Le mécénat, outil stratégique des entreprises : le cas de la Fondation Orange

Le rôle du mécénat en termes de bénéfice d’image n’est plus à prouver. La réputation d’une entreprise se construit sur le long terme et les actions d’intérêt général sont un moyen de se faire remarquer dans une société noyée par le flux incessant d’informations.

Le mécénat, un outil d’influence pour les entreprises ?

Le mécénat n’est pas la « charité » au sens chrétien du terme et ne peut être considéré comme un acte totalement désintéressé. Si les retombées commerciales et financières sont inexistantes, contrairement au parrainage, le mécénat relève cependant d’une convergence d’intérêts. Il donne un visage humain à l’entreprise en la reliant aux questions d’intérêt général. Mais il semble plus difficile de construire une réputation que de la défaire.

L’exemple des réactions philanthropiques des entreprises touchées lors de l’Ouragan Katrina traduit ces difficultés. En effet, les chercheurs Alan Muller et Roman Kraussl ont montré dans une étude que « la réaction philanthropique en cas de catastrophe renforce le capital de réputation qui entraîne des rétributions financières à long terme. Elle ne permet pas de créer des gains immédiats en capital financier »[1]. Les firmes touchées par l’ouragan ayant fait preuve auparavant d’une certaine forme d’irresponsabilité sociale ont connu une chute du cours de leurs actions plus importante que les autres, et ce malgré leurs dons. Ainsi, si le mécénat bénéficie sur la durée à la réputation d’une organisation, il est nécessaire qu’il soit en lien avec les valeurs, la politique et la stratégie menée de façon globale.

Le mécénat d’entreprise est ici un pont entre les intérêts économiques des grands groupes et la société civile. Mais l’entreprise s’insère de plus en plus dans la société en produisant des identités collectives ou individuelles, en créant une culture spécifique et en étant à l’origine du changement social. L’entreprise diffuse ses valeurs dans la société et le mécénat devient un moyen efficace de communication de ces valeurs. Il s’agit de dialoguer avec la société civile.

Le mécénat d’entreprise permet de s’implanter efficacement dans un pays étranger : le cas de la Fondation Orange

Les grands groupes ont souvent des filiales dans des pays en développement ce qui explique leurs actions de solidarité internationale. L’importance de l’implantation d’une firme dans un contexte local n’est plus à démontrer pour que les individus considèrent sa présence comme normale. Un certain nombre de fondations, comme la Fondation Orange, s’engagent dans les pays où l’entreprise « support » souhaite s’implanter dans les années à venir, afin de donner une image positive de l’entreprise aux locaux et ainsi  faciliter l’intégration.

Depuis 2005, la Fondation Orange s’engage à l’international dans la zone Afrique-Moyen-Orient-Asie (AMEA). En Afrique, les actions terrains ont pour but de développer économiquement et socialement les communautés locales afin de montrer que “Orange n’apporte pas que le téléphone, des technologies et des services“. L’idée est de donner une image socialement responsable de l’entreprise, qui arrive dans un terrain où elle n’a pas encore de capital réputationnel. En 2014, la Fondation a soutenu 8 projets, dont 6 en Afrique : en Ouganda, en République Démocratique du Congo, en République Centrafricaine et au Niger. Les projets sont menés dans les pays où des filiales d’Orange sont implantées, ce qui permet de rendre la marque visible avec une réputation d’emblée positive.

Cette année, la Fondation Orange soutient par exemple un « Projet Village » au Niger, qui consiste à construire un point d’eau, une école et un centre de santé dans un village du pays. Le fait de concrétiser ces projets permet de donner une image positive d’Orange au Niger et de montrer que le Groupe se préoccupe des conditions de vie des habitants et agit pour les améliorer.

L’évolution des parts de marchés d’Orange en Afrique est sans doute liée à l’image donnée par ses actions humanitaires. Le groupe est plus facilement perçu comme solidaire et humain. Par exemple au Niger, alors qu’Orange a été le dernier entrant sur le marché de la téléphonie dans ce pays, le Groupe est aujourd’hui en seconde position dans le pays, avec 27% de parts de marché et 1,44 millions de clients actifs. Au Mali, Orange est aujourd’hui le premier opérateur du pays avec une part de marché de quasiment 63%, et comptait déjà 10,8 millions d’abonnés fin 2013.

L’Afrique est un marché à haut potentiel en ce qui concerne la téléphonie mobile : si le mécénat n’est pas l’unique raison de la réussite d’une entreprise française à l’étranger, il peut fortement y participer grâce à la générosité perçue par les habitants du pays concerné.

Le mécénat d’entreprise, un outil de communication d’influence

En 2014, le mécénat concerne 159 000 entreprises en France. Dans les raisons évoquées par les chefs d’entreprises pour se lancer, la « construction des relations avec les acteurs du territoire » est fondamentale. En ce qui concerne les domaines d’intervention choisis, une rupture selon la taille de l’entreprise peut aussi être constatée. Le sport reste le domaine privilégié des PME, ce qui peut se comprendre par le fait que ces entreprises n’interviennent que dans un territoire restreint et peuvent plus difficilement mettre en place des projets de grande ampleur comme le développement durable ou l’intervention humanitaire, qui concernent les grands groupes.

Le mécénat semble donc être une condition nécessaire (mais non suffisante) de l’implantation d’un grand groupe à l’étranger. En effet, c’est un formidable outil de soft power pour l’entreprise mais aussi un moyen de compréhension de la culture du pays sans équivalent. Le mécénat s’avère être un outil tout aussi efficace et souvent moins coûteux qu’une campagne de communication. Sans oublier que l’engagement sociétal d’une entreprise est un moyen de la faire connaître beaucoup plus gratifiant que la publicité.

Si les actions mécènes des grandes entreprises sont plus visibles de par leur envergure, les PME ne sont pas en reste et s’investissent régulièrement au niveau local, dans des associations sportives notamment. Par ailleurs, d’après l’institut Admical, les PME et TPE sont beaucoup plus nombreuses proportionnellement à être mécènes, mais les montants investis sont moins importants que pour les grandes entreprises. Cet écart s’explique logiquement par la différence de moyens dont disposent ces dernières. Le cadre législatif français incitatif – les entreprises peuvent déduire de leur impôt sur les sociétés 60% du montant de leurs dons – devrait finir de convaincre les PME/TPE les plus réticentes à se lancer dans des actions de mécénat.

Sarah Rosenblatt



[1] Réseau Entreprises et Développement Durable, La philanthropie ne permet pas de corriger une mauvaise réputation, février 2012