. De plus, les normes et législations en matière environnementale ne sont pas encore uniformisées au niveau international et sont souvent propres à chaque pays, voire à chaque région ou province. Ces problématiques sont souvent gérées par différents départements (RH, Ethique et conformité, RSE) au sein d’une même entreprise, ce qui nécessite une réorganisation des processus interne pour y répondre efficacement. De plus, chaque entreprise a ses spécificités propres qui nécessitent un travail de fond pour établir sa cartographie des risques.

 

C’est en ayant ces difficultés à l’esprit que nous avons conçu l’Indice ESG qui permet de cartographier le risque exogène à travers les trois grands critères de la loi. Nous avons également développé la solution technologique Ederis avec deux flux, l’un axé sur l’anti-corruption et l’autre dédié spécialement au devoir de vigilance. Nos spécialistes ont conçu une solution unique permettant la mise en œuvre efficace de cette loi au sein des entreprises concernées grâce à une méthodologie développée sur mesure, en totale adéquation avec les exigences législatives. Pour répondre à votre question, si les plans de vigilance des entreprises sont encore souvent incomplets, ces dernières sont désormais en mesure de faire appel à des prestataires disposant des outils à même de les épauler dans leur mise en conformité.

 

PIE : Quels sont vos principaux interlocuteurs, en charge du respect de ces contraintes, au sein de ces structures ?

 

JP : En ce qui concerne les législations anti-corruption, il s’agit principalement des directions compliance, juridique et conformité. Pour le devoir de vigilance, les responsables achats, les directions éthique et conformité ainsi que les départements RSE et développement durable

 

PIE : Mi-mai sortira, sur un site dédié (risk-indexes.com), le premier Global Corruption Index. En quoi se distingue-t-il de l’Indice de perception de la corruption publié par l’ONG Transparency international chaque année ?

 

JP : L’indice de Transparency International s’intéresse à la perception de la corruption dans le secteur public, nous avons voulu apporter une vision plus globale et complète en y intégrant la corruption privée notamment. Par ailleurs, notre indice inclut d’autres types d’indicateurs comme l’expérience de la corruption, le contexte juridique et politique, etc. Il prend aussi en compte les autres crimes en col blanc (blanchiment d’argent, fraude, financement du terrorisme, etc). Enfin, il est possible de le personnaliser afin d’obtenir un indice au plus proche des besoins de nos clients.

 

PIE : Quel regard portez-vous sur l’évolution de l’environnement des affaires dans le monde ? Peut-on espérer que la multiplication des réglementations contraignantes et l’existence d’acteurs comme GRP contribuent à assainir cet environnement ?

 

JP : Oui, tout à fait, on le voit bien avec l’exemple des USA, suivis par la France avec la mise en place de l’Agence française anticorruption. On constate une évolution vers des régulations toujours plus contraignantes. L’aspect contraignant, c’est-à-dire le fait de s’exposer à de réelles sanctions, contribue à une mise en œuvre plus efficace. GRP s’inspire de ces régulations et de son expertise pour développer ses solutions.

 

Notre stratégie de développement à long terme repose sur la conviction que l’utilisation de solutions innovantes et qualitatives dans le domaine de la conformité apporte une plus-value reconnue au sein des entreprises et que la compliance, jusqu’ici considérée comme un coût pour les entreprises, se transforme en un avantage compétitif. Par exemple, nous travaillons actuellement avec des entreprises non soumises à la loi Sapin II, mais ayant leurs clients en France, donc soumis à Sapin II. La mise en place de solutions compliance leur confère une crédibilité et une excellente réputation auprès de leurs clients français et un avantage certain par rapport à leurs concurrents locaux.