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La stratégie d’Israël sur la question des otages

L’attaque du 7 octobre 2023 du Hamas contre Israël a une nouvelle fois contraint le Moyen-Orient à s’adapter au rythme intense du conflit israélo-palestinien. Au cours de cette opération le Hamas a capturé 240 Israéliens, dont la libération reste la priorité de Benyamin Netanyahou. Le 21 novembre, les deux parties ont finalement trouvé un accord faisant consensus pour libérer les premiers otages.

L’attaque du 7 octobre : le choc 

Le 7 octobre 2023, le groupe terroriste du Hamas fait basculer le conflit israélo-palestien par son attaque d’une violence inouïe, perpétrée contre l’Etat d’Israël. Plus de 1 400 personnes sont assassinées, tandis qu’environ 240 civils et militaires sont pris en otage.  Cette opération a été un véritable séisme pour la population israélienne, en raison du nombre de victimes et d’otages pris. L’attaque est d’autant plus déstabilisante, qu’elle s’inscrit dans un contexte de normalisation des relations diplomatiques d’Israël avec ses voisins à travers les accords d’Abraham. Signés en 2020, ces accords de normalisation historiques comprennent Israël d’une part et les Émirats arabes unis, le Soudan, le Maroc et le Bahreïn d’autre part.

Les accords ont distribué les rapports de force en faveur d’Israël. Ce succès diplomatique pour les pays signataires, fut perçu comme une provocation pour la « triplice fréro-chiite » turque, iranienne et frériste pour qui Israël reste l’ennemi historique. Si les accords incarnaient une volonté politique de paix, et entérinaient une division en deux axes du monde arabo-musulman,  l’attaque du Hamas a réduit à néant le processus de pacification en cours.

La guerre de l’information au cœur du conflit israélo-palestinien

En position de faiblesse, le Hamas a exploité les faiblesses d’Israël qui s’était renfermé dans une position de domination complète, fondée sur son dôme de fer et la protection du mur le séparant de la bande de Gaza. Ce satisfecit a provoqué son imprudence, jusqu’à ignorer les signaux d’alertes, comme celui des services égyptiens l’ayant averti que le Hamas préparait une offensive importante. Les autorités israéliennes n’ont pas voulu tenir compte de ces avertissements : aveuglés par leur puissance, ils se sont crus intouchables.

Dans cette guerre d’usure, l’asymétrie de l’information a profondément modifié les rapports de force entre les deux parties. En jouant sur la peur, le Hamas et Israël ont enclenché un embrasement émotionnel pour rallier le maximum de soutien à leurs causes respectives. Cette guerre de l’information a plutôt joué en faveur du Hamas. Sa stratégie s’est appuyée sur des relais idéologiques mondiaux les soutenant, à travers des manifestations pro-palestiniennes dans des pays occidentaux, des déclarations officielles des pays arabo-musulmans condamnant les frappes israéliennes, voire par une victimisation du groupe terroriste comme un « mouvement de résistance ». Israël a néanmoins également pu tirer son épingle du jeu,  en qualifiant les attaques du 7 octobre d’un « 11 septembre israélien », poussant les États-Unis à réaffirmer leur soutien inconditionnel. Cette manipulation de l’information réaffirme les enjeux de cet espace de confrontation, dans lequel l’influence remplace les armes, et dont les conséquences peuvent altérer le déroulement du conflit.

Le dilemme des otages israéliens : négocier ou attaquer

Selon l’armée israélienne, le Hamas détiendrait 241 otages. La question du sort de ces prisonniers a immédiatement constitué une priorité pour le gouvernement de Netanyahou. Comment négocier leur libération avec le Hamas ?

Le 30 octobre, Benyamin Netanyahou a affirmé lors d’une conférence de presse  qu’aucune négociation avec le Hamas et qu’aucun cessez-le-feu sur la bande de Gaza n’étaient envisageables. En écartant dans un premier temps une potentielle négociation de la libération des otages, Israël est dans une situation de non-négociabilité relationnelle puisqu’il affiche un refus catégorique de traiter avec le Hamas, et de non-négociabilité décisionnelle car il estime l’éradication du groupe terroriste comme vitale à la survie de son État.

Puisque les otages israéliens neutralisent l’avantage militaire de l’État d’Israël, le Hamas parvient à renverser le rapport de force en sa faveur. La détention des otages lui procure un moyen de pression politique et informationnel envers Israël. De fait, Netanyahou dispose-t-il réellement d’une option alternative aux négociations et concessions avec le Hamas pour préserver la vie des otages ?

Rétropédalage de Netanyahou : un accord est conclu avec le Hamas 

En raison de l’influence de la population israélienne et de la communauté internationale, en faveur de négociations de libération des otages, Israël a été contraint de changer ses positions. Ce 21 novembre, le gouvernement israélien a annoncé qu’un accord avait été conclu avec le Hamas pour la libération de 50 otages. Cette négociation, sous les médiations américaines, qatariennes et égyptiennes n’a pas été faite sans concession. Israël s’est engagé à échanger 150 Palestiniens détenus sur son sol, principalement des femmes et hommes mineurs en attente de libération sans condition. Les deux parties se sont entendues sur un accord qui leur est mutuellement plus profitable. De premières controverses sont apparues. Le Hamas assure qu’un cessez-le-feu et la « cessation de toutes les actions militaires » de l’armée israélienne ont été négociés. Tsahal assure qu’il ne s’agit que d’une pause de quatre jours dans les combats avec une possibilité de prolongation. Initialement prévues pour le jeudi 23, les premières libérations débutent ce vendredi 24 novembre à 7h (heure israélienne) ; 13 femmes et enfants vont être libérés.

Le gouvernement israélien peu soutenu par son peuple dans ses décisions

Résigné, Benyamin Netanyahou a privilégié la libération des prisonniers par ce processus de négociation. Les désirs de vengeances du gouvernement israélien ont été limités en raison d’une opinion publique israélienne mitigée. Une majorité le tient aujourd’hui pour responsable des massacres du 7 octobre. Les services de renseignements sont également accusés d’avoir ignoré les signaux d’alerte d’une attaque de cette ampleur, négligeant la menace représentée par l’Iran et le Hezbollah.

Pour la frange la plus radicale du gouvernement, cet accord de cessez-le-feu affaiblit Israël car il donne l’opportunité au Hamas de se réorganiser militairement et numériquement, et de considérer les otages israéliens comme une monnaie d’échange.

La signature d’un accord, malgré un faible potentiel de négociabilité, ne signifie pas pour autant l’instauration de la paix entre Israël et la Palestine. L’élimination du Hamas et la neutralisation de ses membres actifs reste au cœur de la stratégie militaire de Tsahal. Si le gouvernement israélien a promis un cessez-le-feu de quatre jours une fois les 50 otages libérés, la reprise des combats de haute intensité dans la bande de Gaza est annoncée pour au moins deux mois.

Alix Cocard-Lozano, pour le club Humint & Négociation

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