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La Nouvelle-Calédonie en proie au métal du diable

A l’heure où les cours du nickel s’effondrent, Eramet, l’un des principaux producteurs du « métal du diable » au monde et entreprise française, voit sa filière calédonienne en pleine tourmente. Or, la situation, tant locale qu’internationale, devrait permettre au groupe de s’affirmer comme leader, notamment face au producteur brésilien Vale. Mais les tensions internes à l’approche du référendum de 2014 rendent la question difficile.

Une stratégie commune difficilement réalisable

De nombreuses dissensions existent entre les volontés de chacun des acteurs, illustrant le difficile choix à faire entre un développement porté sur l’ile ou une expansion tournée vers l’extérieur. La Société le nickel (SLN), acteur historique de l’exploitation du nickel calédonien subit de plein fouet non seulement la concurrence internationale, mais aussi celle locale. La maison mère de celle-ci, Eramet, favorisant un développement international ne fait pas l’unanimité sur le « caillou ». Son projet en Indonésie, Weda Bay Nickel, est perçu comme un désinvestissement sur l’île alors que de nombreux gisements sont encore à exploiter. De fait, cela mène à des situations étranges dont le gisement de Koniambo est l’illustration même. Ainsi, la France a manqué de discernement sur ce point, laissant entrer deux concurrents étrangers sur ce territoire ultra-marin, pourtant fer de lance en matière de ressources puisque la Nouvelle-Calédonie est le second gisement mondial de nickel.

Une concurrence insulaire

En vertu d’une loi de décentralisation, le consortium kanak SMSP a acquis auprès de SLN, qui a été en fait contraint de le céder, le gisement de Koniambo, lequel a ensuite été revendu à la société suisse Xstrata. Les tensions et critiques auxquelles a dû faire face la SLN ont ainsi débouché à une totale dissension des intérêts de chacun sur l’ile et aucun acteur majeur n’émerge à ce jour en vue d’élaborer une stratégie commune. Ce à quoi s’ajoute l’échéance des élections provinciales de 2014, les dernières sous le mandat de l’accord de Nouméa.

Devenir le fer de lance de la production de nickel

Cependant, si le projet de Weday Bay est perçu comme néfaste de la part de la population locale, il n’en demeure pas moins qu’il pourrait s’avérer être un atout considérable pour le développement de l’ile. En effet, le groupe brésilien Vale est aujourd’hui le premier producteur de nickel en Indonésie. Le projet de Weday Bay permettrait à Eramet de rafler cette position de leader et ainsi réinvestir en Nouvelle-Calédonie par le biais de sa filiale SLN.

Par ailleurs, la volonté de créer une OPEP du nickel annoncé récemment par la Nouvelle-Calédonie, permettrait à cette-dernière, en raison de la position d’Eramet, d’énoncer ses propres lois et par conséquent de contrôler l’offre de nickel. Car c’est aujourd’hui cela qui fait défaut. En effet, la production de nickel est aujourd’hui excédentaire. La Chine étant l’importateur majeur, c’est elle qui dicte les coûts. Il s’agirait donc de contrôler l’offre afin d’imposer des coûts plus avantageux pour les producteurs. Cependant, tant qu’un acteur calédonien de poids ne sera pas présent au sein de ce projet, l’ile ne sera pas en mesure d’imposer l’offre de nickel et encore moins de tirer des bénéfices de cette position de leader. Or le projet de Wada Bay serait en mesure de leur offrir ce nouveau positionnement, d’autant plus que l’Indonésie est actuellement en première position d’exportatrice à destination de la Chine.

Toutefois, le projet indonésien d’Eramet n’est pas gage de succès pour cette entreprise. En effet, à compter du 14 janvier 2014, il sera interdit pour l’Indonésie d’exporter des matériaux non-transformés, à moins que les entreprises ne bâtissent sur l’ile leur propre usine de raffinage, ce que compte faire Eramet. Mais cela n’est autorisé par Jakarta qu’à la seule condition de détenir la majorité du capital. Or il n’est pas garanti qu’Eramet accepte de ne détenir que 49% de sa propre usine. La Chine, face à ce rationnement a déjà importé massivement du nickel brut qu’elle transformera en fonte de nickel, un alliage moins cher que le métal raffiné. Cependant, il lui faudra se réapprovisionner une fois son stock épuisé, représentant de fait un marché important pour une société telle qu’Eramet et pour la Nouvelle-Calédonie.

Un contexte fortement politisé en 2014

L’élaboration d’une stratégie commune s’avère donc de plus en plus délicate. Il devient difficile de trancher pour les entreprises calédoniennes entre l’intérêt de leur ile et celui de leur entreprise. Si le développement local à court terme peut sembler plus propice au bien être de l’ile, le développement international peut à long terme assurer davantage de stabilité face à une concurrence accrue des pays voisins. Les retombées n’en seraient que plus fructueuses à terme et propices au développement de la Nouvelle-Calédonie. Et cela fait sens lorsque se pose la question de l’autodétermination. Mais en effaçant l’ardoise de la dette du nickel calédonien estimée à plus de 34 milliards de francs pacifiques en juillet 2013, l’Etat témoigne de nouveau de son intérêt pour l’économie de l’ile, et de manière plus générale pour ses territoires ultra-marins, notamment avec le projet d’extension du plateau continental et les enjeux que celui-ci représente en termes de ressources.

Jean-Maxime Dick