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L’essor de l’industrie du divertissement ou le soft power coréen par la Hallyu [Partie 2/2]

Depuis quelques années, les séries et les films coréens gagnent en visibilité sur les plateformes de streaming. Cet essor de l’industrie du divertissement s’inscrit dans une stratégie établie dans les années 1990 par le gouvernement coréen. Retour sur une vague qui a subjugué le monde…

Le rôle de la k-pop pour l’industrie du divertissement

La k-pop, bien que déjà présente sur la scène internationale depuis des années, s’est réellement révélée au monde grâce à la chanson Gangnam Style du chanteur et producteur Psy en 2012. Il s’agit d’un succès planétaire : c’est la première vidéo YouTube à dépasser le milliard de vues. La réussite de cette chanson permet à la Corée et au monde de réaliser l’étendu et le potentiel de la Hallyu.

Durant les années 2010, le gouvernement a renforcé sa stratégie en promouvant la culture coréenne à l’international par la troisième vague Hallyu. Avec le soutien de l’État, la k-pop a pu poursuivre son ascension.

Le gouvernement continue d’apporter son soutien quant au développement de ce secteur et ambitionne de faire de la Corée du Sud l’une des plus grandes puissances de l’industrie culturelle. De fait, lors des représentations internationales organisées par le pays, les acteurs de la Hallyu sont mis en avant. Par exemple, lors des Jeux olympiques de PyeongChang en 2018 pour la cérémonie de clôture, le monde entier a pu assister aux prestations du groupe d’idols EXO et de la célèbre rappeuse CL.

La k-pop prend de plus en plus de place dans l’industrie musicale. En 2020, par exemple, le groupe BTS a connu un grand succès avec la sortie de sa chanson Dynamite. La Dépêche indique que cette chanson a dépassé « les 101,1 milliards de vues en 24 heures sur YouTube et [que BTS] reste le groupe le plus discuté sur Twitter en 2021 avec plus de 2,1 millions de tweets rien qu'en France ». Ce groupe est en effet un élément important pour la puissance économique coréenne. D’après le Hyundia Research Institute, il rapporterait plus de 3,5 milliards de dollars par an.

 

Retombée économique et sociale pour la Corée du Sud

L’exportation de la k-pop et des séries coréennes rapportent de plus en plus au pays. En effet, le gouvernement a estimé que les exportations de culture pop ont rapporté 12,3 milliards de dollars en 2019 contre seulement 189 millions en 1998. D’après le média E-International Relations, le groupe BTS a attiré 800 000 touristes (soit 7 % des arrivées sur le territoire coréen) en 2017. Le groupe est, à lui seul, une puissance économique pour le pays.

Entre 1960 et 2022, la Corée du Sud connaît un développement économique fulgurant. En effet, elle était placée parmi les pays les moins avancés (PMA) au début des années 1960 et se retrouve désormais à être la dixième puissance mondiale et le septième exportateur au monde. Cette croissance économique trouve ses origines dans la renommée des grands groupes coréens (Samsung, Hyundai, LG, etc.), appuyés par le rayonnement de la Hallyu.

Avec l’essor des séries coréennes et de la k-pop, la Corée du Sud attire de nombreux visiteurs chaque année. Des circuits touristiques ont été mis en place en incluant des lieux de tournages. Les monuments et lieux visualisés attirent des foules de touristes. En effet, d’après Pauline Petit, l’organisation du tourisme coréen a estimé que « 13 % des touristes ont visité la Corée en 2019 spécifiquement dans le but de découvrir la culture pop et d’assister à des événements de fans, leurs dépenses totalisant 2,7 milliards de dollars »

De plus, si la Hallyu a permis d’exporter le modèle coréen à l’étranger, elle est aussi vectrice de l’augmentation du nombre d’étudiants étrangers en Corée. De fait, selon Le Parisien, le nombre d’étudiants internationaux en Corée a augmenté de 88 % entre 2014 et 2019. Le journal démontre par la suite que l’influence de la Hallyu joue un rôle important quant à l’essor des étudiants internationaux.

L’engouement vers les cours de coréen est une autre retombée de la Hallyu. En effet, à la suite de la reconnaissance sur la scène internationale du film Parasite qui a obtenu la Palme d’Or du festival de Cannes de 2019 et quatre Oscars (meilleur film, meilleur film étranger, meilleur scénario original et meilleur réalisateur) et de la série Squid Game qui a remporté le prix Emmy Awards du meilleur acteur et a battu le record d’audience lors de sa sortie sur Netflix, l’attrait des individus pour la Corée du Sud n’a cessé d’augmenter. Cet essor se témoigne par l’augmentation des cours de coréen. En effet, entre 2017 et 2018 les effectifs ont triplé.

Le lien entre l’essor de ces cours dans le monde et l’influence de la Hallyu est clair. En effet, quelques semaines après la sortie de la série Squid Game, la plateforme Preply (apprentissage de langues) « a observé une hausse des demandes de cours de coréen à travers le monde. En tête des pays les plus demandeurs, on trouve le Royaume-Uni avec une hausse de 73 % des demandes, suivi par la France (65 %), le Canada (51 %), l'Italie (27 %) et les États-Unis (25 %) »

 

La concurrence du marché du divertissement

En 2020, les séries coréennes représentent 13 % des séries importées dans le monde, ce qui place la Corée à la troisième place du marché mondial, derrière la Turquie (36 %) et les États-Unis (31 %).

Source : www.planete-coree.com

 

Malgré les succès de ces séries, la concurrence reste considérable. Durant la diffusion sur Netflix de la série The Glory partie 1, la saison 2 de la série japonaise Alice in Borderland a été classée première des séries non-anglophone de Netflix pour la semaine du 26 décembre 2022 au 1er janvier 2023 avec 74,3 millions d’heures de visionnage. De plus, de nombreuses séries américaines dépassent des records d’audiences comme Wednesday, House of Dragon, The Last of Is, Emily in Paris (dont la saison 2 a accumulé 107 millions d’heures de visionnage entre le 22 et 26 décembre 2021), etc.

Cependant, la k-pop gagne progressivement le cinéma américain. En effet, il est désormais possible d’entendre des musiques coréennes dans des films américains : trois morceaux du groupe Blackpink ont été utilisés pour Hôtel Transylvanie 4, To all the boys : PS I love you et Justice League ; le morceau Russian Roulette du groupe Red Velvet a servi de bande son pour le dessin animé Les Trolls Tournée mondiale, etc. Le rayonnement de la k-pop a été illustré lors de l’ouverture de la Coupe du Monde de la FIFA au Qatar en novembre 2022 avec le show du chanteur coréen Jung Kook, du groupe BTS, lors de la cérémonie d’ouverture. De fait, si le groupe BTS incarne depuis quelques années la troisième génération de la Hallyu, la présence de l’idol témoigne une nouvelle fois de la puissance de l’industrie du divertissement coréen.

 

Une approche coréenne, opposée à la stratégie américaine

Les contenus audiovisuels coréens sur la scène internationale émergent dans un secteur hyper concurrentiel dominé par les États-Unis, ce qui oblige les industriels à prendre le contre-pied des séries américaines pour gagner ce marché. En effet, ces deux industries du divertissement sont très différentes en termes de taille, de portée et de diversité. L’industrie américaine est plus ancienne, très établie et diversifiée ; elle inclut le cinéma, la musique, les médias, les jeux vidéo, les parcs à thèmes, etc. La Corée du Sud, de son côté, porte une industrie en pleine croissance, avec une forte présence des secteurs de la musique et de la télévision, en particulier avec la k-pop.

Selon l’UNESCO, le Pays du Matin calme cherche à évaluer le niveau de diversification de ses services de radiodiffusion. Elle a mis en place un projet qui fournit des données pour renforcer « les politiques de promotion de la diversité des médias locaux ». Différents aspects sont analysés par le projet tel que le genre des personnages et leur orientation sexuelle, « l’âge, la profession, les langues, l’handicap, l’état civil ou la garde d’enfant », etc. Ces analyses permettent aux industries de divertissement d’offrir des séries diversifiées et d’élargir leur public.

Pour contraster avec les séries américaines violentes et sexualisées, la majorité des séries coréennes trouve leur originalité par scénario doux ou se mêlent clichés et triangles amoureux. Même si, depuis quelques années, les plateformes de streaming dévoilent des séries coréennes aux allures de thrillers, comme la récente série The Glory. Le cinéma coréen renforce sa part du marché et augmente en se servant du succès des manwhas, ces bandes dessinées coréennes qui défilent verticalement et dont la lecture est conçue pour la lecture par téléphone, qu’il adapte en série. Cette stratégie lui permet de toucher un nouveau public. Par exemple, Nevertheless, dans sa version anglaise, a obtenu plus de 15,5 millions de vues sur l’application Webtoon mais l’adaptation en série, quant à elle, a été visionnée 1,8 millions de fois entre le 12 juillet et le 22 août 2021.

 

Ainsi, depuis leur apparition à l’étranger, la popularité des dramas coréens ne cesse d’augmenter, renforçant le soft power du pays et contribuant à son développement économique. La Corée du Sud maintient une politique active de diffusion de sa culture à l'international par la Hallyu pour stimuler sa croissance économique. Les industries du divertissement coréennes ont développé des stratégies efficaces pour toucher un public plus large et diversifié, ainsi que des projets pour offrir des séries plus inclusives et représentatives, renforçant ainsi la rayonnement de la péninsule coréenne dans le monde du divertissement et augmentant sa visibilité internationale.

 

Tiphaine de Rauglaudre

 

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