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L’Angola se retire de l’OPEP : Total aux abois

Le 21 décembre dernier, le gouvernement angolais décide de sortir de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Ce revirement de situation annonce un nouveau paradigme pour le pays et des perspectives nouvelles pour TotalEnergie.

Un diktat de l’OPEP : le dépérissement du cartel 

Depuis les années 2010, l’OPEP diminue progressivement les quotas de production de pétrole, en tenant compte des différents objectifs décidés par les Etats dans la Conference of the Parties. Toutefois, plusieurs pays refusent ces restrictions comme l’Indonésie en 2016 et le Qatar en 2020, qui préfèrent se concentrer sur le développement du Gaz Naturel Liquéfié (GNL).

Depuis juin 2023, l’OPEP accélère l’objectif de diminution de production pour maintenir sous tension les prix du pétrole, en espérant mieux supporter les contractions du marché. Pour l’année 2024, l’OPEP a demandé que la production quotidienne du pétrole angolais ne dépasse pas les 1,11 million barils par jour (bpj). Cependant,  le gouvernement angolais prévoyait un objectif de 1,18 millions de bpj. Cette divergence d’intérêt a forcé la main du gouvernement angolais, qui a décidé de quitter l’organisation. Cette décision a un certain écho et accélère le mécontentement de certains pays dans l’OPEP comme le Nigéria, le Congo et les Émirats Arabes Unis qui contestent ces quotas.

La dépendance de certains pays à leur rente pétrolière entraîne des tensions géopolitiques, et crée un effet contraire par le fait que les pays producteurs de pétrole hors de l’OPEP augmentent leur production.

Le pétrole : la dépendance de la rente

Depuis l’indépendance de 1975, l’Angola bénéficie de riches gisements pétrolifères et doit compter sur des investissements et sur de la technologie étrangère pour les exploiter. L’extraction de ce pétrole se trouve en deep offshore à des profondeurs, atteignant presque les deux milles mètres sur le littoral angolais. Depuis la restructuration de la société publique angolaise Sonangol en 2020, qui détenait une majeure partie de la production pétrolière, l’État angolais entame une ouverture massive du marché et une multiplication de partenariats public-privé. De ce fait, en 2022, quatre acteurs se partagent le marché : TotalEnergie possède 41 % de part de marché, Chevron 26 %, Exxon Mobil 19 % et BP  13 %. En 2023, l’Angola se positionne encore comme le  deuxième producteur pétrolier du continent africain, avec 1,1 million bpj, derrière le Nigéria avec 1,49 millions de bpj. Malgré cette ouverture, la production moyenne annuelle de barils ne fait que diminuer.

L’Angola est très dépendant de ces hydrocarbures, ces dernières représentent plus de 94 % des exportations totales du pays. Entre 2017-2021, la Chine est leur principal partenaire commercial. Cette manne financière peut se refermer n’importe quand. C’est pourquoi le gouvernement, conscient de cette dépendance, cherche à diversifier d’une part la chaîne de valeur de sa filière énergie et d’autre part, développe de nouvelles filières telle que l’agriculture ou la pêche. Ce revirement stratégique a pour objectif de décloisonner la chaîne de valeur pétrolière qui se concentre que sur l’extraction. Le gouvernement veut orienter de nouveaux investissements dans les capacités de stockage et de raffinage, mais aussi augmenter le développement d’énergies renouvelables comme l’énergie solaire.

L’Angola : la cheville ouvrière de TotalEnergie dans le golfe de guinée

TotalEnergie est un acteur historique, présent en Angola depuis 1953. L’entreprise est actuellement le leader pétrolier du pays en charge de cinq blocs composés de plusieurs sites d’extraction. TotalEnergie est l’un des premiers investisseurs dans la recherche de nouveaux gisements autour de la région du bas Congo et de la Kwanza.

Cependant, ce dernier suit les évolutions et les nouveaux objectifs de la transition énergétique mondiale. C’est la première grande société pétrolière à présenter une stratégie multi-énergie équilibrée. Entre 2010-2018, le groupe pétrolier a investi plus de 4 % dans les énergies renouvelables sur l’ensemble de ces investissements. Les sociétés anglo-saxonnes sont en revanche plus en retard, et la fourchette de leurs investissements tourne entre 0,20 et 2 % dans les énergies renouvelables. Face à la chute de nouveaux projets pétroliers et de production de barils, TotalEnergie a la capacité de présenter des solutions alternatives pour répondre aux besoins de l’Angola.  En effet, la filiale Total Eren a obtenu une concession de la centrale photovoltaïque de Quilemba en 2022. A, l’avenir d’autres projets pourront éclore.

De manière plus globale, la nouvelle stratégie de TotalEnergie pourrait répondre à des nouveaux besoins et orientations de certains état africains souhaitant revoir leur modèle énergétique. Ces états pourraient s’orienter, à l’instar de la France, vers un mix énergétique réduisant les dépendances aux énergies fossiles. La plupart des projets pétroliers dans le Golfe de la Nouvelle Guinée ont atteint leur maturité, avec la limitation des quotas de production. C’est une logique économique de rendements décroissants qui s’empare de cette région. Il est fort probable que les États africains s’orientent rapidement vers de nouveaux projets dans des secteurs innovants et prometteurs, tels que l’hydrogène, le photovoltaïque… C’est une opportunité commerciale que TotalEnergie peut exploiter, à la vu du revirement stratégique récent de ses concurrents, qui s’orientent de plus en plus vers des moyens énergétiques alternatifs.

Benoît Thouraud de Lavignère 

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