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La Chine, première puissance économique du monde ?

Les chiffres sont tombés en octobre dernier, la Chine a surpassé les Etats-Unis et devient de ce fait la première puissance économique du monde. Mais la nouvelle n’a pas fait grand bruit, que ce soit dans les milieux politiques ou économiques. Il peut être intéressant de revenir sur la façon dont est calculée la puissance économique d’un pays et en quoi cette nouvelle position de la Chine est à relativiser.

Une question d’indicateur        

Les calculs du FMI et de la Banque Mondiale sont relativement techniques, mais une simplification peut être faite pour comprendre sur quoi se fondent les comparaisons économiques. Celles-ci sont faites à partir du PIB de chaque pays. Cependant, même pour un novice en économie, la différence entre le PIB chinois et le PIB américain ne passe pas inaperçu. De la même façon, un dollar n’a pas la même valeur qu’un yuan en prenant en compte le taux de change. Le FMI se base donc sur la parité de pouvoir d’achat (PPA) pour obtenir un résultat juste et équitable. Le calcul par PPA permet d’exprimer dans une unité commune les pouvoirs d’achats des différentes monnaies : elle se fonde sur la théorie du prix unique selon laquelle un même produit devrait avoir le même prix partout. Cette technique de calcul a ses limites : en effet, les modes de consommation ne sont pas les mêmes en Chine qu’en France ou aux USA. Par exemple, le personnel de maison est à bas prix en Chine alors que seuls les foyers français à haut revenus peuvent embaucher des domestiques.  

Donc, selon ces calculs, le PIB par PPA des USA est de 17.414 milliards de dollars en 2014, et celui de la Chine est égal à 17.632 milliards. L’écart est très minime mais suffit à propulser la Chine au premier rang de l’économie mondiale.

Pas de quoi bouleverser l’ordre mondial

Bien que le calcul par PPA indique que la Chine dépasse les Etats-Unis, il faut toutefois relativiser la chose, et utiliser d’autres indicateurs pour se rendre compte qu’économiquement la Chine n’est pas si dominante.

Le coefficient de Gini peut être un bon indicateur de la situation économique globale du pays, dans le sens où il met en évidence l’écart de revenus au sein de la population. L’indice est compris entre 0 et 1 ; 0 représentant une égalité parfaite et 1 indiquant que la richesse n’est détenue que par une seule personne. Plus l’indice est élevé, plus les inégalités de richesses sont importantes. En 2014, le coefficient de Gini est de 0.408 pour les Etats-Unis. En 2010, celui de la Chine atteignait déjà 0.510. Le pays ayant stoppé le rapport de ce coefficient cette année-là, nous ne disposons pas de données plus récentes.

On peut donc en conclure qu’en Chine une minorité de la population a accès aux richesses du pays, l’autre partie étant plus pauvre. Même si nous entendons parler du développement d’une classe moyenne, celle-ci n’est pas si majoritaire que cela. On peut l’expliquer par le développement très rapide de la Chine, qui conduit la classe moyenne à s’enrichir très rapidement, notamment dans l’immobilier et plus récemment dans les vignobles. Le succès fulgurant de Ma Yun, auparavant professeur d’anglais, pourrait laisser entendre que l’environnement économique du pays permet l’avènement de « self-made men » à l’américaine, mais des cas tels que celui d’Alibaba restent rare. Les nouveaux (très) riches chinois ont souvent un background familial propice à l’enrichissement. A cela s’ajoute le fait que plus de la moitié de ces riches chinois sont des membres du Parti.

Depuis 2014, nous avons assisté à un ralentissement de la croissance économique de la Chine, faisant chuter son PIB. La Chine subit elle aussi les conséquences d’une bulle immobilière, du chômage, et de l’insuffisance de la consommation intérieure. Xi Jinping, au pouvoir depuis 2013, a également entamé une lutte contre la corruption qui a freiné les achats luxueux de certains hommes d’affaires et membres du parti. Au premier semestre de 2014, les ventes de montres Richemont ont diminué de 1% ; il en va de même pour le cognac Rémy Cointreau. Du fait d’une augmentation des salaires, l’activité manufacturière a également diminué (49.6 en décembre, son plus bas niveau en 7 mois). Les commandes à l’exportation se font plus faibles car l’augmentation des salaires a impacté la compétitivité-coût du pays et a limité la production de biens industriels peu sophistiqués, leur fabrication étant devenue plus cher que dans d’autres pays asiatiques.

La Chine n’est donc pas épargnée par le ralentissement économique et sa croissance n’est plus aussi spectaculaire qu’après la crise économique qui a durement secoué l’Europe et les Etats-Unis en 2008. L’insuffisance de la sécurité sociale et la spéculation immobilière conduisent la population chinoise à épargner toujours plus et empêchent donc la consommation intérieure de se développer comme le souhaiterait le gouvernement.

Mais la Chine avance toujours à pas de géant

Si nous avons observé ce ralentissement, il n’en demeure pas moins que l’Empire du Milieu dispose d’un capital important à investir, et c’est ce qui le rend attractif aux yeux du monde entier. La Chine cherche à conquérir des parts de marché dans des domaines variés : tourisme, aéronautique, défense et nouvelles technologies.

Auparavant usine du monde, la Chine a comme ambition d’être au niveau des Etats-Unis, voire de les surpasser. Grâce à ses investissements à l’étranger, elle a pu rattraper son retard technologique et parvient même à développer des applications et services aux succès mondiaux. Elle est très présente en Europe et plus particulièrement en France, mais commence également à concurrencer les géants américains des nouvelles technologies avec Alibaba, Huawei, Xiaomi et bien d’autres.

Selon le FMI, la Chine est toujours un pays en voie de développement, la situation intérieure du pays n’en laisse pas douter, mais sa présence à l’international est très prégnante. En plus de ne pas avoir fait de vagues dans l’opinion publique, le gouvernement chinois ne s’est pas exprimé sur sa nouvelle position. Tout simplement parce qu’actuellement la Chine a le statut de puissance émergente qui lui permet de jouir d’avantages dans les négociations internationales tout en lui permettant de se développer sans grandes contraintes. Le rêve chinois énoncé par Xi Jinping se réalise pas à pas et dans certains domaines la Chine pourrait en effet dépasser les Etats-Unis, dans un futur de plus en plus proche. Il ne faut donc pas négliger cette montée en puissance sur la scène internationale. De la même façon que les Etats-Unis ont su devenir la puissance mondiale en vendant leurs produits à travers le monde, en se spécialisant dans l’uniformisation des modes de consommation et en devenant la référence dans les nouvelles technologies, la multiplication des prises de participations et des investissements chinois dans de nombreuses entreprises et domaines stratégiques laisse à penser que la Chine parviendra un jour à s’imposer comme le pays incontournable sur la scène économique mondiale. 

Elodie Le Gal