Newspace : Latitude à l’assaut des data centers orbitaux dans une alliance Franco-émirati

Le 14 mai dernier, la startup française en aérospatial Latitude a signé un protocole d’entente avec l’entreprise Émiratie Madari Space en vue de lancer des data centers en orbite. Cet accord marque une nouvelle coopération entre la France et les Émirats depuis le Sommet pour l’action sur l’IA en février 2025.

Spécialisée dans le développement de micro lanceurs spatiaux, la startup Latitude a déjà présenté, depuis sa création en 2019, des projets majeurs tels que le lanceur léger Zéphyr ou le moteur de fusée imprimé en 3D, appelé Navier. Le champion français a levé au total 50 millions d’euros. Aujourd’hui, elle s’associe à l’entreprise émiratie Madari Space, qui est spécialisée dans la recherche et le développement des technologies spatiales. Cet accord prévoit, grâce au système Zéphyr,  le lancement d’une dizaine de satellites conçus par Madari Space à partir de 2028. La startup émiratie est soutenue par les milliards de dollars de son gouvernement. Son ambition est de déployer des data centers en orbite, afin d’apporter une solution aux défis que posent ces stockeurs de données sur Terre. Les premiers tests sont prévus en 2026.

L’idée de lancer des data centers en orbite suscite un intérêt croissant, en particulier depuis l’explosion de l’IA et la hausse des besoins de stockage. Les défis principaux sont liés à l’énergie, la taille des infrastructures et au refroidissement. Les data centers spatiaux permettent une exploitation de l’énergie solaire ainsi qu’un refroidissement naturel. Le lancement en orbite basse est également un avantage dans l’accélération du flux entre infrastructures spatiales. Le secteur spatial connait un essor dans la gestion de données stratégiques, comme illustré depuis la guerre en Ukraine. L’intérêt de stocker des données dans les data centers spatiaux est donc en constante augmentation.. En France, le premier projet d’ampleur à ce sujet a été mis en place par l’ESA, en lien avec Thalès et Leonardo.

Lancé en 2022, ce projet a permis la publication d’un rapport de faisabilité du projet publié en 2024. Aux Etats-Unis, les investissements et essais dans ce domaine sont nombreux. En février 2025, une fusée Falcon 9 Falcon 9 embarquait un centre de données Lonestar Data holdings. La NASA et Microsoft se sont aussi associés à des startups pour de futurs lancements. La Chine reste  la plus avancée dans cette innovation. Le 14 mai 2025, l’entreprise ADA space a lancé 12 satellites composé d’un supercalculateur, alimenté par IA et capable de stocker des données. 

Néanmoins, ce projet soulève de nombreuses questions concernant sa faisabilité. Certaines de ces interrogations ont en partie déjà été traitées par l’étude de faisabilité commandée par la Commission Européenne dans le cadre du programme Horizon Europe. Des résultats positifs sont ressortis de cette étude sur les plans techniques du projet. La question du financement demeure, puisqu’un tel projet requiert des fonds conséquents pour être mis en place et devenir viable.

Bien que le partenariat entre Latitude et Madari Space soit de nature privée, on peut se demander si l’Europe, qui cherche à se positionner comme acteur dominant dans le domaine spatial, pourrait s’y intéresser et apporter un soutien financier. De plus, des incertitudes subsistent au sujet de la rentabilité de ces investissements, et de la puissance des data centers qui seront envoyés, qui sera probablement trop limitée. Enfin, ce protocole d’entente entre une entreprise française et un acteur émirati soulève aussi des enjeux de souveraineté autour du partage des connaissances et pourrait supposer une perte de l’avancée stratégique   de la France sur certaines technologies. 

Cet accord représente une opportunité d’accélérer le lancement de data center en orbite. L’efficacité de ce projet dépendra de l’investissement des deux startups, à la fois en termes d’innovation et de budget. Outre l’intérêt commercial de ce partenariat, il symbolise l’avancée du Newspace dans ce domaine, qui représente 10% des emplois de la filière spatiale en France. Le Salon international de l’aéronautique et de l’espace, qui se tiendra du 16 au 22 juin, sera l’occasion de suivre l’évolution de ces projets et des ambitions de ces startups. 

Idris Humeau et Annabelle Delalandre pour le club Data Intelligence de l’AEGE

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