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Côte d’Ivoire et Ghana, vers un OPEP du cacao ?

Il y a 3 ans, les 2 pays s’opposaient sur le tracé de leur frontière maritime, le conflit avait alors été réglé devant le Tribunal International du Droit de la Mer (TIDM) à l’avantage du Ghana. Aujourd’hui, le temps est à l’alliance dans un projet amenant à une entente, sur le modèle des pays exportateurs de pétrole, transposé au marché du cacao.

Face aux mastodontes du secteur, que sont entre autres MARS, NESTLE ou encore FERRERO, les 2 pays, Ivoiriens et Ghanéens, ont décidé de venir au chevet de l’industrie du cacao, et défendre les intérêts des planteurs en contrôlant davantage les prix.

Avec une production de plus de 3 millions de tonnes de cacao par an sur les 4,6 millions que représente la production mondiale, les 2 pays représentent à eux seuls près de 65 % du marché. La Côte d’Ivoire et le Ghana sont donc des partenaires privilégiés et incontournables pour les sociétés majeures utilisant cette matière première.

La filière Café Cacao, qui participe, directement ou indirectement, à la vie de plus de 5 millions de personnes en Côte d’Ivoire, souffre toujours d’une chaîne de valeur mal maîtrisée. En effet, le peu, voire l’absence de transformation de cet or brun, induit une très faible création de valeur ajoutée, et constitue in fine, un important manque à gagner pour les planteurs.

 

Première bataille remportée

À l’heure où l’industrie cacaoyère attend toujours sa révolution, les pouvoirs publics des 2 pays représentés par les présidents Alassane Ouattara et Nana Akufo-Addo, tous deux fraîchement réélus à la tête de leurs États, ont pris le problème à bras le corps dans leurs politiques économiques. Les 2 gouvernements, pourtant de courants libéraux, ont décidé d’intervenir directement dans cette filière stratégique. Ceci par l’intermédiaire du Conseil Café Cacao (CCC) pour la Côte d’Ivoire et le Cocoa Board (Cocobod) pour le Ghana en instituant le Différentiel de Revenu Décent (DRD).

Cette participation, payée par les géants du secteur, est évaluée à 400 dollars par tonne en plus du prix du marché. Elle permet de rémunérer comme son nom l’indique, décemment les planteurs. Cela répond également à la volonté des consommateurs finaux d’une production plus éthique, plus responsables et respectant les normes environnementales.

 

Mais pas la guerre

La mise en place du DRD au 1er octobre 2020, qui est une première réponse posant les bases du rééquilibrage des relations commerciales entre les planteurs et les entreprises du chocolat, a déjà du plomb dans l’aile. Les 2 institutions du cacao, Ivoiriennes et Ghanéennes, dénoncent un contournement du dispositif par les industriels. En témoignent, les achats importants réalisés le mois dernier sur les marchés à terme de New-York et non auprès des cacaoculteurs, évitant ainsi de payer le surplus négocié.

Argument réfuté par les industriels qui expliquent, qu’avec le coronavirus, inversement aux attentes, la consommation mondiale de chocolat a baissé. Sur 2020, l’offre ayant été supérieure à la demande n’a pas joué à l’avantage des planteurs.

Sur ce marché générant 100 milliards de dollars de revenus, un rapport de force inédit s’est installé entre les pays producteurs de cacao et leurs clients. Abidjan et Accra qui ont besoin d’un « cacao fort » pour soutenir leur croissance, menacent de ne plus certifier les produits de la filière. Or, il s’agit d’un argument commercial important pour ces grandes marques dont les clients demandent toujours davantage de transparence.

La stratégie commune de ces 2 pays importants de l’Afrique francophone et de l’Afrique anglophone portera-t-elle ses fruits ? Sur du long terme, un compromis est inévitable entre les producteurs et leurs clients qui ne peuvent vivre l’un sans l’autre.

 

Akadji Gbongbadjé